Tonnelier : un métier tout prédestiné pour Mathieu Jolibois

C’est à Sainte-Sophie-d’Halifax, dans un tout petit village situé au piémont des Appalaches, que Mathieu Jolibois pratique son métier, celui de tonnelier. Il est l’un des rares au Québec à fabriquer encore des tonneaux à la main qui sont destinés, entre autres, au milieu brassicole et viticole.
 

Originaire de Victoriaville (quartier Sainte-Victoire), le jeune homme de 31 ans est fils de mécanicien. Il dit retenir le côté entrepreneur de son père. C’est ce qui explique, selon lui, qu’il avait le goût de lancer sa propre affaire. Il a toujours aimé le bois. Ses ancêtres étaient des acériculteurs à Saint-Norbert-d’Arthabaska. En secondaire 5, il a fabriqué une guitare avec ses chums, premier signe de ses bonnes aptitudes manuelles et de son attirance pour le travail du bois.

Puis, il suit un cours de technicien forestier à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, pour revenir travailler pour une firme d’ingénierie de la région pendant deux ans. Simultanément, il brassait aussi de la bière les fins de semaine avec des amis. C’est à cette époque qu’il découvre le tonnelier québécois, Pascal Plamondon. Il devient ensuite reboiseur, fermier, brasseur, cueilleur de produits forestiers non ligneux et ouvrier viticole ce qui l’a amené à s’installer dans la région de Québec.

« Ma passion pour le bois, combinée à mon expérience dans la transformation alimentaire pour les produits alcoolisés, a fait ressurgir mon côté entrepreneurial et mon petit côté créatif. J’avais le goût de lancer ma propre entreprise. C’est là que j’ai décidé de communiquer avec Pascal Plamondon pour qu’il m’enseigne les rudiments du métier de tonnelier », explique Mathieu.

Il faut quatre ans d’études en France pour devenir tonnelier. Il a tout appris de son mentor en une semaine! « Ça m’a encouragé et confirmé qu’il était possible de vivre de ce métier-là. C’est beaucoup d’apprentissage par soi-même », de dire celui qui se dit fier de voir enfin germer la graine de l’artisan qu’il avait en lui.

En octobre 2020, il dégote cette maison sur la rue Principale qui a déjà servi de boucherie et d’ancien garage d’autobus à Sainte-Sophie-d’Halifax et qui, coïncidence, est située près de la rivière Bourbon. Il s’y installe avec sa conjointe et leur bébé. Il parfait son art pendant un an avant de démarrer officiellement son entreprise, Tonnellerie Jolibois, en septembre 2021. Même s’il est tout nouveau dans le métier, il se dit capable de fabriquer jusqu’à une dizaine de tonneaux par mois.

« Mon premier objectif en est un d’éducation auprès des distilleries, microbrasseries et cidreries qui ont envie de se tourner vers le bois pour développer leurs produits alcoolisés et leur apporter une variété d’arômes en les faisant vieillir en barrique. Je veux que le tonneau fasse partie de leur recette. »

 

Il compte déjà parmi ses clients la réputée microbrasserie l’Alchimiste de Joliette, où le passage en tonneau d’une bière blonde de style « lager », et ce pendant trois semaines, a donné d’excellents résultats jusqu’à maintenant.

« En ce moment, avec la Miellerie King de Kingsey Falls, nous tentons de faire vieillir le miel dans l’un de mes tonneaux afin justement de donner une valeur ajoutée au produit. Je suis convaincu que l’on va en arriver à un résultat des plus intéressants là aussi », de poursuivre Mathieu qui, avec la saison des sucres à nos portes, entend faire la même chose avec le sirop d’érable de concert avec des producteurs acéricoles de la région.

Même la Brûlerie des Cantons à Warwick démontre de l’intérêt à profiter de cette tonnellerie du terroir local pour son café. « L’objectif demeure le même, soit celui de leur faire profiter de ce savoir-faire pour réaliser un produit d’exception », indique le jeune homme.

Mathieu façonne ses tonneaux en chêne blanc dont il s’approvisionne de la région d’Ozark aux États-Unis, la région la plus montagneuse comprise entre les Appalaches et les Rocheuses. Ce bois est reconnu pour son apport aromatique et est prisé pour garder un taux d’humidité supérieur au bois d’ébénisterie. Une fois cintré, l’artisan procède au « bousinage » afin de torréfier le tonneau. Cette pratique consiste à brûler l’intérieur du fût à différents degrés ce qui a un impact direct sur les arômes des liquides pendant leur vieillissement. 

« Le grand défi du tonnelier est d’en arriver à concevoir un tonneau bien étanche et à y mettre sa touche personnelle par le « bousinage » afin de bien torréfier le tonneau. Au bout du compte, c’est aussi beaucoup d’observation et de « goûtage » des produits mis en barrique afin d’en arriver à leur donner une saveur unique », de conclure le propriétaire de Tonnellerie Jolibois qui se dit heureux de pouvoir pratiquer l’un des plus vieux métiers du monde.