Une «perle» disparaît rue de la Gare
VICTORIAVILLE. Si l’on désigne Haïti comme la perle des Antilles, on aurait pu dire de Kettly Emmanuel qu’elle était la perle de la rue de la Gare. «Était» parce qu’elle a mis la clé dans la porte de son petit resto le 30 juin.
Haïtienne d’origine, installée dans la région depuis 1987, Kettly Emmanuel avait commencé à exploiter un restaurant au centre-ville de Victoriaville en 2005. D’abord rue Saint-Dominique où elle se souvient encore des huit places de son établissement. Elle a ensuite emménagé rue de la Gare deux ans plus tard, mettant sa touche créole à un édifice patrimonial (Édifice H.H. Guay).
Elle a décidé de fermer son petit établissement parce que sa clientèle s’amenuisait, explique-t-elle. Le déclin a commencé lorsqu’elle a été forcée de déménager, pour un temps, au sous-sol du Grand Union, à la suite de méfaits causés à son resto.
Rencontrée vendredi alors qu’elle servait des mets typiques (cabri, griot, bananes pesées, etc.) à des amis d’Haïti, Kettly s’attendait à vivre la fermeture de son restaurant comme s’il s’agissait d’une séparation, d’un deuil.
«Parce qu’il y a des clients de Victoriaville qui venaient ici pour jaser. J’étais une oreille pour eux, comme un rayon de soleil qu’on me disait.»
Certes, elle se souvient de ce matin où elle a constaté qu’il ne lui restait plus rien dans la cuisine, pas même un œuf à servir à ses clients. On lui avait tout volé. Mais elle préfère se concentrer sur la générosité de cette dame partie à pied, chez Loblaws, acheter toute la nourriture qu’il fallait à Kettly pour cuisiner le déjeuner et le dîner. Et jamais la dame n’a voulu que la restauratrice la rembourse!
Le petit restaurant d’une trentaine de places était fréquenté par des gens du centre-ville de Victoriaville et par des touristes d’ailleurs. Ce sont ces derniers qui choisissaient le menu créole, les tables haïtiennes étant plutôt rares au Québec. «Je mettais toujours un mets haïtien au menu. Mais à 80%, la clientèle d’ici choisissait le plat local.»
De ses huit ans de restauratrice, Kettly dit qu’elle ne gardera que les beaux souvenirs.
Même si elle ferme son resto, elle ne rend pas son tablier, elle qui l’avait auparavant porté comme aide-cuisinière, femme de chambre, préposée aux bénéficiaires.
Désormais, Kettly arborera le tablier de traiteur, toujours prête à cuisiner les mets typiques de son pays d’origine… ou les petits sandwiches sans croûte.
À 60 ans, «vieillir est un privilège», s’exclame-t-elle, elle s’élance dans une nouvelle aventure.