Jardins la brouette : Audrey Fontaine contribue à l’essor de l’agriculture
Un brocoli qui se conserve mieux, un plant de tomates qui regorge de fruits goûteux, une carotte mieux adaptée au climat québécois : voilà quelques exemples concrets des avancées faites par la semencière Audrey Fontaine depuis qu’elle s’est lancée dans ce monde captivant, il y a 12 ans.
La résidente de Pierreville considère que son métier de semencière va bien au-delà de la simple reproduction de semences. Pour elle, il s’agit aussi de créer ses propres variétés, de préserver les semences ancestrales et de participer activement à la recherche et au développement pour améliorer la résistance et le rendement des plants et la saveur des fruits et légumes. «C’est un métier extraordinaire», s’enthousiasme-t-elle.
Un métier complexe
Au début de son parcours, Audrey Fontaine pensait qu’être semencière serait facile. Mais après avoir plongé dans la littérature spécialisée, elle a vite pris conscience de la complexité du métier. «J’ai compris que c’était bien plus compliqué que ce que j’imaginais en lisant tout ce que je pouvais trouver sur les semences», confie-t-elle. Ce constat, loin de la décourager, a moussé son envie d’en savoir davantage sur ce sujet soudainement devenu fascinant.
Elle explique que la reproduction des semences nécessite une attention méticuleuse : il faut éviter de contaminer la génétique des plantes en respectant des règles strictes, comme la distance à maintenir entre différentes variétés d’une même espèce. Des pratiques rigoureuses doivent également être appliquées pour garantir la réussite de ses cultures, telles que l’isolation des plants et la gestion des plantes bisannuelles.
«Il y a toujours un volet expérimental dans ce qu’on fait. On cherche constamment à améliorer nos plants pour obtenir les meilleures caractéristiques possibles. C’est un processus d’observation continu», explique-t-elle. Elle garde une trace de chaque observation dans un cahier de bord, qui l’aide à choisir les plants les plus performants à reproduire pour offrir la meilleure qualité de semences possible à ses clients.
À ces derniers, elle propose quelque 150 variétés de légumes, de fleurs et de fines herbes par le biais de son entreprise, Jardins la brouette. Pour se permettre une telle variété, elle a adopté un système de rotation sur cinq ans. « Je cultive une vingtaine de variétés par année environ.»
Le travail d’Audrey nécessite une grande organisation : elle doit connaître précisément ce que cultivent ses voisins, et où ils le font. «C’est essentiel afin d’éviter toute contamination croisée», précise-t-elle.
Sa production se fait chez elle, à Pierreville, ainsi qu’à Baie-du-Febvre, où elle a accès à trois grands champs grâce à la collaboration d’un agriculteur, FDR, qui l’autorise à cultiver sur des parcelles inutilisées. Puisque cet agriculteur fait de la grande culture, ses activités ne nuisent pas à celles d’Audrey, et vice-versa.
Du maïs original
Cette collaboration avec FDR a mené à un projet innovant l’été dernier : la production, sur une acre, d’un maïs rose, une variété ancestrale qu’Audrey a découverte lors d’un échange de semences avec un semencier de l’Ouest canadien. La production a été si abondante (un douze roues d’épis et une tonne de grains) qu’ils ont décidé de la mettre en marché sous la forme de grains à éclater. Ils ont nommé leur produit Rose Pop. «Ça donne un popcorn blanc comme une feuille de papier et au goût de noisettes», décrit Audrey.
Il sera d’ailleurs possible d’y goûter et de se le procurer lors de la Fête des semences de Nicolet, le 1er février; un événement qu’Audrey a contribué à relancer après quelques années d’absence.
L’édition de cette année se déroulera à l’école secondaire Jean-Nicolet de 10 h à 16h. Une douzaine de semenciers seront sur place, accompagnés de divers exposants. Trois conférenciers prendront la parole : Serge Fortier (horticulteur) à 10 h 30, Yves Gagnon (semencier de longue date) à 11 h 30 et François Lamontagne (horticulteur-semencier) à 13 h 30. Des ateliers de compostage complètent la programmation (l’entrée est gratuite).
Une passionnée impliquée
Outre son travail de semencière, Audrey s’investit activement dans la communauté agricole. Elle siège notamment au conseil d’administration de l’Union des producteurs agricoles du Centre-du-Québec et donne des conférences un peu partout pour partager son expertise et sa passion pour les semences.
Bien qu’elle ne vive pas encore entièrement de sa production, ses efforts commencent à porter leurs fruits. Les Jardins la brouette se font de plus en plus connaître. La réputation de son entreprise dépasse maintenant les frontières du Québec. L’été dernier, elle a passé trois semaines en France dans le cadre d’un échange international où elle a eu l’occasion de visiter plusieurs semenciers et récemment, elle a conclu une entente avec une entreprise de l’étranger pour laquelle elle reproduit des semences spécifiques.
La semencière souhaite étendre la présence de son entreprise en centres jardin, elle qui propose principalement ses produits lors de foires et via son site web.
L’innovation au cœur de son travail
En plus de toutes ces implications, Audrey Fontaine a également développé un partenariat avec l’organisation Sème l’Avenir. C’est dans le cadre de celui-ci qu’elle travaille à la création d’une nouvelle carotte qui, une fois à terme, sera colorée, très résistante et 100% québécoise ; une odyssée qui devrait culminer après au moins vingt ans de labeur…
Cet ambitieux projet découle d’un croisement entre diverses anciennes variétés de carottes réalisé par des chercheurs de l’Université du Wisconsin à Madison. «C’est ce qu’on appelle un pool génétique. La semence que nous avons reçue renferme de nombreux gènes provenant de plusieurs variétés de carottes. Il est impossible de prédire ce qui en ressortira exactement. Ce n’est qu’à la récolte, à l’automne, qu’on peut observer le résultat : les couleurs, les formes, les tailles… C’est à ce moment-là qu’il faut choisir ce qu’on souhaite reproduire et stabiliser. Cela demande des années de sélection», explique Audrey.
Ce genre de défi la stimule au plus haut point. Faut-il s’étonner, dans ce contexte, qu’elle s’apprête à mettre en marché une nouvelle variété de brocoli, fruit de neuf années de développement? Ce sera sa deuxième création en carrière, après une tomate baptisée La financière agricole, un clin d’œil, ou plutôt un pied de nez, à cette institution (les explications sont fournies sur le sachet de semences).
Engagement et audace : voilà qui résume bien la démarche d’Audrey Fontaine.