Fermeture : après le restaurant, au tour du dépanneur

ENTREVUE. Le village de Saint-Valère n’a plus de restaurant, fermé depuis juillet. Et très bientôt, à la fin de septembre, le dépanneur subira le même sort. Après 12 ans de dur labeur, la propriétaire Maryse Gagnon rend les armes devant la difficulté de recruter du personnel et un appui peu convaincant de la communauté. Rencontre avec une femme qui, malgré tout, peut dire aujourd’hui mission accomplie.

Native de Saint-Ferdinand, Maryse Gagnon a longtemps habité à Victoriaville avant de s’établir à Saint-Valère.

À la cafétéria de l’École secondaire Le boisé, elle voyait à la préparation des sous-marins. Puis, un bon jour, avec son conjoint, Maryse souhaite autre chose. Elle est venue bien près d’acquérir la cantine du boulevard des Bois-Francs Sud, près de l’école Saint-Christophe, à Victoriaville.

La vie l’amènera cependant à Saint-Valère où elle avait remarqué la pancarte à vendre du dépanneur. Elle s’y est arrêtée un soir. C’était en février 2004.

Ainsi, les affaires, pour Maryse Gagnon, ont pris leur envol le 11 décembre 2004 dans cette petite localité de quelque 1300 habitants.

À même son dépanneur, la propriétaire installe des tables, dès juin 2005, pour permettre aux intéressés de manger sur place des frites qu’elle préparait, par exemple.

Cette façon de faire a pu se poursuivre jusqu’au 2008, moment où le gouvernement intervient, l’obligeant à choisir entre un dépanneur ou un casse-croûte.

En janvier 2009, un restaurant est aménagé dans une autre partie. Des citoyens lui demandent la possibilité d’offrir des déjeuners tôt le matin dès 6 h. Ce qu’elle a fait. «Mais ceux qui me l’ont demandé ne venaient pas», note-t-elle.

Viendra une demande pour cuisiner lors d’une fête champêtre. «On a fait l’achat d’une roulotte que mon conjoint Marcel Larochelle a transformée en cantine», raconte-t-elle.

Puis arrive, à un certain moment, l’époque des courses. On sollicite sa cantine. Tout a bien marché jusqu’à ce qu’il y ait de l’opposition au sujet de la tenue des courses. «Pourtant, un sondage a révélé que plus de 50% de la population était en faveur», rappelle Maryse Gagnon.

Avec l’arrêt des courses, qui représentaient de bonnes affaires aussi pour le dépanneur, la propriétaire a dû essuyer des pertes financières importantes.

Question de continuer à vivre, Maryse Gagnon a lancé, en période hivernale, un service de buffets.

Des difficultés

Au fil des ans, la difficulté de trouver des employés se fait sentir de plus en plus pour la propriétaire qui s’interroge sur la mentalité de bien des jeunes d’aujourd’hui. «Ils veulent travailler à leurs conditions, avoir congé les soirs et les week-ends», constate-t-elle.

Se retrouvant pratiquement seule, Maryse Gagnon a dû fermer le restaurant au début de juillet. Le dépanneur suivra à la fin de septembre.

La femme d’affaires aurait souhaité aussi un meilleur soutien des résidents et de la Municipalité. «Quelqu’un a même dit qu’un dépanneur ne servait à rien dans un village. Certains estiment que je vends plus cher qu’en ville, mais ce n’est pas moi qui fixe les prix. Pour d’autres, un dépanneur est nécessaire, mais ils n’y viennent pas», déplore-t-elle.

Malgré tout, elle ne restera pas les bras croisés, à ne rien faire. Loin d’être son genre. «Je continuerai à proposer des repas maison, mes pâtés, mes ragoûts et à exploiter mes cantines mobiles», confie-t-elle.

Aucun regret

Larmes aux yeux, l’émotion a étreint Maryse Gagnon lorsqu’on lui a demandé si elle avait des regrets dans toute cette aventure. La réponse n’a pas tardé. «Non, aucun regret, j’ai connu beaucoup de monde», exprime-t-elle.

Émue aussi parce qu’elle aimait bien préparer pour les enfants de l’école d’en face des sacs à surprises (pâtisseries, bonbons). «Peu importe ce que ça coûte, l’important, c’est la joie des enfants. Une mère moins fortunée m’a confié que c’était le seul cadeau de son enfant. Des moments magiques, pour le plaisir.»

Depuis environ deux ans également, Maryse offrait de la poutine aux enfants à la fin de l’année scolaire.

«Des enfants venaient manger au restaurant et me chantaient une chanson», rappelle-t-elle.

Maryse Gagnon aime les gens. Avec les années, elle a su développer certaines complicités. «Des ados que j’ai connus petits me saluent.»

En mettant en vente l’établissement, Maryse Gagnon aimerait qu’il puisse continuer. «J’aimerais que ça continue. Mais on ne doit pas s’attendre à rouler sur l’or. Il faut d’abord aimer les gens», conclut-elle.