Encore beaucoup de cochonneries dans les bacs verts

Difficile à expliquer, mais encore aujourd’hui, après plusieurs campagnes de sensibilisation, des citoyens déposent dans leur bac vert de recyclage toutes sortes de détritus, d’objets et même des animaux.

Des restes d’animaux, comme des pattes de chevreuils, des pneus, une scie à chaînes, des cordes à linge, et quoi encore, se retrouvent sur la ligne de tri.

Sans compter des articles qui exposent les trieurs à un grand danger, comme des réservoirs de propane, des produits chimiques, des câbles électriques, des armes à feu, un sabre également. Dans le passé, la découverte d’une grenade avait nécessité l’évacuation du centre de tri. « Cette année, une employée a dû se rendre à l’hôpital, un extincteur s’étant retrouvé dans le bac de recyclage, puis dans nos machines. Il s’est déclenché et l’employée a reçu la poudre au visage. Elle a été conduite d’urgence à HDA et s’en est bien tirée heureusement », indique l’ingénieur Marc-Olivier Gingras, directeur de production au centre de tri de la rue de la Bulstrode.

Il y a quelques années, une employée a eu un bout de doigt complètement sectionné parce que la corde à linge s’était enroulée autour d’une machine. « Oui, une corde à linge contient de l’acier et peut être récupérée, mais non pas dans le bac à recyclage. Non seulement ça peut blesser les gens, mais nos machines peuvent aussi être endommagées, note le directeur de production.

Outre les objets dangereux, dit-il, il y a toute la matière qui ne devrait pas se retrouver au centre de tri, comme des animaux morts, des ordures ménagères, des couches, des vêtements, des batteries, des restants de table et même des arbres. « Ça vient contaminer notre matière. Quand elle arrive, on a un ordre de priorisation, explique-t-il. On enlève ce qui est dangereux. Plus il y a de contaminants, plus on risque qu’il y en ait à la fin. » 

La situation étonne, mais elle s’explique difficilement. « Comment l’expliquer? Je ne sais pas. Est-ce un manque de sensibilisation? Ou bien les citoyens ignorent quel chemin prend la matière après le dépôt dans le bac », ose avancer Marc-Olivier Gingras.

Ce qu’il faut savoir

Il est bon de rappeler qu’il existe des outils qui permettent d’effectuer un bon tri à domicile, dont l’application Gestrio.

Recyc Québec a également conçu l’application mobile Ça va où? pour accompagner les citoyens dans le tri de plus de 800 produits de consommation régulière.

Et puis, souligne Marc-Olivier Gingras, il y a deux questions à se poser au sujet des articles à disposer dans le bac vert. « S’agit-il d’un contenant, d’un emballage ou d’un imprimé. Si on répond non, ça ne va pas dans le bac de recyclage, même si ça peut être recyclé, précise-t-il. Comme une corde à linge, par exemple, c’est recyclable à cause de l’acier, mais ça ne va pas dans le bac. Il faut en disposer à l’écocentre où on va le recycler adéquatement. Même chose avec les électroménagers et les grille-pains, notamment. »

Et la deuxième question à répondre : est-ce constitué de matières acceptées au centre de tri, à savoir le papier, le carton, le plastique, le verre et le métal?

Un mixte de matière peut mener à une certaine contamination. « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au centre de tri, on sépare en catégorie. S’il y a, par exemple un mixte acier plastique avec une plus grande proportion d’acier, cela se retrouvera dans l’acier qui pourra cependant être contaminé par le plastique », souligne M. Gingras.

Il cite l’exemple d’un jouet pour enfant avec des vis. Le jouet prendra le chemin des déchets, même s’il est composé en grande partie de plastique. C’est que les vis peuvent briser les machines des recycleurs. 

Autre exemple les sièges d’auto pour bébés. « Nous les récupérons, mais ils ne doivent pas se retrouver dans le bac vert et au centre de tri. À l’écocentre, une personne les démontera, enlèvera tout le tissu et l’acier et on pourra ensuite recycler le plastique », indique le directeur de production. 

Le citoyen

Il revient à chacun d’agir en bon citoyen, de disposer adéquatement (au bon endroit) les matières résiduelles. Il en va de la sécurité des travailleurs, de la qualité de leur lieu de travail, mais aussi de l’augmentation du volume des matières détournées du site d’enfouissement. Car l’enfouissement a un coût pour tous.

Débouchés

Une matière bien triée et adéquatement disposée trouvera un débouché. Actuellement, il n’y a aucune problématique à ce chapitre. « On travaille toujours fort pour trouver des repreneurs, mais on ne connaît aucun problème. La seule problématique qu’on vit, c’est pour les plastiques souples, les sacs. Sinon, on a aucune problématique à écouler notre matière. On ne reste pas pris avec des ballots de matières triées », confie-t-il.

Toutes les matières, donc, trouvent une avenue, à l’exception des pellicules plastiques, les sacs. Certains centres de tri les acceptent, d’autres non. « Ce qu’on fait en l’absence de débouchés, on examine ce qu’on peut faire avec des compagnies. On regarde avec une compagnie pour les accepter, car cette matière (en 2018) allait à 100% à l’exportation. On regarde pour des débouchés », fait savoir le directeur de production.

Et pour savoir si le sac est récupérable, informe-t-il, il faut qu’il s’étire. Les sacs ne sont pas tous récupérables. « Il faut que le plastique souple soit en mesure de s’étirer. Le débouché du plastique souple vient aussi avec la qualité en tenant compte de la contamination à l’intérieur », fait-il remarquer.

De plus, avec l’important projet de modernisation récemment réalisé, les employés du centre de tri (entre 30 et 35), réussissent à traiter 100% de la matière reçue sur un seul quart de travail quotidien. Les trieurs travaillent de jour en semaine et terminent le vendredi à midi. « Ce projet de modernisation était nécessaire pour une meilleure qualité de produit et un meilleur environnement de travail », fait valoir Marc-Olivier Gingras.

Recycler, ça vaut le coup!

On l’a vu, il vaut la peine de prendre le temps de recycler puisqu’il existe des débouchés pour tous les types de matière.

Encore faut-il bien le faire pour améliorer aussi l’environnement de travail et la sécurité des employés. Beaucoup de chemin reste à faire. Récemment, des courroies de déménagements ont causé un bris de machine. « Cela a généré une perte de production de deux heures, sans compter les coûts de réparation, expose le directeur de production. Notre objectif est de s’assurer que le centre de tri fonctionne adéquatement pour éviter des coûts trop importants aux citoyens. Quand on fait des soumissions, on considère qu’on roule 85% du temps, qu’on a un certain taux de production à l’heure. Si le taux augmente, le coût diminuera. Si la qualité de tri est meilleure s’ouvrent des débouchés. Les recycleurs s’y intéresseront. »

Une visite au centre de tri, jeudi, a permis la rencontre de certains trieurs qui, justement, ont trouvé, le matin même, un chat mort sur la ligne de tri. « On retrouve aussi des poulets, dit une trieuse. C’est ce qui est le plus malodorant. »

Ils en ont vu de toutes les couleurs dans leur travail, une taure, des cochons aussi. Mais au niveau sécuritaire, ils n’apprécient pas voir des cordes à linge. La dame, qui perdu un bout de doigt, se considère chanceuse, car elle aurait pu perdre sa main. « Ils sont bons, je suis pas mal fier d’eux », a commenté Marc-Olivier Gingras.

Le recyclage, rappelle-t-il, part du citoyen et de ses habitudes. On le constate, bien des habitudes, chez certains du moins, restent à changer dans le bon sens. « Il y a encore énormément de sensibilisation à faire. Les gens, je crois, ne savent pas où vont les matières. Ils vont le trier eux, se disent-ils peut-être », conclut-il.