Violences sexuelles : Alice provoque une autre vague de dévoilements
Il y a eu la vague Nathalie Simard… il semble qu’il y ait maintenant la vague Alice Paquet, cette jeune femme qui allègue avoir été agressée sexuellement par le député libéral Gerry Sklavounos. «On peut dire que ces temps-ci, et dans la foulée des événements à l’Université Laval, c’est la porte battante au CALACS, tant il y a accroissement du nombre de dévoilements», soutient Sarah Bureau, trésorière du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), le centre Unies-vers-elles.
Elle et la jeune Linda Vaillancourt, toutes deux ayant été victimes d’agressions sexuelles alors qu’elles étaient enfants, ont occupé un pan de la tribune des organismes communautaires qui annonçaient une grève pour le 8 novembre.
Tous dénoncent le manque de financement.
Et c’est particulièrement à la ministre de la Condition féminine Lise Thériault que le CALACS d’ici adresse sa supplique, la ministre ayant annoncé des investissements de 44 millions $ pour cinq ans afin de contrer les violences sexuelles.
«Le nôtre est le moins financé des CALACS du Québec», note Mme Bureau, précisant que l’organisme n’a pas les moyens d’une direction générale à temps plein et qu’il ne peut miser que sur deux intervenantes. «Aucun sens, poursuit-elle, qu’on demande à des femmes de patienter pendant de longs mois avant qu’on puisse leur venir en aide.»
Créé en 2000, le CALACS Unies-vers-elles dispose d’un budget de 137 000 $. «On aurait besoin de 250 000 $.»
Linda Vaillancourt appuie cette requête, elle qui dit avoir pu trouver au CALACS, le soutien dont elle avait besoin, ayant traversé le long et difficile processus judiciaire.
Au-delà du courage que nécessite la dénonciation, dit celle qu’on a vue dans plusieurs médias jusqu’au plateau de Tout le monde en parle, les victimes d’agression doivent entreprendre un processus de guérison, se reconstruire, ayant perdu tous les repères d’une relation saine. La jeune Victoriavilloise de 33 ans est à réaliser son rêve d’avoir un enfant, elle qui, pendant longtemps, se posait mille et une questions sur la manière dont on peut aimer. «Oui, enceinte on se questionne. Mais on se pose encore plus de questions lorsqu’on est une survivante d’abus sexuels. J’avais peur de tout jusqu’à la peur de transmettre mes peurs. Peur de ne pas savoir comment m’y prendre. Peur de ne pas savoir comment protéger mon enfant.»
À la toute veille d’accoucher, la jeune femme milite pour une meilleure justice (dans tous les sens du terme) à l’égard des victimes de violence sexuelle. Sur le compte Facebook (Justice pour les victimes d’abus à caractère sexuel) elle recueille des témoignages pour démontrer qu’elle n’est pas seule à s’indigner du processus judiciaire et veut produire un rapport proposant des modifications.
Il faudrait mener des activités d’information jusque dans les écoles de police et les cabinets d’avocats, ajoute-t-elle. «Mais le CALACS n’a pas les ressources pour mener ce genre d’intervention.»
Sarah Bureau rappelle qu’une femme sur trois dévoile l’abus dont elle a été victime et qu’un homme sur six y parvient. «Et ce ne sont que les gens qui osent le faire.»
Elle dit encore que, outre la plainte à la police et le recours aux tribunaux, il existe toutes sortes de moyens de se libérer d’un aussi terrible secret. Ceux d’en parler à sa famille ou à des amis, de s’engager dans un processus de justice réparatrice ou de rencontres de dialogue.
Elle termine en disant qu’il faudrait créer un palais de justice expressément pour les victimes d’agressions sexuelles. «On l’a fait pour les motards!», ironise-t-elle.