Travailleurs étrangers arrêtés : plusieurs avaient été informés
Depuis 12 ans, Michel Légaré, copropriétaire de Service avicole JGL, travaille à la venue de travailleurs étrangers pour le travail à la ferme dans le domaine avicole (le poulet). Il connaît bien la façon de faire, la règlementation, les normes. Parmi les 14 travailleurs guatémaltèques arrêtés le 26 octobre, neuf provenaient de chez lui avant qu’ils ne soient recrutés par le propriétaire de l’agence de placement visée dans cette affaire.
Neuf de ces 14 travailleurs étaient sous contrat avec Service avicole JGL. «Ils étaient avec nous pour un contrat d’une durée d’un an», a indiqué Michel Légaré au cours d’un entretien téléphonique.
Ces travailleurs sont arrivés les 2 et 3 août. «Les premières semaines sont surtout consacrées à la formation. On fait en sorte qu’ils puissent s’habituer à ce travail qui se veut très physique», a-t-il confié, ajoutant que les travailleurs ont finalement quitté le navire le 3 septembre.
Service avicole JGL accueille annuellement entre 50 et 60 travailleurs étrangers. Bon an mal an, un ou deux travailleurs désertent. Mais cette fois, les travailleurs ont quitté en l’espace de trois ou quatre semaines.
Ces gens, soutient M. Légaré, se sont fait miroiter un meilleur salaire, de meilleures conditions. «On ne peut leur en vouloir de souhaiter améliorer leur sort», a souligné Michel Légaré, tout en réfutant certaines allégations voulant que les travailleurs soient maltraités.
«On leur propose un salaire de 11,69 $ l’heure, plus élevé que le salaire minimum. On leur offre aussi l’hébergement dans des logements à Victoriaville, Saint-Félix-de-Valois et Saint-Hyacinthe», a-t-il confié.
Informés des conséquences
Les neuf travailleurs guatémaltèques ont donc décidé de changer de camp, mais Michel Légaré a pu prévenir sept d’entre eux «de cette très mauvaise décision».
«Ils nous ont contactés pour obtenir leur chèque. Quand ils sont venus les récupérer, on les a informés. Trois d’entre eux ont été informés le 4 octobre et quatre autres le 13 octobre. On les a renseignés sur ce qu’on faisait s’ils quittaient, sur leur carte d’assurance maladie qui devenait invalide, qu’ils se trouvaient sans assurance collective et qu’ils risquaient une arrestation et une déportation», a expliqué Michel Légaré.
«Ils savaient donc ce qu’ils faisaient», a-t-il soutenu. À l’avenir, a-t-il assuré, dès leur arrivée, les travailleurs seront sensibilisés et informés de la situation.
On connaît la suite. Le 26 octobre, une vingtaine d’agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), de la Gendarmerie royale du Canada et de la Sûreté du Québec ont procédé, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), à l’arrestation de 14 travailleurs qualifiés de «non autorisés» par l’ASFC.
Ce jour-là, les agents ont perquisitionné une agence de placement de Victoriaville et mené, dans le secteur, une opération de contrôle des travailleurs.
Les travailleurs étrangers arrêtés, qui font l’objet de mesures administratives, s’exposent aussi à un renvoi dans leur pays.
Quant à un employeur qui embauche un étranger non autorisé, il s’expose, selon la LIPR, à des poursuites criminelles.
Pratiques dénoncées
Michel Légaré dénonce les façons de faire de l’agence de placement en cause, souhaite que son propriétaire cesse de recruter ses travailleurs.
Une pratique qui fait mal à l’industrie. «Son action désorganise, fait beaucoup de tort et met en péril des entreprises. On a besoin des travailleurs étrangers. Sans eux, il n’y aurait pas d’entreprises», a-t-il souligné.
Sortie publique des travailleurs
Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI) a effectué une sortie publique, mardi, à Montréal, dénonçant les termes «illégaux et clandestins» comme étant une désignation injuste des 14 travailleurs guatémaltèques victimes, selon le CTI, de trafic de main-d’œuvre.
Ces travailleurs, estime le centre, ont été exploités dès le départ, soutenant que plusieurs d’entre eux devaient déjà de l’argent aux recruteurs dans leur pays d’origine.
Le CTI avance l’histoire d’un de ces travailleurs qui, alors qu’il travaillait dans une ferme des Cantons-de-l’Est, s’est fait promettre par l’agence de placement visée un permis de travail dans les normes, de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire.
Le CTI affirme avoir envoyé une lettre à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour dénoncer le traitement et les pratiques de l’agence et des précédents employeurs des travailleurs.