Vivre en communauté et en pleine nature

Le Victoriavillois Tommy Leahey a quitté la ville il y a cinq ans pour poser ses pénates en pleine nature en Gaspésie, à Rivière-à-Claude. Il fait partie de RAC, une coopérative de plein air, une petite communauté de 10 personnes qui y vivent à l’année. Leur mode de vie mène à une grande débrouillardise. Rencontre avec un jeune homme qui n’envisage aucun retour en arrière.

Tommy Leahey a étudié en postproduction, ce qui concerne les effets spéciaux pour les films. « Mais je me suis vite rendu compte que travailler dans un bureau, devant un ordinateur, ce n’était pas pour moi. Je tapais du pied pas mal. Ça n’a duré que quelques mois », raconte-t-il.

Peu de temps après, il a découvert la Coop RAC par le sport, en fait, le ski hors-piste. « J’en avais entendu parler par des amis. Et je suis allé skier là-bas quelques fois. Un jour, j’y suis allé pour un week-end et je ne suis jamais revenu. Je m’y suis établi », relate-t-il.

Qu’en a pensé alors la famille? « Mes parents m’ont toujours soutenu. Ils savent que j’aime me promener. Ils m’ont toujours laissé libre d’aller où je voulais quand je le voulais. Et j’ai beaucoup aussi voyagé avec eux. J’ai deux petites sœurs qui aiment aussi les voyages », note-t-il. Mais oui, les parents trouvent que leur fils se trouve très loin. « Ils viennent cependant nous visiter une ou deux fois par année. Sinon, moi aussi je reviens une ou deux fois l’an. »

Le projet gaspésien existe depuis six ans. Tommy Leahey y habite depuis maintenant cinq ans. « C’est plaisant la communauté qu’on a créée. On a commencé à se construire des maisons. On est rendu une dizaine à vivre là à l’année. »

Tommy ne fait pas partie du groupe qui a acquis l’immense terrain. « Mais j’y étais toujours pour aider. Maintenant, explique-t-il, on fait de plus petits lots avec la terre et j’achète mon propre petit lot, où je pourrai me construire l’an prochain, une  maison toute petite, mais efficace, pour être en harmonie avec la forêt autour. » Il loge actuellement dans sa petite maison sur roue, installée, en fait, sur une remorque, ce qui fait qu’elle peut être déplacée. Dotée de panneaux solaires pour l’électricité, elle dispose de son propre système d’eau. Sur place, pas de télé. « On reste le plus déconnecté et en harmonie avec la nature le plus possible. On est chanceux quand même, le réseau Wi-Fi fonctionne partout. C’est super pour la sécurité », précise-t-il.

Le goût d’y demeurer

L’entraide dont font preuve les membres de la petite communauté, c’est ce qui a donné le goût à Tommy d’y demeurer. « Au début, on n’avait pas l’électricité, on n’avait pas le choix de vivre tous ensemble, c’est ce qui m’a fait rester là », dit-il. Les gens à l’origine vivaient dans un chalet commun. « À la base, il n’y avait que ce chalet, on y vivait tous avant qu’il y ait toutes nos petites maisons. On vivait là-dedans parce qu’il était plus facile de chauffer juste un espace pour la gang. » Maintenant, les membres de la communauté se retrouvent chaque soir au chalet pour le souper.

Les revenus

Durant la belle saison, les membres de la Coop RAC exploitent une ferme maraîchère qui les tient passablement occupés. « On vend nos légumes pour payer les installations du jardin. On les vend sur place l’été, le samedi. On participe également à des marchés dans la région. Mais on se concentre davantage sur les légumes qui se conservent bien l’hiver. On confectionne des paniers pour des familles du village. Elles achètent leur panier et nous allons les livrer une fois par semaine », indique Tommy Leahey.

Le village se situe à 3 km. Mais l’hiver, le trajet doit se faire en motoneige. La principale source de revenus pour la coopérative demeure le ski hors-piste. « Beaucoup de touristes y viennent. C’est une clientèle qui carbure à l’adrénaline. Les gens qui viennent, ce sont de vrais tripeux. Ça marche presque trop. C’est toujours plein », note-t-il. Pour eux, ce qui compte, c’est de proposer une expérience pour le client, offrir de la qualité. « On a du fun à le faire. On prend nos journées de ski comme si on allait skier avec nos amis. On veut toujours avoir du plaisir à vivre là. »

Qui s’y rend constate qu’il s’agit d’un véritable coin de paradis. « Ce n’est pas pour rien qu’on y vit. Il y a vraiment une qualité de neige exceptionnelle. C’est un terrain incroyable avec des forêts vierges qui n’ont jamais été touchées par l’homme. On peut y aller skier, les vues sont superbes. On est vraiment chanceux d’être tombé là-dessus », commente-t-il.

La communauté tire aussi des revenus de la pratique du vélo de montagne depuis deux ans. Des sentiers totalisent près d’une douzaine de kilomètres qu’ils ont eux-mêmes aménagés en partie avec de l’équipement mécanisé, mais aussi à la main. « Les sentiers représentent un bon défi, mais on a travaillé fort pour rendre le tout accessible au plus grand nombre de personnes possible », explique Tommy Leahey.

Peu portés sur la pub, les membres de la coop privilégient le bouche-à-oreille qui produit son effet. « On veut avoir du plaisir à le faire et non que ça devienne une job, dit-il. Il y a toujours du monde, ça roule. »

La vie communautaire

La vie en groupe se passe bien, témoigne Tommy Leahey. « On est chanceux d’être capables de communiquer entre nous, On réussit toujours à trouver des compromis. Au final, on est tous pas mal le même genre de personnes avec une vision similaire, note-t-il. Tous voient le projet final de pouvoir vivre de notre terre et de rester actifs toute l’année. » Les membres de la coop se complètent bien et tous se trouvent sur le même pied d’égalité, fait-il remarquer. « Tout le monde a des forces, on se complète bien et on apprend toujours l’un de l’autre. Et il n’y a pas de hiérarchie. Personne ne s’élève au-dessus d’un autre. Les décisions se prennent en groupe. Les considérations de chacun sont prises en compte. S’il y en a un que ça ne fait pas son affaire, on s’ajuste pour que tous soient heureux. »

Elle semble belle, la vie communautaire. Mais si le besoin de solitude se fait sentir, aucun problème. « C’est pour ça qu’on vit là, on a la chance de vivre en communauté. Mais si on veut être seul, une minute de marche et on est rendu seul dans le bois », confie Tommy Leahey qui pense s’y être établi à vie, ou du moins, une partie de ma vie.

Il savoure tous les jours le plein air. « On travaille avec des outils manuels, ça garde en forme, c’est aussi une manière d’apprendre et on en apprend tous les jours, comment construire des choses. Avec ce mode de vie, on développe la débrouillardise », observe-t-il. Et quand on a goûté à la liberté, un retour en arrière, à la vie d’avant, s’avère pratiquement impossible. « J’ai trop goûté à l’autonomie, au fait de pouvoir subvenir à mes propres besoins. J’ai besoin d’une toilette, je vais m’en faire une, besoin d’une maison, je vais m’en construire une. Être autonome le plus possible me fait triper. C’est la liberté. Si on veut réaliser un projet, on se met en gang et on le fait. Il n’y a rien d’impossible. C’est ce qui fait que je ne pourrais revenir », exprime-t-il.

Rien n’est facile cependant dans ce mode de vie qui n’est pas donné à tous. « Tu te lèves le matin, la maison n’est pas chaude. Alors, tu dois la réchauffer. L’eau pour ton café, tu dois aller la chercher et la chauffer. Il n’y a rien de facile. Mais c’est ce qu’on aime et on essaie de rendre le tout plus facile avec le temps. La débrouillardise, ça s’apprend tellement vite », conclut-il.

La Coop RAC a fait l’objet d’une émission de la série télé La belle vie animée par Julien Roussin Côté à Unis TV. Pour la visionner : https://www.tv5unis.ca/videos/la-belle-vie-avec-go-van/saisons/3/episodes/9?fbclid=IwAR0iVjKxkhPtot_KqZQ-fvmGxdnIKcWAxWYF6imAR7fpCknHK916q3LqMaw.