Manque de pharmaciens : une situation préoccupante dans la région
Le manque de pharmaciens dans les établissements de santé au Québec, notamment en Mauricie et au Centre-du-Québec, entrave les soins aux patients.
S’appuyant sur les résultats de sa dernière enquête sur les effectifs, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) insiste sur les conséquences de cette pénurie. Celle-ci nuit à l’offre de soins pharmaceutiques et à l’usage optimal des médicaments. De plus, elle prive le réseau de professionnels en mesure d’améliorer l’accès aux soins de santé. La situation est d’autant plus préoccupante que le gouvernement n’agit pas sur les causes qui exacerbent la pénurie en refusant d’entreprendre le processus de négociation pour le renouvellement de l’entente de travail des pharmaciens d’établissement. Cette entente est maintenant échue depuis près de deux ans.
Au-delà des postes à pourvoir, des centaines de pharmaciens supplémentaires sont nécessaires au Québec pour assurer une couverture équitable en soins pharmaceutiques aux patients des hôpitaux.
Découverture en soins pharmaceutiques
Les soins pharmaceutiques consistent en la prise en charge de la médication par un pharmacien présent à l’unité de soins ou à la clinique ambulatoire. Bien que le pharmacien d’établissement puisse travailler dans différents secteurs de soins, certains ont été ciblés dans le cadre de l’enquête sur les effectifs. Dans la région de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, voici le taux de découverture recensé au 1er avril 2024, pour les trois secteurs de soins suivants :
Dans les urgences, 80% des besoins en pharmaciens pour prodiguer des soins pharmaceutiques sont non comblés. Ces soins y sont toutefois névralgiques et des études démontrent qu’un nombre considérable de visites sont dues à des problèmes liés aux médicaments.
Aux unités de soins intensifs et coronariens, 49% des besoins en pharmaciens pour donner des soins pharmaceutiques sont non couverts. Il s’agit pourtant d’un secteur de soins aigus nécessitant l’usage de médicaments complexes pour lesquels le pharmacien détient l’expertise.
En dialyse rénale, 59% des besoins en pharmaciens sont non comblés, en dépit de la vulnérabilité aux médicaments des patients dialysés dont la capacité de filtration des reins est diminuée.
« Les chiffres sont alarmants, et ce, partout au Québec. Si le gouvernement continue d’ignorer les solutions que nous proposons et celles pouvant résulter de la négociation, la situation ne s’améliorera pas, au détriment des patients et des soins. Le manque de pharmaciens contribue au temps d’attente lors des consultations à l’urgence et dans certaines cliniques ambulatoires, à la durée des hospitalisations, ainsi qu’aux risques d’incidents et d’accidents médicamenteux et d’effets indésirables liés aux médicaments. En revanche, la présence du pharmacien dans l’équipe soignante permet d’accélérer la prise en charge de patients et l’atteinte des résultats avec la thérapie médicamenteuse, ce qui contribue à un meilleur fonctionnement du système de santé », rappelle Julie Racicot, pharmacienne et présidente de l’A.P.E.S.
L’inaction du gouvernement Legault
Depuis près de deux ans, soit depuis le 31 mars 2023, l’entente de travail des pharmaciens des établissements de santé du Québec est échue. Faute d’intérêt de la part du gouvernement, la négociation n’est pas commencée et donc les discussions entourant les enjeux majeurs vécus sur le terrain sont sur la glace. En définitive, ce sont la performance du réseau et l’accessibilité aux soins de santé qui se trouvent directement affectées par l’inertie du gouvernement.
L’A.P.E.S. demande au gouvernement d’entreprendre la négociation pour discuter de moyens de favoriser l’attractivité de la profession de pharmacien d’établissement, le recrutement et la rétention de pharmaciens partout au Québec, et notamment en région. Outre des conditions de travail attrayantes et la valorisation de la profession, il faut notamment mettre en place des solutions de soutien pérennes entre les établissements en sévère manque d’effectifs et ceux ayant plus de facilité à recruter.
Sur un autre plan, le gouvernement doit travailler avec les facultés de pharmacie pour faciliter l’accès au programme de maîtrise en pharmacothérapie avancée (nécessaire pour pratiquer dans les hôpitaux), particulièrement en région, entre autres, par l’enseignement à distance.
« Les pharmaciens d’établissement, qui prennent en charge toutes les activités professionnelles liées à l’usage des médicaments, sont sans équivoque des acteurs essentiels du réseau de la santé. Afin d’offrir des soins de qualité et sécuritaires aux patients, les établissements de santé doivent être dotés des professionnels nécessaires, ce qui passe notamment par le recrutement et la valorisation de la profession. Dans ce contexte, la négociation menant au renouvellement de l’entente de travail des pharmaciens d’établissement doit commencer. Ces discussions permettront également d’améliorer l’accès aux soins et les soins eux-mêmes pour les nombreux patients qui, comme les pharmaciens d’établissement, n’en peuvent plus d’attendre. Les ministres Christian Dubé et Sonia LeBel doivent agir et donner les mandats à leurs représentants de négocier. Si le gouvernement ne bouge pas, nous n’aurons d’autres choix que d’entreprendre des actions », conclut Linda Vaillant, pharmacienne et directrice générale de l’A.P.E.S.