Fidel Castro, un «grand chef d’État… qui a commis des erreurs»

Résidant à Cuba depuis près de 20 ans, Marcel Fréchette ne pleure pas la disparition de Fidel Castro… comme il ne l’avait pas fait au moment du décès des anciens premiers ministres René Lévesque et Jacques Parizeau, les deux plus grands à son avis. «Je n’ai jamais été du genre à déifier les gens. Fidel a été un grand homme d’État, mais comme tous les politiciens, il a commis des erreurs», dit M. Fréchette.

Il n’hésite pas à parler de l’ex-président cubain comme d’un dictateur, «un dictateur fort», avançant même que «ça en prend un peu», en Amérique Latine. «Mais il n’a pas été un dictateur comme en Haïti, qui s’en est mis plein les poches.»

Le peuple cubain doit beaucoup à Castro, poursuit l’ex-professeur d’histoire au cégep de Victoriaville.

«C’était un bonhomme très intelligent, capable de discourir pendant des heures, sans papiers. Il était très documenté. Il a compris que ventre affamé n’a pas d’oreilles. Sa première réforme touchait l’agriculture, stimulant la possibilité de produire. Ses autres réformes ont révolutionné l’éducation; il ne voulait pas que les gens le suivent parce qu’ils sont d’accord, pas seulement parce qu’ils sont des suiveux. Enfin, il a réformé le système de santé.»

Plus que Le Che (Guevara) qui était un «militaire et un combattant», Fidel Castro était un réformiste, un grand inspirateur pour des pays comme le Mozambique et l’Angola, les aidant à gagner leur indépendance, croit encore M. Fréchette.

«Je suis critique quand je suis à Cuba. Mais quand je suis à l’extérieur, je défends Cuba bec et ongles. Je suis admiratif du peuple cubain qui a su faire des sacrifices pour son indépendance.»

Marcel Fréchette parle peut-être à travers le filtre de ses propres convictions politiques lorsqu’il s’exprime ainsi lui qui, il y a tout juste 40 ans, convoitait la bannière du Parti québécois dans Arthabaska. C’est Jacques Baril qui l’avait alors emporté, M. Fréchette se rangeant comme ardent militant dans le camp du député pendant toute la carrière politique de ce dernier.

Se définissant davantage Cubain que Québécois, Marcel Fréchette ne s’attend pas à ce que la mort de Castro entraîne de grands changements. Même avec l’élection récente de ce grand «analphabète politicien» qu’est Donald Trump.

«Cuba va continuer sa lutte. La première économie de Cuba, ce n’est pas le tourisme comme on a tendance à le penser, mais c’est la santé et des étrangers comme moi qui amènent de l’argent dans le pays.»

Comme il l’avait dit en entrevue en avril dernier à lanouvelle.net (lors d’un de ses séjours à Victo), Marcel Fréchette soutient que les institutions cubaines sont bien établies, de même que les comités de défense de la révolution.

Ce sont les institutions qui font défiler les écoliers à l’occasion des neuf jours de deuil national, soutient-il.

Pendant ces jours de deuil, certains magasins et banques sont fermés. On ne vend pas d’alcool et il est interdit d’en consommer dans les rues. «Au resto hier soir (dimanche), on ne nous en servait pas. Je respecte ces restrictions», dit M. Fréchette, qui a aussi dû troquer les shorts contre des pantalons longs pour marcher dans les rues de Santa Clara où il vit.

Le premier ministre Justin Trudeau aurait finalement décidé de ne pas se rendre aux funérailles de Fidel Castro. «Mais son père, Pierre Elliot, y serait allé», croit Marcel Fréchette. «En voilà un autre qui était exceptionnel comme l’étaient Lévesque et Parizeau. On peut avoir de l’admiration pour des hommes politiques, même si on n’est pas en accord avec eux», admet le Cubain d’adoption de 75 ans.