Les petits détaillants s’impatientent

VICTORIAVILLE. Il y a quatre ou cinq ans, il en coûtait en moyenne entre 4000 $ et 5000 $ annuellement à Éric Fréchette du dépanneur Garde-Manger de Victoriaville lorsque ses clients payaient avec leur carte de crédit. Aujourd’hui, ce mode de paiement lui coûte quelque 15 000 $. «C’est moi qui sors cet argent de mes poches alors que je pourrais rénover, embaucher plus de personnel, offrir de meilleurs services. Je fais moins d’argent aujourd’hui qu’il y a quatre ans, alors que mon commerce est payé!», déplore-t-il.

Pour une conférence de presse, M. Fréchette a accepté d’accueillir, dans son commerce, Yves Servais, directeur général de l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ).

À la veille du dépôt du budget fédéral, l’Association relance son offensive réclamant du gouvernement fédéral qu’il réglemente les taux d’utilisation des cartes de crédit Visa et Master Card, comme l’ont fait l’Australie et l’Angleterre, a indiqué M. Servais, les fixant à des taux respectifs de 0,5 % et de 0,3%.

Ici, a précisé M. Servais, les taux oscillent entre 1,5 et 3%, ce qui entraîne pour les petits détaillants des frais annuels exorbitants, près de 15 000 $ pour un commerce de la taille de celle que M. Fréchette exploite depuis 20 ans avec sa conjointe. Autour de 40 000 $ pour un dépanneur exploitant aussi un poste à essence et jusqu’à 100 000 $ pour un établissement ayant un gros volume d’affaires.

Des frais s’appliquent pour le commerçant chaque fois qu’un client sort sa carte de crédit pour payer son achat. Et les incitations à l’utiliser sont de plus en plus fortes, avec les programmes de points qui y sont assortis.

Les commerçants sont coincés, 60% des clients utilisant leur carte de crédit pour payer leurs achats, soutient M. Fréchette. Soit parce qu’ils n’ont pas d’argent, soit parce qu’ils sont friands de points. «Ce n’est pas à moi à payer pour les points et les voyages!», s’exclame-t-il.

Le propriétaire d’un dépanneur peut difficilement refuser à un client d’utiliser sa carte de crédit, craignant de le faire fuir définitivement. Et il est impossible de baisser les prix de produits courants comme des billets de loto, de la bière et des cigarettes.

«Ça fait des années», a dit M. Servais que l’Association milite pour que le gouvernement intervienne dans ce dossier. «Le gouvernement conservateur n’a jamais voulu réglementer!», a souligné le directeur général de l’AMEDQ, membre de la Coalition canadienne des petits commerçants travaillant dans le même sens.

Yves Servais se réjouit de quelques gains faits dans ce dossier où le gouvernement aurait fini par reconnaître que les taux d’utilisation des cartes de crédit du Canada étaient les plus élevés au monde.

L’Association mise sur l’appui de la sénatrice libérale Pierrette Ringuette et du NPD, espérant que le gouvernement conservateur soit à l’«écoute des petits commerçants» qui contribuent à l’économie.

Hausse de taxes

«Il faudrait mettre un brake sur les hausses de taxes sur le tabac», a ajouté, par ailleurs, le directeur général de l’AMEDQ, s’adressant tout à la fois au gouvernement du Québec et à celui d’Ottawa. Les hausses risquent d’accentuer la contrebande, craint-il.

Si elle souhaite un frein sur les hausses de taxes, l’AMEDQ demande à ce que le gouvernement fédéral mette le pied sur l’accélérateur pour adopter son projet de loi C-10 afin que les contrebandiers du tabac écopent d’infractions plus sévères.

«Avec cette loi qui va les criminaliser, les contrebandiers vont y penser à deux fois», croit Yves Servais. La contrebande de cigarettes constitue un autre bâton dans les roues des petits commerçants estime le directeur général de l’Association. Entre 15 et 20% des produits du tabac seraient vendus au noir, selon lui.