À deux pour «piquer» le candidat libéral

Et si, messieurs les candidats à l’élection partielle, vous aviez droit de répliquer à l’un ou l’autre de vos adversaires… que leur diriez-vous?

Le candidat libéral Luc Dastous s’agacerait que brusquement l’agriculture soit devenue la «saveur du mois» pour la Coalition avenir Québec qui n’en parle jamais, selon lui. Et il répéterait, comme il l’a fait la semaine dernière, que les chiffres et la CAQ ne font pas bon ménage, évoquant plus précisément ceux liés au Programme de remboursement des taxes foncières pour les agriculteurs.

Appuyé par Sabrina Caron, productrice de Laurierville et administratrice à la Fédération de la relève agricole, le candidat caquiste Éric Lefebvre répliquerait au candidat libéral qu’il est faux de prétendre que seulement 1% des producteurs agricoles se confronteront à des augmentations de plus de 30% de leur facture de taxes à la suite des changements qu’a apportés le gouvernement libéral à ce Programme. Régler le dossier cas par cas, comme l’a déclaré le ministre Paradis à Victoriaville la veille, c’est inacceptable, ajoute Éric Lefebvre.

«Et puis, les agriculteurs me le disent, le ministre Paradis est absent», affirme M. Lefebvre, ajoutant qu’on attend toujours le registre des ventes des terres agricoles, un registre promis pour octobre et qui permettrait de surveiller les transactions afin de contrer l’accaparement des terres.

Quant au candidat péquiste Jacques Daigle, il reproche à l’un et l’autre des deux partis de s’inscrire dans une logique de libre marché, de ne pas envisager de politique agroalimentaire favorisant la souveraineté alimentaire du Québec. «Ils sont d’accord avec les ententes de libre marché alors que les producteurs sont soumis à des règles et des conditions qui ne leur permettent pas de rivaliser avec ceux des autres pays.»

Un débat peu couru

Organisé par le Syndicat de la relève agricole du Centre-du-Québec à l’amphithéâtre du cégep de Victoriaville, le débat n’a pas attiré un large public. Il n’offrait pas non plus aux candidats la possibilité d’échanger entre eux et de se donner la réplique.

Quatre candidats avaient été invités, mais trois seulement se sont présentés, Sarah Beaudoin de Québec solidaire n’y a pas participé, invoquant un «empêchement scolaire».

Dans la salle, outre les organisateurs des candidats Daigle, Dastous et Lefebvre, se trouvaient des gens du Syndicat, l’ex-député Jacques Baril et quelques journalistes, de Radio-Canada et de la Terre de chez nous, venus entre autres prendre le pouls de la campagne électorale en vue de l’élection partielle dans Arthabaska le 5 décembre.

Les candidats Alex Tyrrel, chef du Parti vert et Guy Morin du Parti conservateur du Québec étaient dans la salle, eux qui auraient bien souhaité se retrouver debout à l’avant plutôt qu’assis derrière. Ni l’un, ni l’autre n’avaient été invités.

L’opposition fait parfois front commun

Quatre questions ont été posées aux trois candidats… et dans certains cas, l’«opposition» a fait front commun contre le porte-bannière du parti au pouvoir. Même que Jacques Daigle a dit qu’était une bonne idée celle d’Éric Lefebvre de réclamer que la circonscription s’appelle Arthabaska-Érable.

À la question portant sur les moyens de faciliter les transferts et le démarrage d’entreprises agricoles, les candidats Daigle et Lefebvre ont tous deux parlé de la création d’un Fonds d’investissement pour la relève. «Je vous fais une annonce nationale» a déclaré le candidat Lefebvre, évoquant ce projet de verser 50 millions $ par année à partir des surplus de la Financière agricole. «On applaudirait le gouvernement s’il retenait cette proposition.»

«Le ministre Paradis a des annonces à faire et je laisse au ministre le soin de le faire», lui a rétorqué Luc Dastous. Il a recensé les mesures libérales devant favoriser le démarrage et le transfert, une augmentation de l’exonération sur le gain de capital, l’augmentation du nombre d’entailles acéricoles pour concurrencer les producteurs américains, l’encouragement à se convertir au bio, ce qui serait plus profitable tant en acériculture qu’en culture cannebergière.

Sur l’épineuse question du remboursement de taxes foncières aux entreprises agricoles, les candidats Lefebvre et Daigle ont aussi soutenu que les producteurs et les municipalités n’avaient pas été consultés. Le candidat péquiste a rencontré un producteur de Lyster qui aurait une facture de 8000 $ de plus à payer.

«Les libéraux sont déconnectés de la réalité», a ajouté Éric Lefebvre. Quand il a appelé le ministre Paradis, ce dernier s’est empressé de venir dans Arthabaska, a souligné le candidat Dastous, voulant démontrer qu’il avait ses entrées au gouvernement, lui qui y a travaillé pendant un an.

Concernant le registre des transactions de terres agricoles – qui sera produit en janvier, a-t-il précisé – le candidat libéral a tempéré les ardeurs de ses adversaires en disant que 95% des ventes se faisaient d’agriculteur à agriculteur. Il a dit qu’on avait bien entendu parler d’un Chinois qui avait acheté une terre en Abitibi, mais après vérifications, il s’agissait d’une personne habitant dans la région depuis 13 ou 15 ans. «Était-ce un Chinois québécois ou un Québécois chinois?», a-t-il ironisé.  

À la question portant sur l’aide que le futur député pourrait apporter aux producteurs d’Arthabaska, le candidat Daigle a soutenu que c’est sous l’ère péquiste que s’est diversifiée l’agriculture québécoise, partant du zonage agricole et que sa politique de souveraineté alimentaire avait été jetée à la poubelle par le gouvernement libéral. «Il n’est pas normal que nos hôpitaux, nos institutions d’enseignement s’approvisionnent ailleurs que chez nos producteurs québécois.» Avec un «libre marché exacerbé, on vous met en danger, on brise la structure économique du Québec. Si vous étiez Bombardier, on vous regarderait. Vous êtes la sécurité du Québec et au PQ, on vous considère.»

Le candidat Luc Dastous a fait tiquer son adversaire péquiste disant que la politique du PQ avait été élaborée sur un «coin de table» et que le «meilleur ministre de l’Agriculture, le péquiste Jean Garon», en avait parlé comme d’une politique de «colonisation». Une politique libérale sera adoptée en 2017, a-t-il ajouté, laquelle fera l’objet d’une consultation non seulement des producteurs, mais aussi des distributeurs et des consommateurs. Il s’est par ailleurs lui-même engagé, élu le 5 décembre, à proposer un programme de rénovation écoresponsable. Après le 5 décembre, le gouvernement libéral sera toujours au pouvoir, a-t-il rappelé.

Éric Lefebvre dit qu’il faut l’élire pour défendre les agriculteurs, questionner le Parti libéral sur ses mesures «inacceptables» et il dit s’inspirer de la porte-parole de la CAQ, Sylvie D’Amours, elle-même agricultrice et qui soutient que l’agriculture n’est pas une dépense, mais un investissement.