La «question qui tue» : accepter ou refuser le compteur communicant?

VICTORIAVILLE. Les compteurs de nouvelle génération d’Hydro-Québec s’annoncent pour les semaines qui viennent à Victoriaville, leur installation étant précédée d’une lettre envoyée aux propriétaires. Tant la Ville, l’ACEF des Bois-Francs que La Nouvelle Union sont interpellées par des citoyens préoccupés par la venue de ces compteurs électroniques. Certains s’en inquiètent ou, tout au moins, se demandent s’ils doivent accepter un appareil communicant ou non communicant.

La Ville de Victoriaville n’a pas l’intention de prendre position dans le dossier des compteurs intelligents.

«Hydro-Québec est autonome dans ses démarches visant l’installation de compteurs intelligents, c’est-à-dire que la Ville ne peut refuser ou limiter ce type d’intervention», affirme Charles Verville, coordonnateur de la division des communications à la Ville de Victoriaville.

Il ajoute que le conseil municipal s’est vu présenter les détails de la démarche d’Hydro, cela par un expert indépendant de la Direction de santé publique. La Ville a jugé bon de ne pas intervenir alors qu’on lui a expliqué en quoi consiste un compteur intelligent et les risques de ce dernier peut engendrer sur la santé de la population.

Tous les appareils à remplacer

D’ici 2018, Hydro-Québec veut avoir remplacé les compteurs électromécaniques par des appareils numériques pour ses 3,8 millions de clients résidentiels au Québec. L’opération a commencé en 2013 dans la région montréalaise.

Deux possibilités s’offrent aux propriétaires. L’installation sans frais d’un compteur de nouvelle génération qui enregistre et transmet, par radiofréquences, les données de consommation. Un propriétaire peut choisir l’autre option, celle d’un compteur, numérique aussi, mais parce qu’il n’émet pas de radiofréquence, est appelé «non communicant». Il nécessite alors la visite d’un employé pour le relevé de ses données.

Pour se prévaloir de cette deuxième option, il faut aviser Hydro-Québec et s’attendre à des frais de 15 $ pour l’installation (si l’on a répondu dans un délai n’excédant pas 30 jours) et de 5 $ par mois. La société d’État a dû abaisser ces tarifs à la suite d’une décision de la Régie de l’énergie rendue en septembre dernier.

À l’ACEF, comme à la Coalition de lutte contre la pollution électromagnétique, on aurait souhaité que l’option de retrait soit sans frais. «On était content que les frais diminuent. Reste que les gens à faibles revenus qui n’ont pas les moyens de voir leur facture s’élever n’ont pas d’alternative», déplore Louise Tardif de l’ACEF des Bois-Francs.

Le choix de 0,5% des clients

Selon Patrice Lavoie, conseiller principal médias chez Hydro-Québec, pour 2,3 millions de compteurs de nouvelle génération installés jusqu’à présent, seulement 0,5% des clients se seraient prévalus de leur droit de retrait, ce qui représente un peu plus de 10 000 personnes.

Il se surprend qu’on lui rapporte qu’un Victoriavillois souhaitant un appareil non communicant ait dû patienter trente minutes au téléphone avant de pouvoir s’adresser à une proposée. Moyen dissuasif? «On nous prête vraiment toutes sortes d’intentions!», s’exclame-t-il.

Il rappelle qu’Hydro-Québec est «légitimée» par la Régie de l’énergie de troquer ses appareils électromécaniques contre des appareils de nouvelle génération, le projet ayant fait l’objet de 19 jours d’audience. «Il n’y a pas un millimètre du compteur qui n’ait pas fait l’objet de discussions.»

C’est aussi la réponse qu’il fournit à la centaine de municipalités ayant demandé un moratoire sur l’installation de ces appareils et/ou la gratuité du droit de retrait.

«Ces résolutions n’ont qu’une valeur symbolique», dit-il, la Régie ayant approuvé le projet d’Hydro-Québec.

Il a à répondre à de multiples questions sur les compteurs intelligents, entre autres, sur leur innocuité, produisant à ce sujet des documents émanant des directeurs régionaux de santé publique du Québec et de Santé Canada. Pour les uns comme pour l’autre, l’exposition aux radiofréquences émises par les compteurs intelligents ne poserait pas de risque pour la santé, étant inférieure aux normes de Santé Canada.

Des gains et des possibilités

En passant à l’ère numérique, Hydro-Québec réalisera des bénéfices et des gains d’efficience, explique encore M. Lavoie. Avec la nouvelle technologie, la société d’État réalisera des économies de 200 millions $ en 20 ans, n’ayant plus à payer les frais de transport et du personnel pour les relevés. «Et on n’aura plus à débourser pour remplacer quelque 80 000 appareils électromécaniques annuellement.» Ce type d’appareil à disque et à cadrans ne serait d’ailleurs plus fabriqué en Amérique du Nord depuis quatre ans.

Dans la lettre qu’Hydro-Québec achemine aux propriétaires, elle fait valoir que la facture d’électricité sera établie à partir des données de consommation réelles plutôt qu’en fonction de données estimées, qu’une panne pourra être signalée automatiquement, que la nouvelle technologie lui permettra d’offrir différentes fonctionnalités, comme celles de pouvoir mieux suivre sa consommation.

Ce sont justement ces nouvelles fonctionnalités qui font dire à l’analyste indépendant Jean-François Blain qu’Hydro-Québec détiendra alors une clé pour introduire de nouvelles mesures, comme des tarifs différenciés dans le temps, des cycles de facturation plus courts, des mesures de gestion de la charge en période critique, du délestage par exemple. Comme il l’avait expliqué lors d’une conférence à Victoriaville en mai 2013, M. Blain prédit que les factures annuelles pourraient être augmentées de 5 à 7% si, précise-t-il, Hydro-Québec obtient de la Régie la possibilité de composer avec de nouvelles règles tarifaires.

Le porte-parole d’Hydro-Québec donne la réplique à M. Blain comme à ceux qui doutent de la justesse de la lecture des nouveaux compteurs. «Il y a beaucoup de désinformation. Les compteurs intelligents n’inventent pas des kilowatts/heure. Ils ne sont pas plus précis que les anciens. Dans les rares cas où les factures ont augmenté à la suite de l’installation des compteurs de nouvelle génération, c’était là où les releveurs n’avaient pas accès aux compteurs électromécaniques. Les procédés de facturation au mois ne changeront pas. Si la facture est plus élevée, c’est qu’il a fait plus froid, que les habitudes de consommation ont changé, qu’il y a plus de monde dans la maison.»

Aux barricades!

L’opposition aux compteurs intelligents prend toutes sortes de formes.

Certains vont même jusqu’à «barricader» leur compteur électromécanique pour éviter qu’Hydro-Québec ne le change.

Or, dit Patrice Lavoie, tous les appareils doivent être remplacés, par un compteur communicant ou pas. Il ajoute que les appareils, les vieux comme les prochains, demeurent la propriété d’Hydro-Québec. «Le compteur doit être accessible à Hydro-Québec ou à l’installateur autorisé. S’il ne l’est pas, on communiquera avec le propriétaire afin de discuter avec lui.» Une barricade ne représente pas une réponse formelle à la lettre d’Hydro-Québec.

Quelques données

17 000 clients victoriavillois (la presque totalité) ont reçu la lettre d’Hydro-Québec les informant de l’installation d’un compteur intelligent et de la possibilité d’opter pour un appareil n’émettant pas de radiofréquences.

Le déploiement se fera au cours des prochains mois. À ce jour, 5% des compteurs de nouvelle génération ont été installés à Victoriaville.

Pour Hydro-Québec, le bureau d’affaires de Victoriaville inclut un très large secteur incluant Princeville, Plessisville, Lyster, Danville, Asbestos, Wotton. Un peu plus de la moitié des 60 000 clients de ce bureau d’affaires ont déjà reçu leur lettre. Le déploiement est commencé avec 10% des appareils installés à ce jour.

Sur le site de la Coalition québécoise de lutte contre la pollution électromagnétique on y lit que 88 municipalités et 3 MRC (ce qui représente 115 municipalités) demandent un moratoire et/ou réclament la gratuité du compteur non communicant.