Alain Rayes ne sera pas candidat à la prochaine élection

Après 15 ans de vie politique active, le député indépendant de Richmond-Arthabaska, Alain Rayes, a décidé de tourner la page. Il terminera le mandat que lui ont confié les électeurs de sa circonscription, mais il ne se représentera pas à la prochaine élection fédérale.

Attablé à la Place Sainte-Victoire, près de la Vélogare au centre-ville de Victoriaville, et non loin de son bureau de la rue de la Gare, l’homme politique a fait le point sur son avenir avec le www.lanouvelle.net.

Sa décision survient après mûre réflexion et discussions avec les membres de sa famille et ses proches. « J’ai décidé de passer à autre chose au niveau professionnel, de tourner la page pour un nouveau défi », confie-t-il, sans savoir, à ce moment-ci, ce que lui réserve l’avenir.

Chose certaine, cependant, Alain Rayes a toujours le goût et la passion de servir les gens. « De quelle façon pourrais-je le faire? Est-ce que ce sera professionnellement ou bénévolement? Je sais que je vais continuer à m’impliquer. »

Le député a le sentiment d’avoir fait le tour du jardin. « J’ai essayé de faire du mieux que j’ai pu en fonction de mes valeurs, de mes convictions politiques », exprime-t-il.

Et puis, la façon actuelle de faire de la politique le laisse plutôt songeur. « En ce moment, je ne me reconnais plus dans la façon que la politique se fait. J’ai toujours voulu la faire de façon constructive, positive et rassembleuse, dit-il. Et présentement, il y a comme un vide au niveau fédéral dans lequel je ne me retrouve plus. »

Le représentant de Richmond-Arthabaska ne cache pas son inquiétude face à la politique qui se fait « à coup de clics pour répondre aux réseaux sociaux, une politique basée sur des sondages qui ciblent des groupes plutôt que de travailler pour l’ensemble de la population ».

Les questions environnementales le préoccupent aussi grandement. « J’ai tenté au sein du Parti conservateur, rappelle-t-il, d’amener ce volet. Quand je regarde ce qui se passe en ce moment du côté de tous les partis politiques qui ont une chance de gouverner, avec tout ce qui s’est passé cet été, il y a encore beaucoup d’inquiétudes chez les gens. Je pense qu’il faudra un coup de barre et je ne sens pas encore leur volonté à le faire. »

Offres refusées

Depuis qu’il a claqué la porte du Parti conservateur il y a tout près d’un an, Alain Rayes a reçu des offres de différentes formations politiques, mais il les a toutes déclinées. « Parce que je voulais que ma réflexion se fasse sereinement. Finalement, oui, j’ai le sentiment d’avoir fait le tour du jardin, mais j’ai surtout le goût de faire autre chose. Je suis encore jeune, j’ai le goût de m’impliquer, de travailler, que ce soit dans les médias, dans la fonction publique ou dans le secteur privé. J’analyserai les options qui seront devant moi », souligne-t-il.

Le député Rayes assure qu’il ne quitte pas la vie politique avec un sentiment négatif ou en colère. « Les gens ont été extraordinaires avec moi au cours des 15 dernières années. J’ai eu le droit à mon lot de commentaires positifs et négatifs, mais au final, j’ai le goût de faire autre chose et de partir au bon moment. »

S’il a choisi de faire connaître sa décision maintenant, c’est qu’il souhaite que les candidats et candidates intéressés à lui succéder puissent avoir le temps de se préparer adéquatement. « Ça prend des gens passionnés, qui en ont envie, des gens travaillants. J’aimerais que ma région, que mes 39 municipalités aient accès à un député ou une députée de qualité », souhaite-t-il.

La famille d’Alain Rayes a réagi avec un certain soulagement à sa décision, d’autant que les dernières années ont été plutôt éprouvantes, particulièrement la dernière marquée par la course à la chefferie.

En se retirant, le député disposera de plus de temps avec ses proches. « Les gens ne le savent peut-être pas, mais on passe beaucoup de temps à l’extérieur de la maison. La moitié de l’année, je la passe à Ottawa. Je serai donc plus disponible les soirs et les fins de semaine. Je pense que ce sera plus agréable pour le couple, la famille, les amis », note-t-il.

Porte fermée?

Reverra-t-on, un jour, Alain Rayes en politique active? Pour le moment, du moins, il ferme la porte complètement. « Je ne quitte pas comme certains pourraient le penser avec l’intention de faire le saut au provincial, assure-t-il. On m’a interpellé, mon nom a circulé, mais je n’ai pas d’intérêt pour la politique active. Je me retire pour faire autre chose. Cela dit, c’est difficile d’enlever la politique de quelqu’un quand on aime ça, quand on aime servir les gens, quand on aime être au public.

Je ne connais pas l’avenir, mais à court et moyen terme, il est clair qu’un retour en politique active est exclu. »

Fierté

Parmi ses réalisations qui le rendent le plus fier, Alain Rayes rappelle la motion qu’il a fait adopter unanimement, lors de son premier mandat, pour équiper tous les véhicules d’urgence de défibrillateur cardiaque. « Un ami a été sauvé grâce à un tel appareil après un arrêt cardiaque sur la patinoire du Collège Clarétain, appareil qui avait été offert par la Chambre de commerce. À ce moment, alors que j’étais maire de Victoriaville, j’avais lancé un mouvement avec les gens d’affaires et le milieu institutionnel pour doter la Ville d’une multitude de défibrillateurs un peu partout. Et j’ai réussi à porter ce dossier au niveau fédéral. »

Les efforts d’Alain Rayes ont aussi porté fruit pour permettre à la jeune Émy Pruneau de Windsor d’avoir accès à un médicament visant à améliorer son espérance de vie et qui n’était pas autorisé au Canada. « Son état s’est malheureusement détérioré et elle est décédée avant de pouvoir le prendre. C’est un dossier émotif, mais aujourd’hui, des gens, partout au pays, y ont accès. Mon intervention a contribué à débloquer ce dossier », constate le député.

Il y a donc, certes, des dossiers qui font grand bruit, mais Alain Rayes met aussi la lumière sur tous les dossiers gérés au quotidien par son équipe en lien, par exemple avec l’assurance-emploi, l’Agence de revenus du Canada ou les régimes de retraite. « On parle de quelque 1500 dossiers qu’on réussit, chaque année, a faire avancer, à débloquer et à régler. Des choses qui ont peut-être l’air anodines, mais ça change vraiment quelque chose dans la vie des gens.

C’est un grand élément de fierté pour mon équipe et moi. Ces petites choses au quotidien nous rappellent pourquoi on fait ce travail », commente-t-il.

La déception

Interrogé sur ses moments les plus difficiles, Alain Rayes répond tout de go la dernière course à la chefferie et son départ du caucus conservateur. « Ça a été très difficile et très émotif. On a le sentiment de délaisser une famille parce que c’était des amis. Pour certains, se désole-t-il, le contact n’a malheureusement encore jamais été rétabli. »

Mais il rappelle qu’il avait fait « un choix personnel en fonction de mes valeurs et de mes convictions, et non en fonction des autres. »

Malgré tout, l’homme, élu pour la première fois aux Communes en octobre 2015, dit n’en vouloir à personne. Il se dit très serein. « Les gens me connaissent comme quelqu’un de positif, de toujours souriant. Je n’ai pas envie de perdre ce côté-là de ma personnalité. C’est une des raisons pour lesquelles il me faut passer à autre chose et partir au bon moment. »

Somme toute, Alain Rayes dresse un portrait global positif de son engagement politique, lui qui a fait ses premiers pas en 2002 sur la scène provinciale au sein de l’Action démocratique du Québec (ADQ). Il avait subi la défaite en 2003 aux mains du libéral Claude Bachand. Il a plus tard dirigé la Ville de Victoriaville comme maire de 2009 à 2015 avant son élection comme député fédéral.

S’il y a un message qu’il souhaite adresser aux jeunes et moins jeunes désireux de s’engager en politique, c’est que l’action peut porter fruit. « On peut faire une différence. Il est faux de penser le contraire. Il y a moyen de changer les choses, même si, parfois, ça peut sembler long. Quelqu’un qui a l’énergie et la passion peut faire sa place et tenter d’améliorer notre société », soutient-il.

À la personne qui lui succédera au prochain scrutin, Alain Rayes, comme meilleur conseil, lui suggère de rester près des gens, d’aller sur le terrain, de sortir du bureau. « Il faut garder les deux pieds bien au sol en contact avec la réalité des gens. Oui, les politiciens doivent avoir une vision à court terme et régler des problèmes comme l’inflation et le coût de la vie. Mais d’avoir des politiciens ayant une vision à moyen et long terme sur des enjeux de société, ça ferait du bien de sentir cela un peu plus pour redonner confiance à la population », fait-il valoir.

Bien sûr, Alain Rayes aurait aimé goûter au pouvoir. Mais, depuis 30 ans, aucun député de Richmond-Arthabaska, fait-il remarquer, n’a eu ce privilège et la région n’a pas été désavantagée pour autant. Son deuil du pouvoir, il l’a fait l’an dernier en quittant les conservateurs. « Honnêtement, je suis ailleurs, je me suis reconnecté sur la raison d’être de mon engagement politique : travailler pour les gens, être près d’eux. Et c’est ce que j’ai tenté de faire du mieux que j’ai pu jusqu’à la fin », conclut-il.