Sylvie Roy, une «bête politique» s’en est allée
POLITIQUE. L’annonce du décès de la députée d’Arthabaska Sylvie Roy a surpris, bouleversé, attristé des milliers de personnes, des citoyens jusqu’aux politiciens. «C’est un choc incroyable. Même pour moi qui ne l’ai jamais vu perdre un combat!», affirme son attaché principal Éric Vachon.
La nouvelle du décès de la première femme députée dans l’histoire de la circonscription d’Arthabaska a été d’autant plus choquante qu’on ne la savait pas hospitalisée à L’Enfant-Jésus de Québec. Elle y était entrée au début du mois de juillet. Elle y est morte à 15 h 15 le dernier jour de juillet.
M. Vachon a appris, par sa famille, que Mme Roy avait succombé à une hépatite aiguë.
Pour ceux qui la savaient à l’hôpital, comme M. Vachon, sa mort a été une surprise totale. Même elle n’aurait pas vu venir sa fin, confie-t-il.
Il ne révèle pas de détails sur la condition de Mme Roy, mais admet que depuis deux ans, sa santé était chancelante. «C’était une personne intense, une bête politique. La politique et ses électeurs passaient avant sa personne.»
Éric Vachon était l’attaché politique de Sylvie Roy depuis février dernier. Mais il la connaissait depuis 2003 alors qu’elle avait été élue députée de l’Action démocratique du Québec dans la circonscription de Lotbinière. Du bureau d’un député adéquiste, du cabinet de Mario Dumont, puis de celui de Gérard Deltell, il a pu prendre la mesure de la politicienne qu’elle a été.
Il avait constaté que Mme Roy n’était pas en très grande forme et lui avait conseillé de profiter de l’été pour prendre soin d’elle, pour se reposer. Il ne sait pas si ses problèmes de digestion étaient liés à la bactérie qui l’avait terrassée d’août à décembre 2014 et éloignée de ses fonctions.
«Ce n’était pas grave»
«Elle est entrée à l’hôpital avec l’idée de régler cela. Pour elle, ce n’était pas grave. Et on sait qu’avec Sylvie, il ne lui suffisait pas d’un grand pourcentage de chances pour se relever. Que son état se soit détérioré au point d’en mourir, ça nous a atterrés.»
La seule députée indépendante de l’Assemblée nationale avait concocté tout un programme automnal, souligne encore M. Vachon.
Il ne sait pas encore – au moment d’écrire ces lignes – ce que l’Assemblée nationale a l’intention de faire avec le bureau de la députée disparue et cela d’ici l’élection partielle qu’il faudra déclencher. «Parce qu’il n’est pas courant qu’un député décède en cours de mandat.»
Les drapeaux sont en berne à l’Assemblée nationale de même qu’à la Ville de Victoriaville et à la Ville de Plessisville.
Et une couronne de fleurs devait être déposée aussi devant le bureau de la députée, rue De Bigarré à Victoriaville, histoire de garder «vivant l’esprit de Sylvie», comme dit son attaché politique.
Des centaines de témoignages
L’annonce du décès de la députée a suscité des centaines de commentaires et de témoignages dans les médias et les réseaux sociaux. Même le premier ministre Philippe Couillard a salué la députée qui, dit-il, pendant plus d’une décennie, a représenté ses concitoyens avec cœur et passion.
Même si, en août 2015, la députée avait quitté avec fracas la Coalition Avenir Québec, un parti qu’elle jugeait «autoritaire», son ancien chef François Legault l’a décrite comme une passionnée, proche des gens, qui n’avait pas peur de se battre pour ses idées.
«Il faut toujours se rappeler que c’est Sylvie qui a été la première à demander la tenue d’une commission d’enquête publique sur l’industrie de la construction. Elle avait le dossier de l’intégrité tatoué sur le cœur. Elle sera fortement regrettée par tous ses collègues de l’Assemblée nationale, où elle siégeait comme indépendante depuis l’an dernier», a fait savoir M. Legault.
Il a ajouté qu’à 51 ans, «Sylvie était beaucoup trop jeune pour partir. Mère de deux enfants, elle laisse dans le deuil de nombreux proches et amis, dont sa propre mère, Monique Jacob.» Cette dernière aurait été au chevet de sa fille pendant toute la durée de son hospitalisation.
Tenace et coriace. Ce sont les deux qualités que le maire de Victoriaville, André Bellavance attribue à la députée Roy qu’il a côtoyée pendant un peu plus de dix ans. Elle était députée adéquiste de Lotbinière, il était député fédéral de Richmond-Arthabaska. «Pendant une période, on avait une municipalité en commun, Saint-Louis-de-Blandford. C’est là qu’on se voyait.»
Même si elle était capable de mettre son poing sur la table, dit M. Bellavance, il n’y avait rien de «hargneux» dans son attitude. «Elle était facile d’approche. Et on a toujours eu une belle collaboration elle et moi dans tous les dossiers où on a eu à travailler ensemble.»
Il poursuit en disant que si tout le monde se souvient de la pression qu’elle a mise pour obtenir la Commission Charbonneau, la députée a mené bien d’autres batailles, comme celle pour préserver l’Hôpital Saint-Julien.
«Elle ne me semblait pas malade lorsqu’en avril, deux mois après mon élection à la mairie, nous nous étions rencontrés pour faire le tour des dossiers», dit le maire qui n’avait pas eu vent de son hospitalisation.
Son «voisin de comté», le député Sébastien Schneeberger, ex-collègue de l’ADQ, a été «abasourdi» par cette nouvelle d’une très grande tristesse.
Il a connu la personne et la politicienne. Il gardera le souvenir d’une battante, d’une politicienne qui avait du flair et qui pouvait prévoir les incidences d’une nouvelle. Elle possédait cette capacité de vulgariser les informations. «Elle savait mettre de la vie, de la couleur à la politique faite de tant de nuances de gris. Elle disait souvent qu’il faut savoir parler à la madame qui brasse sa soupe.»
Parce qu’elle avait du caractère, poursuit-il, parce qu’elle était vraie, elle n’était pas une personne avec qui il était toujours facile de travailler, confie le député Schneeberger. «On peut bien le dire. Mais moi, je m’adonnais bien avec elle. On se disait les vraies affaires.»
Le député de Drummond-Bois-Francs savait que Mme Roy était hospitalisée. Mais il ne connaissait pas la gravité de son état. «On a gardé le secret là-dessus. Je suis déçu parce que je serais allé la voir. Je suis certain qu’elle aurait accepté que j’aille la voir. Parce que j’étais proche d’elle.»
Sur la page Facebook de la députée, des citoyens pleurent la disparition d’une «grande dame», de l’«avocate du peuple», de la «députée de 7 millions de Québécois», d’une politicienne «intègre et déterminée». On déplore la perte de celle à qui on a prêté le rôle de «chien de garde au Québec». Avec elle, les victimes avaient une voix, peut-on lire aussi.
D’ex-politiciens et de tous les horizons lui rendent hommage, comme l’ex-ministre conservateur Christian Paradis qui écrit qu’il était agréable de la côtoyer.
Originaire de La Tuque, Sylvie Roy a été avocate et mairesse de Sainte-Sophie-de-Lévrard avant de se lancer en politique provinciale. Elle a été élue avec des victoires éclatantes chaque fois qu’elle s’est présentée en 2003, 2007 et 2008 dans Lotbinière ainsi qu’en 2012 et en 2014 dans Arthabaska.