La Corriveau, la soif des corbeaux : une légende toujours d’actualité

Jeudi, c’était soir de première au Carré 150 de Victoriaville alors qu’était présenté le théâtre musical « La Corriveau, la soif des corbeaux ». La salle Les-Frères-Lemaire était remplie de spectateurs prêts à être conquis par cette légende, toujours d’actualité.

Ils n’ont pas été déçus. Avec une distribution impressionnante, formée de Jean-Maheux, Frédérike Bédard, Renaud Paradis, Frédérique Mousseau, Karine Lagueux, Simon Labelle-Ouimet, Simon Fréchette Daoust et Jade Bruneau, le public n’a pas eu le temps de s’ennuyer. Avec un rythme soutenu, les spectateurs en ont appris davantage sur cette légende qui a pris différentes tournures au fil des ans, mais qui demeure d’actualité, mettant de l’avant une femme ayant probablement vécu de la violence conjugale et qui a tenté de s’en sortir.

Si certains étaient inquiets du terme « théâtre musical » apposé à la production, ils ont rapidement été rassurés. Chaque chanson originale avait sa place dans le scénario bien ficelé. Tous les personnages importants ont eu l’occasion de prendre la vedette, bien accompagnés par le reste de la troupe ainsi que les trois musiciens, bien visibles et présents à l’arrière.

Cette production offre, outre des chansons originales, dont certaines deviennent rapidement des vers d’oreille, des projections vidéo, un décor sobre, mais bien pensé, des costumes d’époque avec des touches de modernité. Bref, tout est là pour assurer de bien raconter cette histoire (l’étrange procès et la peine reliée), sous forme d’enquête cette fois.

Si on en apprend davantage sur Marie-Josephte Corriveau, il en est en même du contexte sociohistorique de l’époque. Et même si les comédiens prononcent parfois des mots bien d’aujourd’hui (Google Translate par exemple), il n’en demeure pas moins que ces anachronismes s’insèrent très bien et servent la cause.

L’humour est aussi bien présent pour enlever un peu de poids à cette histoire sombre qui conserve toutefois des moments bien émouvants. Tous les gens rencontrés à l’entracte et à la fin du spectacle n’ont pas manqué d’être impressionnés par la performance des acteurs, mais aussi par la pertinence du sujet et la façon de l’aborder.

Enfin, si Victoriaville est le dernier arrêt estival de cette production qui aura cumulé, au 20 août, 25 représentations, il est certain que « La Corriveau, la soif des corbeaux », tout comme la légende dont elle s’inspire, continuera à vivre et fera son chemin dans le patrimoine artistique collectif.

Un travail d’équipe

Même si on voit maintenant le résultat final sur scène, il n’en demeure pas moins que toute une équipe talentueuse est derrière cette production impressionnante, créée par le Théâtre de l’Oeil Ouvert en deux ans seulement. D’ailleurs, les producteurs, Jade Bruneau, metteuse en scène qui incarne également Marie-Josephte Corriveau et Simon Fréchette-Daoust (le mari Louis Dodier), insistent pour mettre en lumière tout le travail qui a mené au résultat final.

Outre les huit comédiens qu’on peut voir sur scène, les 26 chansons originales interprétées, les trois musiciens, il est clair que les créateurs de ce théâtre musical ont gagné le pari de cette grande production qui, en plus, met en scène un fait survenu au Québec il y a plus de 250 ans (elle a été pendue en 1763), mais qui résonne encore aujourd’hui. 

Quant au théâtre musical, le spectateur n’a pas tant d’occasions de pouvoir en apprécier. Ce style, comme l’explique Jade, se caractérise par une dramaturgie appuyée de textes et de chansons et musique. « Les deux auteures (Geneviève Beaudet et Félix Léveillée) ont coécrit une œuvre théâtrale en soi qui se tenait toute seule avec toute une charge. À ça s’ajoute de la musique originale qui ne ressemble à rien d’autre. » Audrey Thériault, qui a composé les chansons, a mélangé les sonorités traditionnelles folkloriques, purement québécoises, à du très moderne, voire électro, un peu slammé et hip-hop, résume encore Jade.

La pièce rappelle enfin, sans le faire directement, que la situation des femmes dans la société n’a pas tant changé depuis 1763. Il y a encore aujourd’hui des chasses aux sorcières, mais elles se font de façons différentes. D’ailleurs, pour la réalisation de La Corriveau, les créateurs sont venus rencontrer, à Victoriaville, des femmes de la Volte-Face pour leur parler du spectacle (médiation culturelle), mais également pour connaître leur réaction face au sujet.

La Corriveau, la soif des corbeaux est présentée à Victoriaville jusqu’au 20 août.