Tempêtes et ouragans font courir des monteurs de ligne à la retraite

Certains se mettent en chasse des tornades. D’autres courent les tempêtes… Ils sont une douzaine de Victoriavillois, monteurs de lignes retraités d’Hydro-Québec, à se porter à la rescousse de sinistrés afin de restaurer les réseaux d’électricité dans les provinces maritimes, mais aussi et surtout dans des états de la côte est américaine, du Maine jusqu’aux deux Caroline.

Denis Houle, Jacques Rioux et Claude Laquerre racontent leurs expéditions… qui revêtent toutes les caractéristiques de l’aventure.

Depuis janvier 2013, animés par cette envie de «faire des storms» comme dit M. Houle, les hommes ont effectué une dizaine de sorties, toujours recrutés par Gagnon Line Construction, une entreprise de Grand-Sault au Nouveau-Brunswick.

L’ouragan Matthew les a particulièrement occupés du 6 au 17 octobre dernier en Caroline du Sud. Il leur a fallu trois jours pour s’y rendre avant de pouvoir s’installer à Darlington. Au moins 15 000 équipes se sont affairées à redonner le courant à la population de la Floride à la Caroline du Nord.

Ils racontent avec autant de frénésie que lorsqu’ils s’y trouvaient les 19 journées de 16 heures passées à Long Island à la suite de l’ouragan Sandy en 2013. Comme toutes les chambres d’hôtel étaient occupées par les sinistrés, les monteurs de lignes couchaient sur des matelas dans la salle de conférence d’une caserne de pompiers. «Les pompiers nous cuisinaient le déjeuner, venaient nous porter un lunch pour le dîner et nous servaient le souper le soir. On était une soixantaine d’hommes à loger là», raconte Jacques Rioux.

Encore la fin de semaine dernière, rejoints par d’autres retraités des quatre coins du Québec, les Victoriavillois s’embarquaient à bord d’une vingtaine de camions garés derrière la rôtisserie St-Hubert à Victoriaville. Cette aventure-là aura été de courte durée, les monteurs américains ayant finalement eu le temps de redonner l’électricité aux 7000 clients du Vermont qui en étaient privés le soir où ils sont partis. Leur voyage s’est arrêté à Burlington.

De l’adrénaline

C’est leur expérience d’un métier qui les passionne toujours, l’adrénaline que leur procurent ces travaux d’urgence qui les incite à s’embarquer ainsi dans de telles expéditions.

Ils partent sans trop savoir quand ils reviendront. Même les épouses savent les suivre de loin, s’informant des conditions météorologiques, dénombrant le nombre de pannes. Elles ont une bonne idée du moment où les hommes reviendront… dans pas long ou dans plusieurs jours.

Les monteurs connaissent la nature du boulot qui les attend. Et souvent, parce qu’ils sont vite appelés en renfort, ils se retrouvent eux-mêmes dans la tourmente.

C’est ce qui s’est produit à la suite de Matthew, alors que la fermeture de l’autoroute 95 les a forcés à changer de destination. «On n’a finalement pas eu à travailler au bord de la mer où il y avait encore plus de dégâts.»

Qu’il s’agisse d’une tempête de neige ou d’un ouragan, ils savent que leur expertise, leurs trucs et leurs astuces demeurent d’une grande utilité, relevant quasi de l’aide humanitaire.

Il n’est pas rare qu’ils soient applaudis lorsqu’ils rebranchent des clients privés d’électricité depuis plusieurs jours, dit Denis Houle. «Les gens nous sont reconnaissants et veulent même nous nourrir pendant qu’on travaille.»

Même s’ils sont retraités depuis sept ans (dans le cas de MM. Houle et Rioux), «le métier ne se perd pas, c’est un peu comme un joueur de hockey». Et puis, qu’il s’agisse d’un réseau canadien ou américain, le travail demeure foncièrement le même. Il s’agit de rétablir le système de distribution, replanter des poteaux, raccorder des clients, travailler de concert avec les émondeurs. Suivre le plan de match des «birddogs» qui les guident vers les secteurs sinistrés et les branchements à faire.

Entre verglas et ouragan…

Ils se souviennent évidemment de la tempête de verglas de 1998 au Québec. Le spectacle des pylônes affaissés, des poteaux tombés était certes désolant, rappelle M. Rioux qui revenait alors de vacances. «J’en pleurais presque.»

Reste que là où ils sont allés, aux États-Unis surtout, les tempêtes et les ouragans causent de bien pires dégâts, faisant des morts, des blessés, détruisant des propriétés, rappelle M. Rioux, le plus âgé des trois.

Ces «sprints» bouleversent leur quotidien, mais ils s’y élancent avec le sentiment que leur expertise d’une trentaine d’années peut encore et toujours servir, que leur contribution relève du service essentiel.

D’ailleurs, tant M. Houle que M. Rioux n’ont jamais vraiment retraité. Durant trois ans, le premier a enseigné son métier au centre de formation de Lévis alors que, depuis huit ans, de manière saisonnière, le second parcourt routes et rangs afin de vérifier la condition du réseau et des structures.