Des installations sonores sous le signe du vent et de la méditation

Ce sont neuf œuvres présentées en première mondiale que le Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV) propose cette année dans le cadre des Installations sonores dans l’espace public.

Le commissaire de cette exposition qui s’est installée pour toute la semaine (jusqu’au 22 mai) en différents lieux du centre-ville, Érick d’Orion, a expliqué qu’une sensibilité face aux éléments de la nature, le vent en particulier, était remarquée dans les différentes œuvres d’art sonore exposées cette année. Le thème semble avoir été adopté (sans être imposé) par la majorité des créateurs invités, tout comme l’aspect méditatif qu’inspire chacune des œuvres.

La visite commence à la bibliothèque Charles-Édouard-Mailhot avec « L’étang de vibrations » de Marie-Douce St-Jacques. L’œuvre installée à l’intérieur est constituée de deux cercles de 150 feuilles imprimées au risographe qui forment un effet d’optique. Sont dissimulés sous ces feuilles (qui ne sont pas collées), des enceintes qui diffusent des voix, notes (do pur et do dièse) et manipulations électroniques. Deux œuvres semblables installées au sol et deux pistes enregistrées qui sont synchronisées. Le tout forme une œuvre inspirante et relaxante.

L’agora derrière la bibliothèque accueille la deuxième œuvre, « De face », signée par Joël Lavoie. Il s’agit d’une première installation sonore pour le compositeur et preneur de son, qui se veut une étude sur le vent. Des morceaux de bois percés ont un résonateur qui diffuse à des haut-parleurs dissimulés dans l’espace. Un banc, au centre, accueille le spectateur, et vibre au gré du vent.

La troisième installation, située tout près de la piste cyclable, est une création de Caroline Gagné et s’intitule « Saule fragile ». Il s’agit d’une serre dans laquelle l’artiste a installé un vieil iPhone qui joue une composition faite à partir de sons d’arbres qui frottaient sur son hangar. Le téléphone reçoit les données d’un capteur de vibrations et les tremblements ainsi captés, lorsqu’on s’assoit où frappe la caisse de bois, sont transférés aux images. 

Anne-F Jacques présente « Température » au kiosque à musique. Cette fois, des thermostats de calorifères et éléments faits maison sont installés au soleil ou à l’ombre, créant des séquences qui varient constamment. Un orchestre de cliquetis (bruits des clignotants de voiture) en résulte. « Elle travaille beaucoup avec la récupération, avec des pièces qui n’ont aucune valeur individuellement. Son travail est associé au mouvement « Do it yourself », donc détourner des objets de ce qu’ils sont censés faire », explique Érick.

La cinquième installation sonore s’intitule « Dyschronie » et a été réalisée par Léa Boudreau et Étienne Legast. Au premier coup d’œil, on ne voit rien d’autre que l’affiche expliquant l’installation. Le visiteur devra porter attention afin d’entendre la musique, une composition multiphonique, inspirée de paysages sonores. Celle-ci est présentée par des enceintes cachées dans l’espace.

La rue de la Gare, pour sa part, propose deux œuvres de Pascale Leblanc Lavigne. Les deux sont installées dans des conteneurs, dont les portes peuvent se refermer le soir venu. « L’an dernier, nous avons installé des œuvres pour la première fois dans la rue. Ça nous a convaincus. Il a fait une température incroyable et avons vu que le lieu était passant. Avec le couvre-feu l’an dernier, pas besoin de surveillance pour ces œuvres non plus. On a voulu profiter à nouveau du lieu, mais en protégeant le travail des artistes », indique Érick.

« Les fours à micro-ondes sont-ils bannis en Russie? » est la première œuvre présentée dans la rue piétonne. On y voit ainsi huit micro-ondes blancs (sur un fond jaune) dans lesquels se retrouvent autant de plats de spaghetti (avec quelques éclaboussures de sauce), formant une chorale de « bip », de plateaux qui tournent et de lumières qui s’allument. Avec humour, l’artiste se questionne sur les rapports ambivalents avec les technologies du quotidien avec cette œuvre.

Un peu plus loin, dans le conteneur peint en rose à l’intérieur, on retrouve l’œuvre intitulée « Les belles tuiles à plafond ». Cette fois, deux tuiles de plafond suspendu accotées sur le mur sont usées par deux néons qui balayent le tout grâce à un mouvement motorisé assez rudimentaire. Avec le temps, la matière des panneaux s’effrite et la structure des dispositifs se fragilise, générant de nouvelles formes et sonorités.

Puis dans la vitrine de Gérald Musique directement sur la rue Notre-Dame, l’œuvre « Le songe d’artisan », de Fortner Anderson, Geneviève Letarte, James Schidlowsky et Alexandre St-Onge, s’est installée. Il s’agit d’une machine à produire des sonnets. Ainsi des citations tirées de la poésie québécoise moderne et contemporaine sont assemblées par un logiciel. Il s’agit d’un poème donc, en construction continuelle qui suit la structure syntaxique et le schéma de rimes du poème d’Émile Nelligan, « Rêve d’artiste ». Un logiciel lit le poème ainsi créé et est accompagné de musique qui suit le même principe. « Ce sont plusieurs essais, juxtaposés. La pièce n’existe pas, elle se construit », explique le commissaire.

Finalement, le parcours se termine au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger du Carré 150. C’est à cet endroit que Patrick Bergeron présente « Souvenirs ébroués ». L’œuvre est constituée d’une vidéo projetée dans un cadre sur deux écrans qui tournoient en activant un orgue à vent qui joue une note qui s’amplifie selon la vitesse du tournoiement.  S’ajoute une vidéo intitulée « Stéréo Cassette » où le son est lié au mouvement de l’image. Une expérience qui dure en tout 12 minutes. 

Les visiteurs pourront apprécier tout au long de la semaine ces neuf créations sonores, réalisées spécifiquement pour le FIMAV.