MRC : le projet éolien continue d’alimenter les discussions
Ils étaient nombreux les citoyens, mercredi soir, des opposants, mais aussi des gens favorables, à attendre la période de questions, à la fin de la séance du Conseil de la MRC d’Arthabaska, pour s’exprimer sur le projet éolien.
Citoyenne de Sainte-Séraphine, Louise Bourgeois a déploré le manque d’informations et dit avoir subi « un choc » en lisant dans le journal, un vendredi à 16 h qu’il y aurait 27 ou 28 éoliennes dans le décor. « Où seront-elles? », a-t-elle demandé.
Le préfet suppléant, qui présidait la séance, David Vincent, également maire de Sainte-Séraphine, a expliqué d’abord que dans la municipalité le règlement permettait déjà les éoliennes. « Dès lors, le promoteur est allé voir les producteurs et il y a de l’intérêt. Où seraient-elles installées? Je n’en ai aucune idée. On n’est pas rendu là dans le processus », a-t-il fait savoir.
De son côté, Pierrette Lauzière de Warwick, une ex-conseillère, a interpellé le maire de Victoriaville et responsable du projet éolien à la MRC, Antoine Tardif, sur ses propos tenus en lien avec l’engagement de la MRC de respecter le principe d’acceptabilité sociale. « Vous avez dit, dans La Nouvelle Union, qu’il y a lieu que Saint-Albert et Warwick (qui ont dit non au projet) aillent un peu plus loin et se rendent à la consultation ultime, le référendum. Dois-je comprendre que vous ne reconnaissez pas le résultat obtenu? », a-t-elle questionné.
À cela, Antoine Tardif a affirmé qu’il respectait les décisions prises. Sa déception, a-t-il noté, découlait du consensus intervenu à la MRC sur le fait de laisser le processus aller jusqu’au bout. « Mais je suis tout à fait solidaire des décisions qu’ils ont prises, mais en même temps, comme porte-parole régional, ce dont on avait convenu, c’était d’aller jusqu’au référendum. Maintenant, cela dit, nous sommes assis à la même table ce soir et on continue d’avancer. Et je respecte les décisions prises dans chacune des municipalités. Je respecte la décision qu’ils ont prise comme élus de leur population », a-t-il soutenu.
Opposante au projet, Pascale Boislard de Saint-Albert a posé une question sur l’enveloppe de 100 000 $ réservée par la MRC pour ses démarches. « Sachant que deux municipalités sur cinq ont rejeté le projet et qu’une troisième tiendra un référendum, pourquoi n’est-ce pas Boralex qui assume les frais de son projet dont la MRC n’est pas présentement partenaire? En quoi les contribuables sont responsables de payer la promotion de ce projet qui n’en est qu’à ses débuts.
Si le projet n’est pas retenu, qui va remettre les 100 000 $ dans la caisse des contribuables? », a-t-elle demandé
L’argent, a expliqué Antoine Tardif, visait à épauler la MRC en vue d’une décision quant à un éventuel partenariat avec Boralex. La somme sert à assumer des coûts d’avocats, de comptables, sans compter des éléments de communication.
« Je ne crois pas que ce soit déraisonnable que la MRC consente des sommes pour bien s’épauler dans un projet d’une aussi grande envergure. Ne pas le faire serait irresponsable selon moi, a-t-il exprimé. On allait chercher de l’information quant à différents modèles de partenariat, vu que la MRC veut devenir partenaire avec Boralex et partager les profits. Mais quelle mouture ça prendrait, comment rédiger les contrats? C’est ce type d’accompagnement qu’on allait chercher. »
Une autre citoyenne, Linda Liberté, a voulu savoir qui avait autorisé le promoteur à aller à la rencontre des producteurs alors que des règlements municipaux interdisent le colportage.
Le directeur général de la MRC d’Arthabaska, Frédérick Michaud, a expliqué qu’un tel projet n’entrait pas dans la définition du colportage et de la vente porte-à-porte. « Au Québec, les gens ont droit de faire des tractations privées.
Les promoteurs éoliens, comme Boralex, n’ont pas à demander l’autorisation pour s’asseoir avec les propriétaires et s’enquérir s’ils veulent faire des affaires ensemble. La MRC et les municipalités n’ont pas à dire oui ou non. »
Le déboisement suscite l’inquiétude
Des interventions, par ailleurs, ont visé le règlement de la MRC sur le déboisement, un règlement récemment modifié. « Pour nous à Sainte-Élizabeth et partout sur le territoire ciblé par le projet éolien, ce règlement permettrait d’éliminer une grande partie des boisés existants. Ça viendrait fragiliser notre agriculture », a signalé le producteur, Pierre-Paul Leblanc.
Il s’en est pris au principe zéro perte nette mis de l’avant par la MRC. « Ce slogan cache une réalité alarmante, un slogan irresponsable dans une région qui dit avoir un grand intérêt pour son environnement », a-t-il confié avant de s’adresser à Antoine Tardif, le maire de Victoriaville « le berceau du développement durable, le pays de Normand Maurice, une ville qui abrite le Cégep avec ses programmes en agriculture, le CETAB, l’INAB… » « Il vous faut réfléchir et revoir les priorités en matière d’environnement et du couvert forestier de notre territoire. Dans ce dossier de règlement, le Conseil de la MRC doit absolument retourner à la table à dessin. Il doit le faire maintenant non pas dans cinq ans », a-t-il plaidé.
Le producteur qui, a-t-il dit, a reçu beaucoup d’appuis, a invité, par ailleurs, Jeannine Moisan à prendre la parole. « Non pas parce qu’elle est une ancienne mairesse, mais parce que, depuis 18 ans, avec son équipe, elle a distribué, au fil des ans, 5000 arbres et plants d’arbres. »
L’ex-élue a fait la lecture d’une lettre, le point de vue personnel de Denis Lafrance qui ne pouvait être présent à la séance. Dans sa lettre, l’enseignant fait savoir que, durant toute sa carrière de 45 ans comme enseignant aux agriculteurs, il a enseigné l’importance de la présence d’arbres, d’arbustes et d’espèces aménagés pour créer un équilibre écologique à la ferme.
Ces espaces, a-t-il écrit, abritent des végétaux, une faune et des microbes nécessaires et qui agissent en soutien aux cultures principales dans les champs. De nombreuses recherches démontrent les bienfaits d’une telle approche.
Il signale aussi qu’en Europe, l’État subventionne depuis longtemps les agriculteurs pour planter des arbres et installer de tels aménagements. « Proposer un règlement qui favorise l’augmentation du déboisement est tout à fait contre-productif et va à l’encontre des connaissances scientifiques devant éclairer notre recherche d’amélioration des pratiques agricoles », a lu Mme Moisan en terminant.
Producteur bien connu à Sainte-Élizabeth-de-Warwick, Jean Morin a soulevé l’incohérence, selon lui, en interpellant Antoine Tardif. « Comment pouvez-vous vous trouver cohérent en permettant des coupes à blanc sur nos terres pour permettre l’espace perdu pour des projets éoliens? Si on veut être durable, viable et assurer la vie de nos terres, ça nous prend du bois. À Sainte-Élizabeth, on est en train de tout le perdre », a-t-il mentionné.
En faveur
D’autres personnes, comme Isabelle Deschamps de Sainte-Séraphine, ont montré leur intérêt pour le projet éolien. « Je demande à la MRC d’Arthabaska de continuer d’appuyer le projet qui touche certaines municipalités », a-t-elle lancé, évoquant « la merveilleuse région de la Gaspésie ». « Eux qui ont des éoliennes depuis longtemps disent haut et fort que les redevances font toute une différence dans leur région. Ici nous avons encore le temps de mettre nos conditions et de travailler intelligemment avec les promoteurs », a-t-elle formulé.
« Pourquoi les municipalités n’ont pas opté pour un référendum, un exercice démocratique? », a questionné Véronique Leblanc de Warwick tout en laissant entendre que des opposants, avec leur pétition, se seraient livrés à de l’intimidation.
« Allez-vous recommander aux municipalités de poursuivre le processus référendaire? », a-t-elle poursuivi, ajoutent qu’un tel projet génère des impacts positifs, notamment économiques, richesse dans le milieu agricole, réduction des taxes et stabilité dans le réseau électrique.
« La décision appartient à chacune des municipalités », lui a répondu le préfet suppléant David Vincent.
Quant à Mario Laroche, un producteur de Sainte-Élizabeth-de-Warwick représentant le groupe favorable, il a reconnu un manque d’information de la MRC et des municipalités.
Mais un tel projet a son importance, selon lui, pour un petit milieu. « On est une petite municipalité ne disposant d’aucun revenu de plus à venir pour le futur, sauf si on augmente les taxes. Nous savons tous que nos dépenses d’entreprise ne seront pas à la baisse dans les 30 prochaines années et qu’un grand manque d’énergie est à venir à court terme. Je suis fier de notre municipalité qui se rend jusqu’au référendum pour la démocratie, a-t-il fait valoir. Ce sont nos votes qui représenteront l’avenir de la municipalité. »
La séance a pris fin à la suite d’une question d’un Warwickois répliquant à l’intimidation alléguée par une citoyenne. La mairesse suppléante de Warwick, Noëlla Comtois lui a répondu qu’à sa connaissance, aucun citoyen ne s’était plaint. Par contre, Frédérick Michaud de la MRC a confié que des citoyens avaient dénoncé certaines façons de faire.