Le père Noël sera devant sa webcam ou à deux mètres

Que ce soit en respectant une distance de deux mètres ou via une webcam, la rencontre entre le père Noël et les enfants qu’offrent les centres commerciaux sera bien différente en cette année de pandémie. La magie de Noël y sera tout de même, promettent les gestionnaires de centres commerciaux du Québec avec qui La Presse Canadienne s’est entretenue.

Au Carrefour de l’Estrie, à Sherbrooke, comme tous les autres centres commerciaux du Groupe Mach, les enfants ont l’habitude de visiter le père Noël dans son royaume.

Durant cette période des fêtes exceptionnelle, c’est de façon virtuelle que le vieux monsieur à la barbe blanche, confortablement installé au Pôle Nord, leur demandera s’ils ont été sages cette année et ce qu’ils aimeraient voir sous le sapin.

«C’est un père Noël en chair et en os, mais derrière un écran», a précisé Daniel Durand, le directeur principal, marketing et communications.

L’enfant aura une interaction «en temps réel». La conversation pourra être enregistrée afin que la famille en conserve un souvenir. Il y aura également prise de photo. La rencontre sera possible depuis un local de chaque centre commercial et sera sur rendez-vous «pour éviter les rassemblements».

La formule a l’avantage que ni l’enfant ni le père Noël n’auront à porter un masque. Par contre, il sera obligatoire pour toutes les autres personnes de suivre un protocole sanitaire.

L’exploitant dit avoir usé de créativité et d’innovation pour rendre l’expérience «la plus magique possible» pour les familles et les enfants «malgré la situation actuelle».

En personne

Même discours chez le géant des centres commerciaux Cadillac Fairview où «cette période des fêtes ne ressemblera à aucune autre».

Les enfants pourront visiter le père Noël de façon presque traditionnelle ou complètement de façon virtuelle sur un appareil personnel d’où bon leur semble.

L’entreprise, qui opère 19 centres commerciaux dont les Promenades Saint-Bruno, sur la Rive-Sud, et le Centre Eaton de Toronto, en est à «finaliser l’expérience des fêtes» qui sera proposée d’un bout à l’autre du pays, a expliqué en anglais Craig Flannagan, le vice-président au marketing.

COVID-19 oblige, les visites en personnes ont été repensées afin de «prioriser la sécurité». Elles devront être réservées sur Internet et l’enfant ne pourra pas s’asseoir sur les genoux du père Noël étant donné que la distanciation physique devra être respectée en tout temps.

De plus, le M. Noël portera un masque. «Nous devons donner la priorité à la sécurité de tous», a tranché M. Flannagan.

Son équipe envisage également que la traditionnelle photo — à laquelle les clients tiennent, a-t-il insisté — soit prise en jouant sur la perspective. Autrement dit, l’enfant serait à deux mètres devant le père Noël.

Après chaque rencontre, les lieux seront désinfectés. L’opération devrait prendre environ cinq minutes, prévoit Cadillac Fairview.

Ceux qui préfèrent rencontrer le père Noël sans se déplacer pourront le faire depuis leur appareil électronique. «C’est le père Noël, a insisté M. Flannagan. Il est en direct avec toi. Il parle et répond aux questions.»

«Trop tôt»

Le groupe Cominar, qui opère 19 centres commerciaux au Québec, dont le Mail Champlain, à Brossard, et la Place Longueuil, a refusé la demande d’entrevue de La Presse Canadienne expliquant que c’est «trop tôt».

Dans une déclaration transmise par courriel, le vice-président Jean-Marc Rouleau a écrit que «l’animation des espaces publics dépendra de l’évolution de la situation entourant la COVID-19».

Différents scénarios ont été conçus pour les centres commerciaux qui accueillent habituellement le père Noël et son royaume, a-t-il dit.

«Une chose est sûre : tous nos scénarios respecteront la distanciation sociale ainsi que les directives émises par les différentes autorités de santé publique et gouvernementales», indique le message.

Le centre Laurier Québec est le seul des quatre grands centres commerciaux, gérés par Ivanhoé Cambridge, qui a historiquement eu un père Noël.

«On est toujours en train d’évaluer différents scénarios […] qui respecteraient les directives émises par le gouvernement», a indiqué la porte-parole Katherine Roux Groleau.

Comme partout ailleurs, elle a affirmé que des ajustements pourraient être apportés en cours de route en fonction de la situation épidémiologique.

Concurrencer l’achat en ligne

Plus que jamais durant cette période des fêtes, les centres commerciaux doivent répliquer de façon «forte» et «marquée» pour distinguer leur offre face à la tendance du commerce en ligne, estime le professeur de marketing à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, Deny Bélisle.

Non seulement les consommateurs sont plus compétents et plus confortables à acheter sur le Web, mais en raison de la pandémie ils craignent davantage d’aller en magasin.

«Ces deux phénomènes-là, mis ensemble, c’est des menaces très importantes pour les magasins physiques (et) pour les promoteurs de centres commerciaux», soutient le professeur Bélisle.

Les centres commerciaux savent que l’«aspect expérientiel» distingue grandement un achat fait en personne du même achat fait en ligne.

«Sur Amazon, il n’y a pas de décoration, il n’y a pas de père Noël, a-t-il illustré. C’est pour ça que les promoteurs de centres commerciaux ne disent pas : « On abandonne. On va mettre trois banderoles et ça va fonctionner. »»

De manière générale, selon lui, les stratégies qui vont favoriser l’achalandage — en impliquant la présence physique de l’enfant — risquent d’être les plus intéressantes pour les centres commerciaux, étant donné que la présence du père Noël entraîne «des émotions qui ont un impact positif sur la consommation».

Ceux qui proposeront une expérience entièrement virtuelle pouvant être vécue de l’extérieur ne se tirent pas nécessairement dans le pied puisqu’ils permettent de donner de la crédibilité à l’endroit, voire même de possiblement communiquer de l’information aux consommateurs, de leur communiquer des promotions ou de collecter des données à leur sujet.

La période des fêtes a une importance «énorme» pour les centres commerciaux, a-t-il souligné. L’achalandage est habituellement à son comble et les ventes sont les plus importantes de l’année. «Si on rate notre coup pour la période des fêtes, ça fait mal financièrement», résume M. Bélisle.

Il remarque que bien que pour les centres commerciaux la présence du père Noël a un objectif mercantile, elle permet de créer «des relations où tout le monde gagne» puisque les parents et leurs enfants passent un moment agréable et font des achats.

La Presse Canadienne