Victo, «petite ville idéale pour les familles nombreuses»
IMMIGRATION. D’origine syrienne, Al Mohamad Majed et sa conjointe Al Mheimad Zainab installés à Victoriaville depuis un peu plus de six mois n’ont que de bons mots à l’endroit de leur patrie d’adoption. «Victoriaville est une petite ville idéale pour les familles nombreuses!», dit le papa de huit enfants.
Les parents, accompagnés de trois de leurs enfants, ont accepté l’invitation du conseiller municipal Patrick Paulin et de Francis Petit, coordonnateur du Comité d’accueil international des Bois-Francs (CAIBF), afin de dresser le bilan de leurs premiers mois d’installation.
Du CAIBF, l’intervenant Said Abdesselam sert d’interprète pour l’entrevue.
Présentée au public le 1er février dernier, cette famille de dix personnes est la première qu’a accueillie la Ville de Victoriaville.
«On a atteint notre cible», note M. Petit, puisque Victoriaville abrite 50 réfugiés syriens, sept familles, dont une de 11 membres, le papa, la maman et neuf enfants. Ces derniers sont arrivés le 2 juin.
«À l’aise!», répondra d’emblée Al Mohamad Majed lorsqu’on demandera comment lui et sa famille se trouvent à Victoriaville.
Même s’ils ne trouvent pas ici leur viande halal – ils la commandent de Montréal -, ils se réjouissent de l’ouverture du Bulk Barn pour leurs épices. Non, ils ne cuisinent pas à la québécoise, répondent les parents, tout simplement parce qu’ils ne savent pas encore quoi, ni comment.
Le père fréquente les classes de francisation du centre Monseigneur-Côté, cinq jours par semaine. Et il semblerait qu’il y met beaucoup d’efforts. C’est un défi pour lui – «le plus grand» – que d’apprendre le français, la «clé» qui lui permettra un jour de vivre d’agriculture, de production maraîchère, sa spécialité. Il commence à comprendre des phrases en français, mais ne s’enhardit pas encore à parler.
Il n’est pas au pays depuis assez longtemps pour esquisser les contours du projet qu’il pourra caresser, ne connaissant ni les procédures, ni les lois, ni les règlements.
Sa conjointe s’est aussi inscrite en francisation pour la prochaine rentrée scolaire, étant restée à la maison pour s’occuper des plus jeunes enfants, la famille comptant six filles et deux garçons. L’aînée Mariam a treize ans et entreprendra ses études secondaires en août, la plus jeune ayant deux ans et demi.
«Avec des familles nombreuses, ça a été tout un défi que d’inscrire tous les enfants à l’école», raconte M. Petit. Pour certains, ce sont les parents qui ont souhaité qu’ils reprennent une année scolaire afin de mieux progresser dans leur cursus scolaire par la suite.
La famille est assez grande pour vivre à la syrienne à la maison. Le père reconnaît que par les enfants, par l’aînée surtout, s’intègrent peu à peu des pans de la culture québécoise.
«Tout est à sa place»
L’adolescente est la seule élève d’origine syrienne de sa classe. La seule, aussi, à parler arabe. Elle commence à se débrouiller en français. Et si les mots ne suffisent pas, il y a toujours les gestes qui lui permettent de se faire comprendre.
Elle dira, en arabe, que ce qui l’épate le plus au Québec, c’est «que tout est à sa place» et que les gens se respectent.
Elle est bien à l’école, renchérit son père. C’est aussi une découverte pour lui que de voir comment, ici, on donne de l’importance aux enfants.
Il répond que cette impression lui vient d’une comparaison avec ce que la famille a vécu auparavant. Le mot «pression» résume son sentiment. Pression en tant que citoyen syrien. Pression du gouvernement. Sans oublier la pression vécue dans des conditions plus que précaires dans un camp de réfugiés au Liban.
Si le plus grand défi du père de famille est d’apprendre le français pour mieux s’intégrer, un autre l’attend ces jours-ci. Celui de réussir son examen pour obtenir son permis de conduire. «Ça, ça sera difficile!», laisse-t-il entendre avec un geste et une mimique plus qu’évocateurs.
Pour les six premiers mois suivant leur installation, les nouveaux arrivants détiennent un permis temporaire. Il leur faut ensuite faire leurs preuves!
Pour l’heure, puisque les six mois de son permis sont écoulés, M. Majed se fait véhiculer par un autre nouvel arrivant d’origine syrienne. Il enfourche aussi le vélo.
Les réfugiés syriens victoriavillois commencent à tisser des liens entre eux, se croisant lors d’activités, s’entraidant.
Difficile rétention
M. Majed dit que la famille est là à Victoriaville pour y rester. C’est ce que souhaite aussi le coordonnateur du CAIBF.
Victoriaville a déjà accueilli des familles irakiennes, parties depuis. «La communauté musulmane était trop petite pour les retenir. Il faut une masse critique et des projets particuliers pour garder les gens ici.»
Le CAIBF multiplie les activités afin de favoriser l’intégration des nouveaux arrivants. On a organisé des sorties Hop la Ville, des visites à Québec pour connaître l’histoire de la capitale, des repas interculturels. «Et beaucoup de séances d’information sur les ressources et les services», ajoute M. Petit.
La prochaine fête de la diversité culturelle comportera des couleurs syriennes et, en septembre, l’exposition itinérante «Québécoises, musulmanes… et après?» s’attardera au Carré 150.
La famille d’origine syrienne ne sait pas comment imaginer la Victoriaville de 2027. Le conseiller municipal Patrick Paulin a posé la question.
Il est enchanté d’entendre les premiers réfugiés syriens dire que Victoriaville est une «petite ville idéale pour les familles nombreuses».
Il est toutefois conscient que pour ces nouveaux arrivants comme pour l’ensemble de la population, Victoriaville aura entre autres à relever le défi du transport… et du transport intermunicipal. Et la Ville se doit d’être le «ciment» qui relie les humains.
À quoi rêvent, pour eux, les premiers arrivants syriens? À réussir une nouvelle vie… À acheter une maison. À accueillir, à Victoriaville, le frère de monsieur, la sœur de madame tous deux dans des conditions difficiles au Liban et qui ont, comme eux, entrepris les longues procédures pour obtenir le statut de réfugiés.
À la question «Vous avez besoin de quoi?», la mère et le père répondent consécutivement de tout… et de rien. Peut-être parce qu’il en est ainsi dans une vie.