Courir pour la vie… et pour se délivrer

VICTORIAVILLE. Line Vincent de Sainte-Clotilde-de-Horton et Kevin Martineau ont beaucoup de choses en commun. L’une pleure sa fille unique, Roxanne Poyet-Vincent qui, à 20 ans, s’est suicidée en octobre 2013. Kevin a perdu son père, Marc Martineau, qui s’est aussi enlevé la vie, le 18 août 2014. Et les deux, chacun de son côté, ont décidé de participer au mouvement Courir pour la vie, lequel vise la prévention du suicide.

Line Vincent dira qu’elle court pour se faire du bien, inspirer les autres, se délivrer de sa peine et inciter à parler de souffrance morale et de suicide.

Kevin Martineau tient à peu près le même discours, lui qui voit dans l’activité physique un moyen de passer au travers de l’épreuve qu’a été la mort de son père, mais aussi de toutes celles qui peuvent se présenter dans la vie. L’entraînement intensif auquel il s’adonne ces temps-ci lui procure bien-être physique et mental.

Avec son frère Scott Martineau et son oncle Luc Bernier, il s’apprête à relever un énorme défi, celui de courir 70 kilomètres en quatre jours sur la Grande Muraille de Chine. Il part le 8 mai et revient le 17.

L’équipe Martineau a déjà amassé plus de 10 000 $ pour l’organisme Courir pour la vie, l’objectif de 7500 $ étant ainsi dépassé. Les gens de Cascades Conversion où Kevin travaille ont manifesté leur solidarité en versant 3100 $. L’argent amassé par les participants lors de cette course sera redistribué aux centres de prévention du suicide.

De son côté, Line Vincent en est à sa deuxième participation à une des activités de Courir pour la vie, la course de Lévis. La prochaine s’organise pour le 30 août.

L’an dernier, elle avait commencé à s’entraîner en avril pour réaliser son premier demi-marathon quatre mois plus tard, amassant à elle seule près de 2400 $ pour le Centre de prévention suicide Arthabaska-Érable. Cette année, elle vise personnellement amasser tout autant, s’entourant cette fois d’une équipe de huit ou neuf coureurs.

Mme Vincent dit que le bien-être, le soutien des autres et la cause la font courir. Elle sait que le seul fait pour des gens d’entendre le mot suicide donne des frissons. Elle interpelle tout autant les endeuillés que ceux qui ont des idées suicidaires. «En nous voyant, elles comprennent les incidences que pourrait avoir leur suicide sur leur entourage.»

Le suicide touche tout le monde, poursuit-elle. Des gens de tout âge, de toute classe sociale. «Il n’y a pas de «recette». On entend dire que ceux qui en parlent ne se suicident pas et que ceux qui n’en parlent pas passent à l’acte.»

Personne ne se serait douté que Roxanne en vienne à s’enlever la vie. «Ça a été comme un coup de tête!» Le contexte était fort différent pour Marc Martineau, raconte son fils. «Il y a longtemps qu’il était malade. Il a consulté beaucoup, il avait le goût de se battre.»

Dans l’un et l’autre cas, Mme Vincent et M. Martineau disent qu’il faut rester «proches», attentifs aux signaux de détresse, inciter ses proches à s’ouvrir, à demander de l’aide, à s’adresser à des ressources appropriées.

«Le suicide reste tabou. La souffrance psychologique, on la cache encore. Il est important d’en parler, de ne pas se sentir gêné ou honteux», dit Catherine Coutel, directrice générale du Centre de prévention suicide Arthabaska-Érable.

Elle ajoute que des gens comme Line Vincent et Kevin Martineau qui parlent et s’engagent incitent les personnes fragilisées à s’ouvrir, à leurs proches d’apprendre à détecter les signaux avant-coureurs, aux personnes endeuillées par suicide à sortir de leur isolement.

D’en parler prévient, puisque, dit-elle, en un an, le nombre d’appels à l’aide au Centre de prévention suicide a augmenté de 130%… et le nombre de suicides aurait régressé de 50% sur le territoire des MRC d’Arthabaska et de L’Érable.

On peut obtenir plus d’informations et faire un don pour la participation de Line Vincent ou celle de l’Équipe Martineau au mouvement Courir pour la vie (https://courirpourlavie.ca/).