Tingwick a récupéré 60 tonnes de plastiques agricoles en un an
L’expérience-pilote de récupération des plastiques agricoles à Tingwick pourrait «emballer» d’autres municipalités de la MRC d’Arthabaska et même d’ailleurs au Québec, selon les gens du Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA).
Au terme de la 11e collecte en un peu plus d’une année chez 34 producteurs tingwickois (45 au total utilisent du plastique), on a pu détourner de l’enfouissement près de 60 tonnes de plastiques agricoles.
Un résultat plus impressionnant que ce à quoi s’attendait Sandrine Ducruc, chargée de projet au CISA, lorsque le projet a été lancé au printemps 2016. «Après la première collecte, on prévoyait récupérer 50 tonnes», spécifie-t-elle.
Avec Simon Dugré, directeur du CISA et Francis Gauthier, expert-conseil en gestion des matières résiduelles chez Gesterra, partenaire de l’expérimentation, Mme Ducruc en trace le bilan tout en campant le contexte dans lequel elle a été effectuée.
Le succès est tel que cette «quatrième» collecte, comme l’appelle M. Gauthier, est désormais là pour rester, puisque la Municipalité vient de l’implanter de façon permanente.
La directrice générale de la Municipalité, Chantale Ramsay, a d’ailleurs remporté un prix en gestion pour cette action municipale, lequel lui a été octroyé par l’Association des directeurs municipaux du Québec.
Un pont en plastique
Une minuscule partie de ces tonnes de plastique servira même à fabriquer un pont de 80 pieds de longueur et de 6 pieds de largeur afin de remplacer celui en bois reliant l’aire municipale au Sentier des pieds d’or.
Il sera fabriqué par l’entreprise Replast de Notre-Dame-de-Ham. Il aura valeur de symbole pour Tingwick, des efforts de ses agriculteurs. La Municipalité déboursera 11 000 $ pour acquérir l’infrastructure, ayant profité d’une somme de 27 422 $ du Fonds de développement des territoires pour ajouter aussi une enseigne lumineuse.
Pourquoi Tingwick?
En avril 2016, avec la collaboration de la Municipalité de Tingwick, de l’UPA et de Gaudreau Environnement, Mme Ducruc animait une séance d’information, proposant aux agriculteurs de récupérer leurs plastiques agricoles ceux qu’ils utilisent pour, entre autres, protéger le foin. «Ces plastiques sont devenus un outil de travail pour les éleveurs et les maraîchers. Ils remplacent avantageusement les silos et les structures de béton», souligne Simon Dugré.
On avait choisi Tingwick parce qu’elle faisait partie des trois municipalités de la MRC d’Arthabaska où les plastiques agricoles composent le cinquième (20,5%) des déchets déposés dans le bac noir. À Kingsey Falls et à Sainte-Élizabeth, les taux sont similaires, 21,4% et 20,7% respectivement, précise Francis Gauthier. L’urbaine Victoriaville abaisse à 7,4%, le taux moyen dans la MRC d’Arthabaska.
Une collecte aux six semaines
La proposition faite aux agriculteurs consistait à leur fournir gracieusement un conteneur pour y déposer leurs plastiques agricoles, sans devoir se débattre pour les nettoyer, les couper, les compacter dans plusieurs bacs verts… jusqu’à 16 dans certains cas. La Municipalité leur offrait une collecte systématique toutes les six semaines.
Sandrine Ducruc admet que les collectes hivernales ont obligé l’expérimentation d’autres conteneurs que ceux en métal, les plastiques collant aux parois. Sur quatre fermes, on en a testé d’autres pour finalement opter pour le conteneur en plastique Duraplast.
À peu près tous les plastiques utilisés sur les fermes peuvent être récupérés que l’on parle des noirs, des blancs, des verts, ceux d’enrobage pour les balles rondes, les sacs de mousse pour la tourbe. Sont exclus les enrobages de filet et de corde.
Difficile recyclage
Il est vrai, admet l’expert-conseil de Gesterra, que le recyclage de ces plastiques n’est pas encore possible au Québec, que leur valeur de revente est encore très bas et que le gros de ces matières est vendu sur le marché asiatique.
Pour, éventuellement, faire naître une industrie de recyclage des plastiques au Québec – ils ne sont malheureusement pas réutilisables -, il faut pouvoir assurer du volume. Et pour fournir le volume, il faut convaincre les producteurs de récupérer leurs plastiques, explique-t-il.
Tant M. Gauthier que Mme Ducruc croient cependant que dans un futur pas si lointain des éléments contextuels pourraient contribuer à recycler, au Québec, ces matières récupérées.
«Avec la Green Fence que la Chine est en train d’élever, elle qui ne veut plus être la poubelle de la planète, cela nous obligera à être créatifs», souligne le porte-parole de Gesterra.
Il dit encore que si la collecte à Tingwick a remporté un tel succès, c’est que la chargée de projet a accompagné de près les producteurs. «De fait, il fallait faire tomber des préjugés, comme celui de penser que la collecte sera compliquée et qu’elle ne sert à rien», soutient la chargée de projet.
Plusieurs municipalités ont déjà manifesté leur volonté d’offrir cette collecte aux agriculteurs de leur territoire, affirme M. Gauthier. Et le nombre de vues (plus de 60 000) de la vidéo explicitant l’expérimentation démontre qu’elle suscite un grand intérêt (http://bit.ly/2tou67f).
La conscience d’abord
Le souci de réduire l’enfouissement constitue pour l’instant un aiguillon important avant de pouvoir, vraiment, trouver les moyens de valoriser la matière.
À Tingwick, Francis Gauthier estime que la collecte a eu pour effet de réduire les ordures de 8 et 14%. Au net, la Municipalité devrait faire des gains annuels se situant entre 2000 $ et 4000 $, dit-il encore. Les producteurs qui doivent acquérir leur conteneur obtiennent des remboursements de l’ordre de 75%, alors que la Municipalité qui paie les collectes a droit à plus redevances.
Par-dessus tout, soutient Simon Dugré, on facilite le travail du producteur. Par ce projet, dit-il, on a pu faire le croisement entre l’innovation sociale et la technologie. Le CISA a pu favoriser de meilleures pratiques en s’adjoignant la participation et la collaboration des producteurs, ce qui s’inscrit à même sa mission, se réjouit-il.