L’humain au cœur de l’action de Frédéric Jean

La relation avec l’humain, voilà ce qui anime Frédéric Jean dans tout ce qu’il fait.
Comme enseignant depuis 20 ans, bien sûr, mais aussi dans son engagement communautaire avec le Club Richelieu ou encore avec le Relais pour la vie de la MRC de L’Érable. Toujours l’humain qui le motive comme animateur ou célébrant de mariages, de baptêmes ou de funérailles. Et aussi avec son projet Le cancre pédagogue, un balado (podcast) qu’il a créé durant la pandémie.

Rencontré chez lui à Victoriaville, ce prof d’anglais raconte les bienfaits que lui procure ce balado mis en place dans un contexte de remise en question. « Ça a commencé avec la pandémie, mais aussi avec le renouvellement de la convention collective. Je vivais une espèce de marasme. Je pensais avoir fait le tour. J’en étais à me questionner si je voulais être encore prof, confie-t-il. J’ai alors lancé ma compagnie d’animation pour observer, pour aller voir. Serais-je plus heureux ailleurs? Le fait de partager avec d’autres enseignants ou d’autres personnes, d’autres passionnés de tous horizons et de parler d’éducation, ça m’a fait voir l’éducation autrement. »

Pour Frédéric Jean, le podcast est devenu un exercice de formation en continu. « J’ai décidé d’écouter ce qui se passe dans mon milieu. Ça m’a ouvert à l’empathie, à la compassion. Et ça a même amélioré ma pratique pédagogique », note-t-il.

En trois saisons de podcasts disponibles sur Spotify et YouTube, Frédéric Jean a réalisé une centaine d’entrevues avec des personnalités connues et d’autres moins. Il a pu s’entretenir avec des gens comme Jean-Marie Lapointe, Bruno Blanchet et le Pharmachien.

Il a réalisé la plupart de ses entrevues par Zoom dans son studio au sous-sol de sa résidence. Mais voilà que l’équipement lui permet de sortir de plus en plus. « Le cancre pédagogue se déplace, dit-il. Je suis allé à la rencontre de Josée Scalabrini, la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement.

Je suis aussi allé voir chez lui l’entrepreneur François Lambert (qui a fait les Dragons à la télé) et j’ai discuté avec lui. Le cancre prend son envol. De belles choses arrivent », se réjouit-il.

Avec son podcast, Frédéric Jean se fait apprenant, se place en mode écoute. Il n’intervient que rarement. Il écoute ses invités, prenant parfois des notes sur des propos afin de relancer son interlocuteur. Comme s’il avait droit, dit-il, à une conférence privée d’une heure. « Les invités me disent avoir l’impression d’être les seuls à parler. Oui, c’est l’essence même du cancre pédagogue, note-t-il. Je veux apprendre de toi. Je veux voir comment toi tu pourrais m’aider à améliorer ma pratique. »

Ces rencontres, constate-t-il, ont porté fruit et lui ont permis d’améliorer sa pratique en tant qu’enseignant. « Jean-Marie Lapointe m’a appris l’empathie. Même chose pour François Lambert et Bruno Blanchet, par exemple. Mais tous ne sont pas des vedettes. J’ai discuté avec enseignants, des retraités de l’éducation, des parents qui vivaient des difficultés avec des élèves aux prises avec des troubles de comportement. Et voir leur réalité a changé ma pratique parce que je devenais plus sensible. Le fait de comprendre davantage comment l’autre est ou connaître d’autres visions de l’éducation me fait cheminer et améliore ma pratique. J’apprends tout le temps », assure Frédéric Jean.

Il le reconnaît. Son balado lui a permis, non seulement de rester raccrocher à l’enseignement, mais surtout de se coller à des personnes positives. « Alors qu’on vit tellement de choses difficiles depuis mes débuts dans le mode de l’éducation avec ses multiples défis, j’avais envie de voir l’éducation de manière positive, de discuter avec des personnes positives qui te font voir d’autres choses et oublier le marasme. Ça accroche », souligne-t-il.

Les balados lui ont amené, décrit-il, une belle communauté, des enseignants passionnés, certains plus disponibles et passionnés que lui-même. « Ça m’a fait des liens, et même mené à des conférenciers. Comme Serge Goyette, un vieux de la vieille. C’est un compatissant sur deux pattes », mentionne Frédéric Jean qui caresse aussi ce rêve de prononcer des conférences un jour.

S’il ne peut en parler pour le moment, le prof avance cependant que de belles choses se dessinent pour le cancre pédagogue.

Par ailleurs, l’enseignant a initié ses élèves au podcast. Un moyen beaucoup moins statique et gênant que les traditionnels exposés oraux devant la classe. « Tu les mets autour d’une table avec un micro et ils ont du plaisir avec la console. On est ailleurs. Ils sont plus détendus. Le podcast constitue un pont extraordinaire et une plateforme où les parents peuvent consulter et découvrir le travail de leurs enfants. C’est ludique, plaisant. Je me mets à leur niveau encore. J’ai un compte TikTok, juste pour me rapprocher d’eux, parler leur langage, comprendre leur réalité et me mettre à leur niveau », énonce-t-il.

Cancre lui-même

Le mot cancre signifie un mauvais élève, un élève nul et paresseux. Il a baptisé son podcast Le cancre pédagogue parce que lui-même, durant son parcours scolaire et même à l’université, était considéré comme un cancre. « Je n’avais pas de grosses notes, je n’étais pas un élève performant », confie-t-il.

Mais il a toujours ce souvenir d’une enseignante en quatrième année du primaire, Lise Tessier, qui a agi comme « un phare dans sa vie ». « Elle était tellement compatissante, bienveillante et tellement empathique. Je me disais : si je suis prof un jour, c’est comme elle que j’aimerais être », se rappelle Frédéric Jean qui a renoué avec elle par le balado. « On se parle encore quotidiennement.

Le fait d’entrer en contact avec elle a accentué cette empathie et cette compassion que je transpose à mes élèves en retour. Si je réussis à changer la vie d’un enfant, j’aurai réussi quelque chose d’extraordinaire. J’ai fait ce podcast pour me redonner le sentiment de bonheur, pour que l’enfant soit heureux », exprime-t-il.

Avec le recul, l’enseignant reconnaît une fausse perception, cette fausse impression, en fait, d’avoir fait le tour du jardin. « Quand j’ai commencé à m’intéresser aux autres personnes en éducation, à me questionner, à avoir d’autres réponses et à vivre d’autres réussites, je me suis rendu compte que j’ai encore beaucoup à apprendre », observe-t-il.

Tout ce qu’il a retiré de positif de toutes ces entrevues réalisées, Frédéric Jean l’a transposé en classe. « Tout cela m’a permis de créer une belle culture de classe, une classe compatissante, empathique. J’ai maintenant un contrat de compassion depuis deux ans, énonce-t-il. Chaque personne qui entre dans notre classe, dans notre groupe, est bienvenue, mais doit signer le contrat de compassion pour se sentir accueillie. C’est ma classe de RÊVE, un acronyme pour signifier que chaque élève doit être Reconnu, Écouté, Vu et Entendu. »

Exit la position d’autorité. Plus question de regarder l’élève de haut. « Je fais juste descendre de cette échelle pour me placer au niveau du jeune et ça m’arrive souvent que j’apprends à cause du jeune. Quand on ouvre les portes, qu’on ne se met pas de barrières, de un, on apprend sur le jeune, ce qui est extraordinaire, et on établit aussi des ponts avec les jeunes, mais aussi avec les parents », explique celui qui n’hésite pas à répondre à un jeune qui lui demande de l’aide, même en soirée. Pas question de remettre ça au lendemain. « Ce serait briser le pont », estime-t-il.

Le contrat de compassion porte fruit. Il a contribué à résoudre une problématique avec les dîneurs à l’école. « Ils ont signé le contrat de compassion, les surveillantes aussi. Quand on signe, les jeunes applaudissent, car ils se sentent accueillis. Et ces jeunes ont reçu, depuis un mois et demi, 21 billets mauves de félicitations de la part des surveillantes du dîner », révèle l’enseignant.

Le succès, la réussite, cela passe par l’empathie. « En étant empathique, tu te mets dans la position de l’autre pour voir ce qui ne marche pas et essayer d’améliorer les choses. Par l’écoute tu arrives à des stratégies et tu améliores l’affaire. »

Le contrat de compassion ouvre un climat de confiance. « Maintenant, on me perçoit comme un oncle, un grand-frère ou un père à la limite. En 20 ans, je me suis rendu compte qu’on n’a pas besoin de garder cette distance, quand tu aimes l’élève, tu auras le respect en retour, fait-il remarquer. L’amour est tellement important. La pandémie m’a permis de m’ouvrir les yeux, par les podcasts et les relations avec les autres. »

Préoccupé par la situation en éducation, considérant les défis et l’urgence d’agir, il fera partie, à la fin d’avril, des animateurs d’un forum appelé Parlons Éducation issu d’un mouvement citoyen. 

Mais Frédéric Jean a aussi à cœur la communauté. En plus de faire partie du Club Richelieu, lui-même un survivant du cancer donne beaucoup de son temps pour le Relais pour la vie de la MRC de L’Érable. « Le diagnostic de cancer, c’est un choc. On se rend compte qu’on n’est pas grand-chose finalement. Ça te remet à ta place. Quand j’ai eu le cancer, signale-t-il, j’ai comme eu cette urgence de vivre. Et c’est peut-être ça qui m’a amené à lancer ma compagnie d’animation et à devenir célébrant. »

Après avoir vu la mort rôder près de lui, l’homme de 46 ans considère important de profiter de la vie au max. Mais il y a un fil conducteur dans tout ce qu’il fait : l’humain. « Je fais des affaires que j’aime, selon mes intérêts, mais qui comportent toujours le contact humain. J’ai dit oui à tout ce qui touche l’humain. Parle-moi pas de réparer un moteur de skidoo », lance Mr Friday, comme on le surnomme dans les écoles. « Quand j’ai eu le cancer, je me suis dit que chaque jour allait devenir un vendredi, un jour qui représente la joie, l’arrivée du week-end, les activités. Je n’en ai pas, mais si j’avais un tatouage, ce serait vendredi! »

Frédéric Jean conclut l’entrevue, comme il le fait à la fin des podcasts. « Je dis toujours : on s’envoie de l’amour, think love! »

Et c’est ce qu’il fait notamment dans ses classes. Ses élèves, il les regarde avec amour. « Être empathique, c’est ça. Think love c’est l’empathie, et l’empathie c’est la clé, je pense. »