Des nouveaux amis pour le papillon monarque
À Victoriaville, il y a déjà depuis quelques années des espaces dédiés aux papillons monarques où pousse l’asclépiade dont ils dépendent pour survivre. Depuis quelques jours, c’est une rue entière, celle de Yolaine Rousseau, qui s’affiche ouvertement comme étant amie de cette espèce de papillon.
Rencontrée dans la zone de conservation du papillon monarque en milieu urbain (environ 330 mètres carrés), située au parc Ginette-Genois qu’elle entretient avec cœur depuis son installation en 2020, Yolaine Rousseau explique les différentes démarches qu’elle a entreprises afin de protéger ce papillon et, par le fait même, la biodiversité.
Dans cette zone, elle a installé au départ 120 plants d’asclépiade commune (celle qu’on retrouve aux abords des routes). « Elle contient un latex que la chenille du papillon monarque consomme, ce qui la rend toxique pour bon nombre de prédateurs », explique-t-elle. Par le fait même, le papillon monarque, lorsqu’il émerge de sa chrysalide, est aussi toxique. C’est aussi sur cette feuille exclusivement que les femelles monarques iront pondre et qui servira ensuite à nourrir la chenille. D’où l’importance de conserver les plants.
« Ce n’est pas du tout une mauvaise herbe. Il y a en fait 70 espèces en Amérique du Nord, et 4 au Québec », ajoute-t-elle. Les plants ont fait des petits et sont, en date du 19 juillet, au nombre de 455 dans la zone en question, ce qui attire plusieurs insectes en bonus. « Donc quand on aide le papillon monarque, on aide toute une biodiversité », apprécie-t-elle. Yolaine a ajouté à sa zone des échinacées, de l’asclépiade incarnate et la tuberosa (reconnue comme menacée) et d’autres espèces pour assurer une variété et attirer différentes espèces.
D’autres espaces, au mont Arthabaska, au Jardin des Rendez-vous, au Boisé-des-Frères-du-Sacré-Cœur, comme explique la passionnée du monarque, sont également protégés, exemptés de coupe pour préserver l’asclépiade qui s’y trouve. « Il faut que les plants soient relativement dégagés. C’est ce qui attire les femelles », explique-t-elle.
Une rue
La scientifique de formation et enseignante retraitée parle également avec ardeur de sa rue, Lucille-Lesieur, qui arbore désormais à ses deux extrémités une belle grande affiche « Rue amie des monarques ». Elle ajoute à cela ses résidents, dont plusieurs ont ajouté un plant d’asclépiades à leur aménagement paysager et installé l’affichette prouvant qu’ils font véritablement un petit, mais ô combien important geste pour aider l’espèce qu’on retrouve dans la région et à Victoriaville.
Cela est sans compter tous les aménagements de platebandes qu’elle fait bénévolement ici est là afin de sauver ces papillons qui seraient autrement en danger. D’ailleurs, elle a montré, avec fierté, un aménagement fait chez une amie, tout près de là où une femelle monarque a déjà pondu un œuf. Elle est également parvenue à sauver des plants, situés sur le Parc linéaire avec des zones de contournement, qu’elle a clôturés et qui sont ainsi épargnés d’une tonte fatale. Il est également dans ses plans, pour les prochains mois, de tenter de faire caractériser, comme amie du monarque, une école de Victoriaville.
Yolaine se fait également un devoir de sauver, autant que possible, ces papillons en recueillant les œufs menacés et en s’assurant, en les déposant dans un lieu sûr se rapprochant le plus de leur environnement naturel (sa maison à papillons), qu’ils arrivent à terme, deviennent une chenille, une chrysalide et finalement un papillon monarque. « Le boulevard Industriel est une manne pour les œufs, mais la débroussailleuse passe régulièrement », déplore-t-elle. Malgré tout, annuellement, elle arrive à en sauver environ 500 ce qui n’est pas négligeable. « J’ai aussi formé des bénévoles qui font la même chose et ensemble, c’est un millier de papillons monarques que nous aidons », ajoute-t-elle en rappelant que cette espèce migre chaque année vers le Mexique où des colonies passent l’hiver en hibernation avant que la descendance reprenne les airs pour revenir au Québec et en Ontario où elle viendra recommencer un cycle.
La biodiversité
Mais Yolaine, comme elle le confie, se sert du papillon monarque afin de sensibiliser à la biodiversité et tous les systèmes complexes dont elle est formée, chaque maillon étant essentiel à la survie les autres.
C’est une femme qui est dans l’action et veut, par une multitude de petits gestes, améliorer la situation. Elle ne manque jamais d’aller solliciter la Ville de Victoriaville avec qui elle a une belle collaboration et qui vient l’appuyer dans cette importante démarche. La Victoriavilloise propose aussi régulièrement des conférences sur le sujet, très vivantes et concrètes. Elle a eu l’occasion, depuis 2020, de le faire dans des parcs, des écoles, des événements.
La scientifique rappelle que les humains, bien qu’ils représentent 0,01% de tous les êtres vivants, sont responsables de la disparition de 85% des mammifères terrestres, de 80% des marins ainsi que de 50% de la flore. « Et on a aussi contribué à faire disparaitre 46% des butineurs », ajoute-t-elle. Cela ajoute à l’importance de sensibiliser, comme le fait Mme Rousseau, à la biodiversité.
Et tant qu’à être dans les chiffres, elle mentionne que sans l’intervention humaine (tonte, arrachage, piétinage de l’asclépiade), un œuf de monarque a environ 10% de chances (à cause de la maladie ou de la prédation) de devenir un papillon. « La femelle va pondre à peu près 400 œufs (un œuf par plant). Lorsqu’on ajoute le facteur humain, le 10% passe à moins de 1% », fait-elle savoir.
Une expertise reconnue
Si à Victoriaville elle est de plus en plus connue pour ses actions pour protéger les papillons monarques, son expertise est aussi reconnue à l’extérieur. En effet, lors de l’entrevue, elle se préparait à aller au Jardin botanique de Montréal afin d’offrir une conférence sur le sujet. On a aussi fait appel à ses connaissances pour la réalisation d’un film d’animation, « La légende du papillon », qui sortira au Québec le 13 octobre. « Ce film sera intemporel et il viendra avec un guide pédagogique », annonce-t-elle en indiquant qu’il raconte les défis des monarques pour se rendre au Mexique chaque année.
Yolaine Rousseau est également membre active de l’Association des Entomologistes amateurs du Québec et est la référence pour ce qui concerne le monarque. Elle profite de toutes les occasions pour sensibiliser à l’importance de préserver ce papillon tout en mettant en place des actions pour y parvenir.
Pour en apprendre davantage sur le monarque, il suffit de visiter sa page Web au www.pasyoscience.com.