«200 000 $, pas trop cher payé» pour sauver le Grand Union
À bâtiment exceptionnel, traitement exceptionnel, soutiennent la conseillère municipale France Auger et l’agente de développement du patrimoine de la Ville de Victoriaville Mélanie Pinard parlant du gros chantier de restauration du Grand Union. «Une contribution municipale de 200 000 $, ce n’est pas trop cher payé pour sauver le bâtiment patrimonial. Parce qu’il s’agissait vraiment de cela!», affirme Mme Auger.
Encore cette semaine, des voix se sont élevées, certaines outrées, devant les travaux de démolition de l’aile arrière du bâtiment.
Il y a ceux qui s’inquiètent de l’allure qu’aura l’hôtel centenaire. Il y a ceux qui patientent. Il y a ceux qui grognent contre la Ville lui reprochant d’appliquer une politique du «deux poids deux mesures», même de verser une contribution municipale à des hommes d’affaires plus fortunés, les copropriétaires Guy Aubert et Max Sévégny.
Et il y a enfin ceux qui auraient opté pour que le bulldozer fasse disparaître complètement l’ancien hôtel.
Présidente du comité du patrimoine de la Ville, la conseillère rappelle qu’à l’occasion de deux consultations publiques, l’une pour l’élaboration de la politique sur le patrimoine, l’autre pour le projet de revitalisation du centre-ville, plusieurs citoyens avaient revendiqué la préservation du Grand Union.
«On pourrait dire que ce bâtiment est mythique. Il n’est pas le plus vieux, mais par son emplacement rue de la Gare, son envergure, son histoire, il représente Victoriaville. La Ville est née autour de cet immeuble. C’est pour toutes ces raisons qu’il y a une grande sensibilité à l’égard de ce bâtiment», souligne Mélanie Pinard.
La conseillère précise que la contribution de 200 000 $ (étalée sur deux ans, 2017 et 2018) provient de l’enveloppe dédiée à la restauration patrimoniale. Année après année, cette enveloppe municipale de 200 000 $ soutient des projets de restauration pour tout édifice ayant une valeur patrimoniale. «En proposant que cet argent provienne de «mon» enveloppe du patrimoine, j’ai achevé de convaincre les membres du conseil qui étaient plus ou moins en accord.»
Elle reconnaît que la subvention de 200 000 $ sur deux ans comporte un caractère exceptionnel puisque, habituellement, les propriétaires peuvent obtenir un remboursement de 50% de leur facture de restauration jusqu’à concurrence de 40 000 $. Les travaux subventionnés sont essentiellement ceux rattachés à la restauration. Dans le cas du Grand Union, les travaux soutenus ont été ceux visant ses fondations qu’on a consolidées, le revêtement de brique qu’on a nettoyé, l’ornementation, la réfection de la toiture d’ardoise.
«Oui, dans le cas du Grand Union, nous avons fait une exception, mais il y a du rationnel derrière cette décision, le chantier est d’envergure et nécessite des investissements de plusieurs millions $», souligne Mme Auger.
Mme Pinard renchérit en disant que l’appui municipal a fait une différence pour MM. Aubert et Sévégny et que les subventions ne sont pas données à des gens, mais à une adresse. «Pas certain que les propriétaires se seraient lancés dans cette entreprise de sauvetage s’ils n’avaient pas senti l’appui de la Ville. Le cas du Grand Union est aussi particulier parce que, habituellement, un promoteur achète un édifice en ayant déjà fixé son projet d’occupation. Ce n’était pas le cas pour cet immeuble. C’est, pour ainsi dire, un work in progress, le premier élan de MM. Aubert et Sévégny étant d’abord philanthropique.»
L’allure de l’immeuble
Deux comités municipaux, celui du patrimoine et le Comité consultatif d’urbanisme, examinent les plans de restauration et de rénovation du Grand Union, précise Mélanie Pinard, puisque non seulement parce que le bâtiment est patrimonial, mais parce qu’il est situé en zone PIIA (Plan d’implantation et d’intégration architecturale). Et là encore, il s’agit d’un work in progress, comme dit Mme Pinard.
Parle-t-on de restauration ou de rénovation dans le cas du Grand Union? Fallait-il lui donner son allure d’antan d’origine de 1890 ou le préserver tel qu’on le voyait encore avant la démolition de son aile arrière?
«C’est un mélange de tout cela, répond l’agente de développement du patrimoine. Dans le cas du Grand Union, il n’y a pas de solution unique.»
Elle explique qu’en 120 ans, l’apparence du bâtiment a changé au fil des étapes de son histoire. «L’aile arrière n’existait pas à l’origine – peut-être ajoutée autour des années 1920 -, la marquise non plus d’ailleurs.»
L’objectif, poursuit-elle, c’est de préserver son cachet architectural, les éléments qui le caractérisent, comme sa tourelle, la brique rouge de son revêtement, sa toiture d’ardoise.
Si la Ville a accepté la démolition de l’aile arrière, c’est qu’elle était dans un état de délabrement avancé, qu’à l’intérieur plus rien ne répondait aux normes. «Cette démolition n’enlève rien à l’esthétique architecturale de l’édifice.»
Elle ajoute que le bâtiment est énorme et que d’en refaire l’aile arrière aurait nécessité de trop gros investissements. «Il aurait été irréaliste et non viable de mettre tant d’argent pour rebâtir la section arrière.»
Dans le cas du Grand Union comme dans d’autres projets de rénovation ou de restauration d’un bâtiment patrimonial, Mélanie Pinard explique que les propriétaires ne sont pas tenus de remettre les matériaux d’origine, mais de préserver le cachet patrimonial. «Si un propriétaire souhaite une subvention, il lui faudra des matériaux s’apparentant à ceux d’origine.»
Le Grand Union n’est pas un musée. «On ne pouvait pas le figer dans le temps. L’objectif, c’est que le chantier lui conserve son esprit, qu’il y ait cohérence entre son passé et son avenir, sa nouvelle vie.»