Les enseignants montent aux barricades

VICTORIAVILLE. Une cinquantaine d’enseignantes et d’enseignants, avec leur présidente de syndicat Nancie Lafond, ont interpellé en début de séance, lundi soir, la séance publique des commissaires de la Commission scolaire des Bois-Francs (CSBF) pour dénoncer l’augmentation des tâches prévue dans les offres patronales déposées en décembre en vue du renouvellement de la convention collective nationale du personnel enseignant. Celle-ci vient à échéance le 31 mars.

Les enseignants tenaient à présenter aux commissaires le portrait de leur tâche dans le but de leur faire réaliser l’ampleur de leur travail et l’importance de préserver du temps de travail de nature personnelle.

«Notre tâche devient de plus en plus complexe et va bien au-delà des 40 heures reconnues, a fait valoir la présidente du Syndicat de l’enseignement des Bois-Francs (SEBF), Nancie Lafond. Dans bien des cas, les enseignants effectuent 45 ou 50 heures par semaine. Actuellement, le personnel enseignant travaille plus de 40 heures par semaine. Et quand on n’est pas en classe avec les élèves, nous faisons autre chose : récupération, surveillance des élèves, participation aux nombreux comités, réunions, suivi d’élèves, préparation de cours, correction, mise à jour du matériel, rencontre de parents et aussi de nombres tâches administratives.»

Dans son offre, le gouvernement propose d’augmenter le temps de présence assignée à l’école et de mettre fin aux cinq heures de travail de nature personnelle en les remplaçant par des tâches assignées par la direction. Et cela sans compter, note la présidente du syndicat, l’augmentation du nombre d’élèves par classe, la diminution des services aux élèves en retranchant les sommes destinées aux élèves en difficultés de comportement ou d’apprentissage et la diminution du nombre d’enseignants en orthopédagogie.

Les offres patronales «heurtent de plein fouet» le personnel enseignant, a soutenu Nancie Lafond. «On aurait souhaité une réelle reconnaissance par nos patrons pour le travail que nous faisons, mais au lieu d’un signe d’encouragement, on nous sert une gifle en plein visage», a souligné la présidente du SEBF, indiquant qu’actuellement, 20% des enseignants du primaire et du secondaire vivent un degré d’épuisement élevé, 31% éprouvant un degré d’épuisement modéré tandis que 20% des enseignants abandonnent la profession dans les cinq premières années de pratique.

«Les demandes patronales témoignent d’une profonde méconnaissance de la réalité des enseignants», a signalé Mme Lafond.

«Augmenter, a-t-elle ajouté, le temps de présence à l’école de 32 à 35 heures par semaine, c’est penser que les enseignants n’en font pas assez alors qu’ils portent déjà «l’école à bout de bras» avec leurs collègues du réseau scolaire. Il s’agit d’ailleurs du thème de notre campagne de mobilisation.»

Les demandes patronales se traduiraient, selon le SEBF, par une augmentation de 40 à 48 le nombre d’heures de travail hebdomadaire. «Plus de travail demandé, plus de tâches administratives, plus de réunions, mais moins de temps de préparation des cours, moins de temps pour corriger travaux et examens», a signalé Nancie Lafond.

Les enseignants sont en colère. «Ils sont très fâchés du manque de considération qu’on leur accorde. On ne le prend pas du tout. C’est du rarement vu une situation comme celle-ci», a-t-elle confié, tout en souhaitant le respect du travail et de l’autonomie des enseignants. «Que vous décidiez de tout pour nous est un concept auquel nous n’adhérons pas, a-t-elle lancé aux dirigeants de la CSBF. Ce que vous proposez est inacceptable. Vous devez entendre le message et faire passer les élèves, leur réussite et le personnel enseignant avant l’austérité et les tâches administratives.»

«C’est très décevant»

La présidente du SEBF et sa délégation ont, non seulement voulu exposer la lourde tâche qui leur incombe, mais aussi interroger les dirigeants de la CSBF à savoir s’ils cautionnaient l’augmentation prévue des tâches du personnel enseignant.

Le directeur général Daniel Sicotte a fini par reconnaître qu’il se montrait favorable à une tâche retravaillée, remodelée et négociée. «Nous entrons dans une période importante de négociations. Ensemble, on peut voir ce qu’on peut améliorer dans une approche gagnant-gagnant. Le défi, a-t-il indiqué, consiste à trouver l’équilibre entre le développement de l’élève et les conditions de travail respectueuses pour notre personnel.»

La réaction n’a pas tardé. «C’est extrêmement décevant comme réponse. Ce n’est pas ce à quoi s’attendaient les enseignants. Comme si on recevait une deuxième gifle, a observé Nancie Lafond. C’est décevant de se faire répondre qu’on est dans un processus de négociations, que nous mettons sur la table une augmentation des tâches et qu’on verra au bout, comme une machine à saucisse, ce qui en sortira.»

De son côté, la présidente de la CSBF, Paulette S. Rancourt, a rappelé les priorités de l’organisation : la réussite des élèves et le bien-être de chaque membre du personnel. «Nous savons que vous êtes au front, que vous travaillez très fort, a-t-elle dit aux enseignants. Vous êtes des agents d’éducation que nous devrions reconnaître davantage. C’est important pour nous de le dire. Mais on ne peut faire, ici, une négociation.»

La présidente de la CSBF est d’avis qu’il y a du chemin à faire de part et d’autre. «Une négociation se fait de part et d’autre. Mais nous en sommes à peine au dépôt (des offres et demandes)», a-t-elle fait remarquer.

Chose certaine, les enseignants promettent de livrer bataille. «Je vous garantis qu’on n’acceptera pas l’augmentation du temps de travail. Nous sommes prêts à nous battre pour que ça n’arrive pas. Et on utilisera tous les moyens nécessaires», a fait savoir la présidente du SEBF, Nancie Lafond qui représente quelque 1100 enseignantes et enseignants.

«Nous tenons des actions de visibilité dans les écoles. La rencontre ce soir (lundi) avec les commissaires constituait un geste d’un peu plus grande envergure. Mais d’autres actions viendront», a-t-elle confié aux journalistes.