Martha veut raviver la mémoire de sa mère, Rita St-Pierre

MÉMOIRE. Martha, la fille de Rita St-Pierre. Elle signe ainsi ses messages, comme une carte de visite. Avec encore plus d’empressement depuis qu’à titre posthume sa mère a été admise à l’Ordre victorien, Martha St-Pierre recherche les témoignages de ceux et celles qui l’ont connue.

Partie de Victoriaville il y a 60 ans, Martha St-Pierre revient à Victoriaville pour, en quelque sorte, mener son enquête en vue d’écrire un portrait de sa mère.

Celle qui, par la suggestion du regretté prêtre Raymond Roy, a donné son nom à la Place communautaire de la rue Monfette, est décédée depuis 35 ans.

Dès qu’on franchit le hall d’entrée, son portrait accroche l’œil. Il y a bien quelques dates et cette fameuse citation de Raymond Roy : «Elle avait créé l’aube pour qu’il y ait des matins», mais c’est tout. Même sa maison de la rue Notre-Dame Ouest (180) a disparu pour faire place à l’agrandissement de la Résidence Notre-Dame. La maison de sa naissance est cependant toujours blanche et présente à l’angle des rues Saint-Jean-Baptiste et Olivier.

C’est avec émotion que Martha raconte comment sa mère, caressant le linteau de la porte, a dit adieu à la maison où elle a passé sa vie de femme, de mère et d’épouse avant de partir pour l’hôpital, se sachant en phase terminale d’un cancer du pancréas.

Il faut relire le portrait qu’en a fait l’ex-journaliste Alain Bergeron, dans la série Visages du siècle publiée en 1999 pour mesurer l’étendue de l’engagement de la dame née Blanchet, une des pionnières du mouvement communautaire à Victoriaville.

Une vie d’engagement

La Ville de Victoriaville avait mis sa confiance en Mme St-Pierre, la chargeant de mener, en 1972, une étude sur la pauvreté.

C’est son action qui a fait naître la Commission des œuvres devenue le Centre de relèvement et d’information sociale (CRIS). Elle y a côtoyé Raymond Roy et Jean-Guy Morissette, lui aussi disparu il y a quelques années.

Comment une dame «patronnesse» (un terme qu’utilisaient les prêtres à l’époque), arborant le collier de perles, a pu devenir cette femme capable d’aller dans les foyers des plus démunis, leur demandant la permission de jeter un œil à leur frigo afin de voir comment elle pouvait leur venir en aide? Sa fille se pose encore la question.

«J’aide si demandé» aura été sa devise, rappelle sa fille.

Bien avant que l’expression «conciliation travail famille» ne soit en vogue, Rita St-Pierre en appliquait les préceptes, assure Martha. Elle se souvient des nombreuses occupations de sa mère, mais ne s’est jamais sentie négligée ou abandonnée.

«Même si elle était impliquée à tous les niveaux (social, communautaire, religieux), ma mère était avant tout dévouée à sa famille. Elle était bonne cuisinière et excellente couturière, détenant même son salon de haute couture.»

Elle aime raconter comment son père, l’homme d’affaires de St-Pierre Auto, Germain St-Pierre (1905-1969), séduit par la beauté de sa mère qu’il avait vue à l’église, avait demandé à Dieu de la lui confier pour épouse, lui promettant, en retour, de lui faire des sœurs et des prêtres. C’est que Rita avait, pendant un temps, voulu devenir contemplative chez les sœurs Clarisses. En six ans, elle accouchait de cinq enfants, François, Bernadette, Guy (décédé), Martha et Monic.

«J’ai réalisé bien plus tard qu’en entrant au couvent, c’est moi qui réalisais le deal que mon père avait fait avec Dieu», dit Martha en riant. Elle ne regrette ni ne renie sa vie chez les sœurs de la Miséricorde à Montréal où elle a vécu pendant 17 ans, avant de se marier, voilà 30 ans, avec le psychologue Jean-Guy Bonin.

Autant Germain a adoré son épouse, autant Rita le lui a bien rendu, raconte encore Martha, parlant de cette courte période où, présidente du cercle Lacordaire, elle s’est retrouvée, bien malgré elle, tenancière du Château Grandnyd de Saint-Joseph-de-Beauce (dans les années 1950), hôtel que son mari avait acheté.

«Une femme de l’ombre»

«C’était une femme de l’ombre», a confié à Martha, Jacques Gélinas qui a aussi connu sa mère. «C’est vrai, elle était sérieuse et discrète. Savait écouter. Savait aussi parler puisqu’elle donnait des conférences, entre autres, sur la place que les femmes devaient prendre dans la société.»

Martha ne sait pas encore quelle forme littéraire prendra le portrait de sa mère et vers qui la mènera sa recherche d’informations.

Mais elle sait qu’il y a urgence. Elle a 81 ans. Le temps passe et vite, pour elle comme pour les témoins des œuvres de sa mère.

Ce projet de mémoire, elle le caresse depuis plusieurs années. Depuis qu’elle a constaté que ses neveux et nièces ne connaissaient à peu près rien de la vie de leur grand-mère, de la diversité et de la couleur, parfois politique, radicale à l’époque, de ses œuvres, de la richesse de son engagement.

Travailleuse sociale à la retraite, c’est mue par une profonde admiration pour la femme qu’a été sa mère que Martha s’est attelée à rassembler toutes les pièces de son portrait.

Quiconque a connu Rita St-Pierre et a une histoire à lui partager peut la joindre par courriel à marthastp@videotron.ca.