L’agrotourisme et l’expérience essentielle du vivant

« L’agriculture exprime la personnalité d’un peuple. Par-delà les contraintes qu’imposent le climat et l’environnement biophysique, la façon dont on pratique l’agriculture traduit des choix de société et révèle un peu ce que nous sommes et ce qui nous distingue. » 
Rapport Pronovost (2008), p. 41

Dans son ouvrage L’Homnivore, le sociologue, anthropologue et historien français Claude Fischler soulignait que : « Nous sommes ce que nous mangeons ». Mais qu’en est-il lorsque nous ne savons plus ce que nous mangeons, comment et par qui ces aliments sont produits? Qu’en est-il lorsque, par cette méconnaissance, la peur s’installe envers ce que nous mangeons : agents de conservation, antibiotiques, pesticides, organismes génétiquement modifiés, etc.? 

L’industrialisation de l’agriculture au XIXe siècle et l’apparition des supermarchés en Amérique vers 1930 ont rompu notre lien direct à l’acte alimentaire et sa symbolique de vie. Manger n’est pas une activité comme les autres. Il a été observé dans plusieurs contextes qu’un changement radical et prolongé des habitudes alimentaires (ex. : colonisation, émigration, camps de réfugiés, famine) entraîne une rupture symbolique avec l’identité culturelle et le rapport au monde (Shoham & Stainier, 1987).

Sur fond de scandales sanitaires, d’inégalités alimentaires, de crises environnementales et de changements climatiques, de nouvelles logiques sociales se mettent en place. Le métier même d’agriculteur, agricultrice n’est plus un simple exercice d’une profession. Produire oui, mais quoi, pourquoi, pour qui, comment? Ces questionnements révèlent la multifonction de leur travail : nourrir, vêtir et loger les gens c’est également définir une gestion durable des ressources naturelles, entretenir les paysages, transmettre des valeurs et des savoir-faire. L’agriculture est une rencontre privilégiée avec le vivant et donc une façon d’être au monde. Elle est cet espace social alimentaire défini par nos choix de société. 

Bonne nouvelle, depuis le tournant des années 2010, les projets agrotouristiques ont connu une belle croissance au Québec et la majeure partie des visiteurs qui profitent de ces expériences sont issus de la province (MAPAQ, 2017).  Ces projets nécessitent certes des investissements notables pour les entreprises afin d’offrir un accueil et une expérience unique, notamment en main-d’œuvre, mais ceux-ci jouent un rôle essentiel. Ils créent un pont, un contact direct avec l’expérience du vivant, dans sa complexité et ses équilibres fragiles, son rythme et ses limites. 

Aller à la rencontre des producteurs et productrices, c’est en quelque sorte se réapproprier l’acte alimentaire, c’est renouer avec la langue des saisons et du territoire. Visiter les fermes, prendre le temps d’observer, d’échanger, de démystifier et comprendre l’incroyable travail de nos artisans, c’est également aller à la rencontre de notre terroir, notre identité culinaire dans son métissage, dans la mémoire de nos savoir-faire, de nos valeurs. C’est maîtriser notre devenir en tant que société.

Pour connaître les activités offertes dans notre région, contactez le 1 888 752-9451 ou rendez-vous sur https://www.tourismeregionvictoriaville.com/landing/gourmand/.

Pour de l’accompagnement dans le développement de vos projets d’accueil à la ferme, contacter Geneviève Gagnière au 819 758-3172, poste 429.

À méditer!

Je visitais récemment avec ma fille de 9 ans la ferme d’alpagas D’Ham Nature à Victoriaville. À notre arrivée, un petit cria (c’est ainsi que se nomme le petit de l’alpaga) pointait le bout de son museau. Nous avons donc assisté à sa naissance ainsi qu’à ses premiers pas. Sur le chemin du retour, ma fille me lance : « As-tu remarqué maman que les gens que l’on croise sur les fermes sont plus gentils qu’ailleurs? C’est peut-être parce qu’ils côtoient chaque jour ces petits miracles de la nature ».