Le Tribunal de la sécurité sociale : un bilan désolant, une atteinte aux droits et à l’accès à la justice

Droits Devant Érable, organisme en défense des droits sociaux, profite de la Semaine nationale des chômeurs et chômeuses pour lancer le bilan de son regroupement national, le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE). Ce sont donc trois années d’existence du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) dont les constats sont extrêmement préoccupants au niveau de l’accès à la justice et des droits des chômeurs et chômeuses.

«En 2012, le gouvernement fédéral a procédé à une réforme majeure du régime d’assurance-emploi que l’on a qualifiée de saccage. En campagne électorale, le Parti libéral du Canada s’était engagé à abolir la réforme Harper. Le gouvernement Trudeau n’a respecté qu’une partie de ses promesses. Il a fait marche arrière quant à la définition d’emploi convenable, mais il reste que son gouvernement n’a encore rien fait par rapport à l’autre élément central et controversé de la réforme de l’assurance-emploi, le Tribunal de la sécurité sociale».

Dans son bilan, le MASSE souhaitait vérifier si les craintes exprimées lors de la création du TSS il y a plus de trois ans se sont matérialisées. Force est de constater que oui.

«La création du TSS a fait perdre aux appelants leur appel de plein droit puisqu’un décideur peut rejeter une cause sans l’avoir entendue (rejet sommaire) et qu’en deuxième instance, l’appelant doit demander la permission pour être entendu.»

Au regard des données obtenues, le MASSE a fait le constat alarmant que dans les quelques cas où des rejets sommaires ont été contestés, la moitié d’entre eux ont été renversés, illustrant ainsi une utilisation abusive de cette mesure qui enlève le droit d’être entendu aux chômeurs et chômeuses. Par ailleurs, à la division d’appel, près de la moitié des personnes ayant demandé à ce que leur cause soit entendue n’en ont pas obtenu l’autorisation (195 refus sur 427 permissions demandées).

Autre nouveauté amenée par le TSS, les audiences peuvent se tenir de différentes façons. Ainsi, le MASSE craignait que l’audience en personne, qui était la norme, devienne plutôt l’exception. Et bien cette crainte s’est concrétisée. À la division générale, pour l’année 2014-2015, 68,5 % des audiences ont été tenues par téléphone. Les audiences en personne ne représentent plus que 16,4% des audiences en première instance.

Pour Mme Arruda, coordonnatrice du MASSE, il s’agit là d’un enjeu préoccupant : «Certains croient que le fait de tenir des audiences par téléphone ou par visioconférence ne change rien. Mais les études et l’expérience démontrent qu’il a y a un effet certain sur le niveau de stress et d’inconfort des appelants, que la crédibilité peut être difficilement évaluable virtuellement et que cette distance joue négativement sur l’empathie du décideur.»

C’est sans parler des délais et de la complexité de la procédure qui a pour effet de décourager les chômeurs et chômeuses à contester. En effet, le nombre d’appels a diminué drastiquement (environ 17 000 appels de moins par année à la division générale) alors que les délais de traitement des appels, quant à eux, ont explosé (en moyenne 262 jours à la division générale du TSS et 395 jours à la division d’appel pour 2014-2015).

À Droits Devant Érable, des personnes ayant perdu leur emploi ont abandonné leurs demandes de révision à cause des délais et de la complexité des démarches. «C’est inacceptable de devoir attendre plus d’un an pour qu’un tribunal détermine si tu as droit à des prestations d’assurance-emploi.»

Ainsi, pour le MASSE et pour tous ses groupes, dont Droits Devant Érable, le gouvernement Trudeau doit respecter ses promesses et agir rapidement en remettant en place les structures décisionnelles qui prévalaient avant la réforme de l’assurance-emploi.