Une pétition pour l’abrogation de l’article 43 du Code criminel

À Victoriaville, deux des victimes du pasteur Claude Guillot, Marc Levasseur et Josh Seanosky, accompagnées du député indépendant de Richmond-Arthabaska, Alain Rayes, ont plaidé, mardi avant-midi, pour l’abrogation de l’article 43 du Code criminel permettant les châtiments physiques envers les enfants.

Du même souffle, ils ont officiellement lancé une pétition en ligne sur le site du parlement canadien, un moyen pour faire pression sur le gouvernement afin d’accélérer le processus.

Dans un souci d’information, le député Rayes a précisé que l’article 43 stipule que « tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances ».

Victimes du pasteur Guillot, Marc Levasseur et Josh Seanoksy trouvent inconcevables que de tels châtiments corporels puissent encore exister.

Ils ont rappelé leur pénible vécu. Marc Levasseur fréquentait l’école La Bonne Semence de l’Église baptiste évangélique de Victoriaville lorsqu’il a subi les sévices du pasteur Guillot qui ont laissé des traces qui ne s’effacent pas. « J’ai 44 ans. Je partage ma vie avec un trouble de stress post-traumatique sévère découlant entièrement des méthodes éducatives violentes que j’ai subies dans mon enfance. J’ai cette maladie mentale qui me pourrit l’existence tous les jours et je dois composer avec les handicaps qu’elle m’occasionne », a-t-il exprimé.

Josh Seanosky a subi les foudres de Claude Guillot dans la région de Québec. « Je suis un homme dont l’enfance, l’adolescence et la jeune vie adulte ont été détruites et qui vit aujourd’hui en tant qu’adulte avec plusieurs troubles de santé mentale et séquelles permanentes découlant de cette violence. Le pasteur Claude Guillot et mes parents, a-t-il souligné, connaissaient très bien les largesses du Code criminel et ce que la loi leur permettait de faire. C’est sur cette base qu’ils établissaient les châtiments corporels comme moyen d’éducation. »

Malgré plusieurs tentatives au fil des ans, l’article 43 n’a toujours pas été abrogé. « Ça fait des décennies que des milliers de citoyens et d’organisations demandent l’abrogation et font pression pour que disparaisse cet article de loi, a confié Marc Levasseur. Ça fait plus d’une dizaine d’années que la Commission de vérité et réconciliation du Canada, en faisant la lumière sur les pensionnats autochtones, a formulé l’appel à l’action numéro 6 demandant l’abrogation de l’article 43. À défaut de pouvoir inculper les agresseurs, la moindre des justices est d’abroger la loi qui a permis à ces choses-là d’arriver. »

Phénomène marginal, environ 10% des parents au Québec, selon des données statistiques de 2018, se disent en faveur des châtiments corporels. « C’est donc dire qu’une très forte proportion de la population est contre ces pratiques. Il faut que cet article de loi, emblème de la tradition canadienne de violence éducative, soit abrogé. Actuellement, des enfants subissent ces châtiments parce qu’il y a encore des gens et des organisations qui font la promotion en toute légalité de ces violences », a observé Marc Levasseur.

L’abolition de l’article 43 constitue la moindre des choses, a fait valoir Josh Seanosky pour qui l’éducation reçue rimait avec se faire frapper. « Mon souhait le plus cher, c’est que nous agissions collectivement en tant que société pour protéger nos enfants et leur permettre de naître, grandir et évoluer dans un environnement sécuritaire », a confié le papa de deux jeunes enfants, une fillette de 2 ans et un bambin de 4 mois. « Il est inconcevable, pour moi, d’accepter en 2023 qu’ils grandissent dans une société qui ne les protège pas comme elle le devrait. Je veux que mes enfants puissent grandir en sécurité. On ne doit garder aucune porte ouverte pouvant profiter aux agresseurs, comme le mien l’a fait, pour essayer de défendre ces crimes », a-t-il soutenu.

Les deux hommes, aujourd’hui, invitent à poser un geste concret et à signer la pétition. « Nous invitons tous les citoyens qui ont à cœur de faire du Canada un endroit meilleur et sécuritaire pour tous les enfants à prendre deux minutes de leur temps pour signer la pétition », a mentionné Marc Levasseur.

Pour sa part, Josh Seanosky invite « tous les élus du Québec à se questionner et à se positionner face au gouvernement fédéral sur la pertinence de cet article de loi en 2023 ».

Du courage et de l’espoir

Le député Alain Rayes, d’entrée de jeu, a salué le courage de Marc, de Josh et de toutes les autres victimes ayant vécu des préjudices inacceptables. « Ce n’est pas facile pour eux d’être ici, de prendre la parole et de replonger dans le passé. On sent l’émotion. Mais leur courage m’anime à porter leur dossier, leur enjeu, au parlement canadien », a-t-il indiqué.

Leur combat, a-t-il noté, ils le livrent, non seulement pour faire leur deuil, mais aussi pour les autres, pour les générations futures. « Voilà la grandeur de leur geste, a fait remarquer l’élu de Richmond-Arthabaska. Je pense que c’est une responsabilité commune que nous avons. Un des gestes que peuvent poser les citoyens, c’est de signer cette pétition maintenant officielle et enregistrée au parlement canadien pour nous aider à exercer la pression nécessaire auprès du ministre de la Justice, du gouvernement libéral et de mes collègues afin qu’une fois pour toutes cet article 43 du Code criminel soit abrogé. »

Alain Rayes a rappelé que près de 70 pays dans le monde ont déjà abrogé toute loi permettant des châtiments corporels sur les enfants et une trentaine d’autres sont en voie de le faire. « Le comité pour la protection des enfants de l’ONU l’a demandé à plusieurs reprises au Canada, l’un des grands pays au monde, un des plus progressistes. Alors le Canada doit donner l’exemple. Le gouvernement libéral a l’opportunité de passer de la parole aux actes », a-t-il affirmé.

Sans crier victoire tout de suite, le député Rayes a bon espoir d’un dénouement positif. « J’ai espoir. J’ai posé une question avant les fêtes au ministre de la Justice, David Lametti. Je l’ai rencontré la semaine dernière. On est en discussions et il m’a offert une rencontre pour discuter de cet enjeu. C’est souvent ces rencontres privées un à un qui nous permettent de sensibiliser les élus sur un enjeu particulier, de le faire remonter sur la pile et ainsi d’accélérer le processus », a-t-il expliqué, ajoutant que deux procédures en ce sens étaient en cours. « Il y a deux projets de loi, l’un au Sénat, l’autre à la Chambre des communes. Si le gouvernement veut aller vite, on peut aller vite », a assuré Alain Rayes qui dit sentir un « momentum » en ce moment. « Le timing est bon présentement, je pense. Des gens sont prêts à se battre, des victimes du passé veulent faire leur deuil, veulent protéger leurs enfants et les autres enfants. Je sens que le ministre Lametti a de l’ouverture. Aujourd’hui, tout ce que ça prend, c’est une volonté politique. Il nous faut faire cheminer ce dossier pour qu’il devienne une priorité pour le gouvernement. »

La présence de « deux porte-parole extraordinaires » avec Marc et Josh motive grandement le député. « Ça me donne l’énergie et j’invite la population à signer cette pétition. Souvent les gens se demandent ce qu’ils peuvent faire. Vous avez un geste concret qui donnera des ailes à Marc et Josh pour continuer et qui m’aidera aussi dans mon travail pour sensibiliser le gouvernement. Je crois qu’on peut espérer un dénouement positif », a-t-il conclu.

Pour signer la pétition, il suffit de se rendre à l’adresse https://petitions.noscommunes.ca/fr/Petition/Details?Petition=e-4265. Les intéressés ont jusqu’au 20 mars pour le faire.