Un grand «trip» ensoleillé dans la vie d’Anik Pelchat

VOYAGE. Le Sun Trip d’Anik Pelchat a pris une tout autre tournure, elle qui, actuellement, enseigne l’anglais au Japon… et vient de décrocher un contrat d’une année pour l’enseigner aussi à de jeunes Russes, à Krasnogorsk. On se lance sur la piste extraordinaire de celle qu’on a d’abord connue à Saint-Jean-Baptiste-Vianney au temps où elle élevait des émeus. C’était il y a bien longtemps!

Par Skype, la voilà à l’écran de l’ordinateur, visiblement bien en forme, pour parler de sa participation au Sun Trip 2015, de son travail, de sa vie à l’étranger. Et de son amoureux, Martin, un Anglais vivant à Zurich qui, il y a 27 ans, a été son mari à l’époque de ses études en Angleterre.

«On a été mariés pendant cinq ans, jusqu’à mon départ de l’Angleterre pour revenir au Québec. On s’était perdus de vue. Il a repris contact avec moi lorsqu’il a appris que je participais au Sun Trip. Et il est venu me rejoindre à Milan une semaine avant mon départ. On s’est revus et ça a été les étincelles. Il est venu me rejoindre à chaque étape de ma randonnée.»

À la poubelle, le cancer!

Il faut retourner à l’automne 2014 pour camper le contexte de la grande expédition de 8000 kilomètres entre l’Italie et la Russie au guidon d’un vélo solaire à trois roues qu’avait soigneusement préparée Anik.

C’était sa façon de faire un pied de nez au cancer, un cancer du sein.

«Ma santé aujourd’hui? Le cancer, on l’a jeté à la poubelle!». Une façon de rappeler, au sens propre comme au sens figuré, qu’elle avait refusé chimio et radio pour plutôt se soumettre à une mastectomie et à une reconstruction immédiate de son sein.

Seule femme nord-américaine à se lancer dans le Sun Trip 2015, elle dit avoir vécu une aventure tout aussi «féerique qu’abracadabrante».

Juste de sortir de la circulation de Milan a été laborieux, rappelle-t-elle. Et elle raconte comment, pendant 75 kilomètres, elle a pédalé à contre-courant du Tour cycliste d’Italie, le public agitant de petits drapeaux sur son passage… tout en lui disant qu’elle ne roulait pas dans le bon sens! «Les gens croyaient que j’étais comme une précurseure du Tour!»

Disqualifiée au deuxième check point, après 4300 kilomètres, Anik a mis fin à sa participation à l’expédition, poursuivant toutefois sa route toujours à bord de son tricycle Spoutnik et rouler 10 011 kilomètres jusqu’à Zurich.

Cappadoce

Elle a pu s’attarder à Cappadoce en Turquie, fascinée par le paysage de grottes et de canyons, par les habitations troglodytiques. «Si j’avais poursuivi avec le Sun Trip, il m’aurait fallu passer là en coup de vent. C’était impensable pour moi.» Elle a pu survoler les cheminées des fées à bord d’une montgolfière.

Son périple a pris fin à Zurich le 1er septembre 2015.

Elle qui parle couramment anglais, se débrouille en allemand, a des repères en grec, en turc et en hébreu, s’est inscrite à la certification TEFL (Teaching English as a Foreign Language) en Crête, visant enseigner l’anglais quelque part dans le monde, ce qui n’est pas pratique courante en suisse.

Elle s’y adonne à l’école internationale de Nagoya au Japon, à des enfants de 4 à 10 ans.

Dépaysante Nagoya

«C’est dépaysant et plaisant de vivre ici, avec sa langue et ses coutumes.»

Anik dit que la société japonaise est en train de changer. Isolationniste, elle s’ouvre de plus en plus, les Japonais étant, depuis une dizaine d’années, de plus en plus friands d’apprendre l’anglais. «C’est la langue commune, la langue des affaires, la langue qui permet d’établir des ponts.»

Il y a, cependant, des modernités japonaises qui effraient la Québécoise de 49 ans. «J’habite non loin de la grande gare de Nagoya. Dans ce coin, si on veut luncher, il y a une trentaine de dépanneurs qui ne servent que de l’abominable fastfood. Les habitudes alimentaires s’occidentalisent alors que depuis toujours les Japonais mangeaient des légumes, du riz, des algues», se désole Anik.

Son travail d’enseignement lui plaît énormément. Surtout avec les petits dont elle dit qu’ils n’ont pas encore la langue «sclérosée». «Au Japon, il y a des consonnes comme le «v» qui sont imprononçables. Le «r» et le «b» sont aussi laborieux.

Son amoureux viendra la rejoindre lors du congé de l’O-Bon (vacances estivales). Puis, son contrat fini au Japon, elle prendra la route de la Russie pour honorer celui d’un an qu’elle a décroché dans une école de Krasnogorsk.

De cette ville située à 45 kilomètres de Moscou (où elle retrouvera enfin son Spoutnik), elle a bien l’intention de s’évader à l’occasion sur les nombreuses pistes cyclables de Kazakhstan.

Nostalgie?

Revenir au Québec ne figure pas parmi ses projets, d’autant que son fils est en train de façonner sa propre route, installé à Bagotville et qu’elle peut communiquer avec lui via Skype. Il projette d’ailleurs la visiter en Russie pour Noël.

«Mes raisons de revenir seraient minimes. Le Québec se cherche, il n’a pas de projet de société. C’est comme s’il se résumait à des colonnes de chiffres.»

Elle n’est pas tendre à l’égard du gouvernement libéral à qui elle reproche d’avoir coupé dans la ruralité, elle-même ayant perdu son poste de conseillère au développement rural dans le branle-bas des structures.

«J’aurais quoi comme travail si je revenais au Québec? J’ai plein de copines qui n’ont pas d’emploi.»

Anik Pelchat se sent libre et a le sentiment qu’à l’étranger elle peut s’adonner à des affaires plus constructives. Elle n’a pas le mal du pays.