Venus de France, ils adoptent Victoriaville

Par goût d’aventures et de découvertes, Franck Allain et sa conjointe Justine Kersuzan ont tout quitté et tout vendu ce qu’ils possédaient en France pour venir s’établir au Québec avec leurs deux filles, Emmy et Camille. Et des amis français, installés ici, leur ont tellement bien vanté Victoriaville qu’ils y ont fait leur nid.

Franck et Justine connaissaient déjà un peu le Québec. Ils y étaient venus sans les enfants pendant trois semaines en 2016 pour effectuer un « road trip ». « En fait, on a fait le voyage pour confirmer notre désir de venir ici. Ça nous tentait bien, mais nous voulions d’abord découvrir les régions et la culture. Ça nous a bien plu », rappelle Justine Kersuzan. À ce moment, le couple avait notamment visité Montréal, Sherbrooke, Tadoussac, le lac Saint-Jean et le parc de la Mauricie. Victoriaville ne figurait pas à leur itinéraire. Ils expliquent aisément leur envie de quitter la France, la Bretagne qu’ils habitaient. « Nous avions envie de nouvelles expériences, d’aventures et découvertes », souligne Justine.

« Je dirais aussi, renchérit Franck Allain, qu’on avait envie de changer de contexte, de pays, de culture, de mentalité. En France, au niveau de la politique et du travail, c’est différent d’ici. Ce n’est pas du tout la même culture. Je crois que c’est plus compliqué en France. Ici, tout paraît plus simple. »

D’ailleurs, le Breton, qui cumule une expérience d’une vingtaine d’années en informatique, n’a pas tardé à dénicher un boulot chez Vertisoft. « Deux semaines après mon arrivée, j’ai trouvé du boulot, alors qu’en France, il faut se battre pour trouver un travail. C’est compliqué, même si tu as les compétences », note-t-il.

Justine Kersuzan, pour sa part, travaille en santé et n’a pas mis de temps non plus à trouver un emploi à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska. « Je suis préposée aux bénéficiaires. J’ai trouvé assez vite. Par contre, j’ai dû retourner suivre une formation au centre de formation professionnelle Vision 2020 durant un mois et demi pour valider mes compétences », précise-t-elle.

Patience

À la suite de leur « road trip » de 2016, Justine et Franck ont entamé leurs démarches pour déménager au Québec. Mais ils ont dû s’armer de patience. Ils ne s’attendaient pas à ce que cinq années s’écoulent avant qu’ils puissent réaliser leur projet. « Ça faisait quand même cinq ans qu’on attendait le moment du départ. J’en suis venu à penser que ça n’arriverait plus, qu’on n’aurait plus les papiers. Pourtant, on savait que nos boulots étaient très en demande. Mais il faut montrer patte blanche et passer un test pour démontrer qu’on parle français. Ça a pris cinq ans, c’est long. À la fin, on n’y croyait plus », raconte Franck Allain, estimant que les autorités auraient intérêt à accélérer, à améliorer le processus.

Finalement, ils y sont. Ils ont quitté leur village de 3000 habitants en Bretagne avec pour seuls bagages deux valises chacun pour arriver le 20 septembre à Victoriaville. Un choix qui ne relève pas du hasard. « On ne savait pas trop au départ où on allait déposer nos valises, mais on ne voulait pas d’une grande ville, mentionne Franck. On a cependant la chance d’avoir un couple d’amis qui résident ici depuis deux ans. C’est un peu pour ça qu’on a choisi Victoriaville. Ils nous ont vendu la ville en nous la vantant, une ville à taille humaine, familiale. On a donc fait le choix de venir en région. »

Justine fait remarquer qu’ils ont aussi évalué la possibilité de s’installer à Trois-Rivières ou à Sherbrooke. « On voulait un endroit avec un hôpital pour que je puisse travailler. Finalement, Victoriaville, c’était une ville accessible pour nous, ce n’était pas une grosse ville et il y avait du travail, un hôpital. On se disait aussi que, dans une grande ville, cela peut compliquer les choses pour rencontrer des gens », confie-t-elle.

À leur arrivée dans les Bois-Francs, leurs amis français les a beaucoup aidés, leur trouvant un logement et leur prêtant même une voiture. Aujourd’hui, la famille habite sa propre maison et ne regrette aucunement son choix. Le couple et ses deux filles prennent activement part à la vie de la communauté. Ils participent aux activités de Hop la Ville et ils y rencontrent des gens. Ils ont assisté au lancement On sort en ville. À l’automne, ils ont fait la Balade gourmande, découvert les produits du terroir, notamment les produits de l’érable en allant à l’érablière et en dégustant de la tire sur la neige. Ils n’ont pas manqué non plus de se pointer au Festival de l’érable de Plessisville.

Et la poutine, qu’en pensent-ils? Eh bien, ils sont plutôt mitigés. Ce n’est pas l’amour fou. « C’est un peu particulier, ce n’est pas mauvais, mais c’est un plat très gras. Occasionnellement pourquoi pas, mais pas tous les jours », commente Franck Allain. « On préfère les fromages de la Fromagerie du Presbytère de Sainte-Élizabeth-de-Warwick. Ça, c’est des bons fromages », tranche Justine Kersuzan. Ils ont aussi emprunté les sentiers du mont Arthabaska, participé au P’tit Carnaval d’hiver et assisté à plusieurs matchs de hockey des Tigres de Victoriaville. Ils ont vu des spectacles au Carré 150.

Et bien sûr, ils ont goûté aux joies de l’hiver en faisant régulièrement du ski au mont Gleason, même si certains, pourtant, les avaient prévenus des hivers québécois. « Les gens nous prévenaient que ça allait être difficile en hiver. On entend des histoires de Français qui ne supportaient pas l’hiver et qui, découragés, ont fait demi-tour pour retourner. Nous, ça s’est vraiment bien passé. On a hâte au prochain hiver pour reprendre les activités et le ski », dit-il. Avec des pics sous les pieds, ils ont fait l’ascension du mont Ham à la fonte des neiges.

L’éducation

Déménager en changeant de pays n’est pas une mince affaire pour quiconque, en particulier pour des enfants. Mais tout s’est quand même bien déroulé pour Emmy et Camille. « Nous étions contentes de venir, mais aussi un peu tristes de laisser la famille, les copains et l’ancienne école avec tous nos amis », témoigne Emmy. Les deux filles fréquentent l’école primaire Saint-David, Emmy en 5e et Camille en 3e année. L’intégration s’est bien déroulée, selon la plus vieille. « C’était vraiment bien. Les gens nous ont bien accueillies dans l’école et en dehors. C’était vraiment cool, souligne Emmy. Ça a été très facile de se faire des amis. Des filles sont venues vers moi et m’ont montré tout ce qu’il fallait faire. »

« Elles ont bien apprécié le changement, ajoute maman Justine. Ce n’est pas le même système qu’en France. Ici, les enfants vont à l’école toute la semaine avec un programme sur 10 jours. En France, c’est quatre jours de classe par semaine. Elles ont moins de vacances, mais elles sont contentes quand même. »

Emmy poursuit en disant que l’école, oui, est différente, mais elle est aussi moins stressante qu’en France. « Quand on avait des examens, je stressais, le prof nous stressait, alors qu’ici, les profs nous disent de faire de notre mieux, nous encouragent. Ce n’est plus du tout du stress », exprime-t-elle. « En France, fait valoir Franck Allain, l’éducation et sa mentalité sont un peu restées dans le passé. C’est très strict. Il ne faut pas déborder. Les enseignants exercent très tôt une pression sur les enfants alors que ce n’est pas justifié. Ici, c’est plus cool, beaucoup plus détendu, on laisse davantage les enfants s’exprimer. Ce n’est pas la même mentalité. C’est moins rigide. »

Un nouveau chez-soi

« Nous nous sommes tout de suite bien sentis. On se sent bien à l’aise. Je ne me sens pas étranger », affirme Franck Allain en parlant de sa terre d’accueil.

Tant Justine que Franck parlent des gens « accueillants, gentils et bienveillants.

Un voisin, spontanément, a prêté un arrosoir automatique à Franck qui venait de poser sa tourbe. « Beaucoup de personnes nous connaissant à peine nous offraient leur aide. Toujours le cœur sur la main pour aider », constate-t-il.

« En arrivant, la propriétaire, ne nous connaissant ni d’Adam ni d’Ève, nous a prêté plein de choses. Elle n’était pas obligée. Elle l’a fait de bon cœur. Nous sommes vraiment tombés sur de bonnes personnes », témoigne Justine.

Après cinq ans de démarche, après avoir tout quitté et investi dans une nouvelle demeure, Justine, Franck et leurs filles ont bien l’intention de s’enraciner à Victoriaville, du moins pour un bon moment. « On ne connaît pas l’avenir, mais on n’a pas tout fait ça pour rester un an. Et, personnellement, retourner en France serait un peu un aveu d’échec après tout ce qu’on a fait », estime Franck Allain qui, en plus, y va d’un nouveau départ professionnel.

Il a lancé, le 6 juin, sa propre entreprise Temps Expert (www.tempsexpert.com), une société qui distribue un logiciel à l’intention des entreprises, un outil pour gérer l’ensemble des ressources humaines d’une entreprise. « Ça fait beaucoup, changer de pays, tout repartir à zéro. Mais une opportunité s’est présentée. Je me suis dit alors tant qu’à faire, allons-y! »