Une croissance économique plus modérée anticipée au Centre-du-Québec

Après avoir rebondi en 2021, la croissance économique de la région du Centre-du-Québec demeurera en territoire positif, mais son rythme sera plus modéré d’ici 2023. C’est, en substance, l’analyse qu’en fait Chantal Routhier, économiste senior au Mouvement Desjardins.

Dans son survol, elle estime que le marché du travail demeurera en expansion alors qu’un essoufflement s’observera dans le secteur résidentiel.

L’économiste s’attend aussi à ce que les investissements demeurent élevés.

La région, par ailleurs, comme partout, continuera de faire face aux enjeux importants que sont la forte inflation, la remontée des taux d’intérêt, les difficultés persistant dans les chaînes d’approvisionnement et le manque de travailleurs.

Le Centre-du-Québec, qui se trouve aussi à un tournant avec l’émergence de la filière batterie dans le parc industriel de Bécancour, verra sa croissance économique fortement stimulée. De grandes entreprises ont récemment annoncé des investissements majeurs qui se traduiront, dans les années à venir, par la création de centaines d’emplois.

Dans le détail

Un coup d’œil sur le marché du travail révèle qu’en 2021, l’emploi a augmenté de 6,5% tandis que le taux de chômage a régressé, passant de 6,1% en 2020 à 5,3% l’an dernier. 

Le nombre de personnes en emploi a atteint près de 130 000 (129 700), un sommet depuis l’an 2000, observe Chantal Routhier. L’expansion se poursuivra en 2022 et 2023, mais la cadence sera moins forte, selon elle.

L’industrie agricole, note-t-elle, continuera à se développer, ce qui soutiendra la demande de travailleurs. Elle prend notamment pour exemple le transformateur de canneberges et bleuets, Fruit d’Or, qui a récemment agrandi son usine de Plessisville, favorisant ainsi l’ajout de 25 travailleurs.

Dans le secteur de la construction, après un fort bond de 21% des heures travaillées dans la région, le Centre-du-Québec devrait connaître une stabilité cette année en raison d’un ralentissement anticipé dans le secteur résidentiel après avoir connu une année exceptionnelle en 2021.

Reste que les heures travaillées demeureront élevées d’ici 2023 en raison d’une demande qui restera forte dans les secteurs commercial, industriel et institutionnel.

L’industrie manufacturière devrait bien tirer son épingle du jeu, pense l’économiste, malgré les défis importants que posent les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement, aux coûts élevés des matériaux et de l’énergie, de même que le manque de main-d’œuvre.

En tourisme, l’industrie centricoise continue de progresser, avance Chantal Routhier, signalant que le taux d’occupation hôtelier a grimpé de 26,5% à 40% de 2020 à 2021.

L’été 2021 a été faste, comparativement à la saison estivale 2020, avec une hausse de l’achalandage de 88% dans les établissements d’hébergement touristique.

Pour 2022, Tourisme Centre-du-Québec entend se positionner dans le but de profiter du retour des touristes internationaux qui se faisaient de plus en plus nombreux à visiter le territoire avant le début de la pandémie.

L’habitation

Le Centre-du-Québec a connu en 2021 sa meilleure année en 11 ans dans le marché de la construction neuve, une hausse de 39,9% des mises en chantier.

Avec une année aussi remarquable, l’économiste senior de Desjardins s’attend à un repli cette année et en 2023. De plus, la hausse des taux hypothécaires qui doit se poursuivre aura pour effet de refroidir la demande.

Par ailleurs, la construction de logements locatifs pourrait demeurer à des niveaux élevés, le taux d’inoccupation ayant atteint un creux historique l’an passé à 0,4%.

En ce qui a trait à la revente de propriétés existantes, le Centre-du-Québec, pour une septième année, a enregistré une augmentation des transactions et le prix de vente a bondi de 17%, ce qui s’explique par une forte demande et une offre restreinte.

Mais tout comme la construction neuve, le marché de la revente ralentira d’ici 2023 et les transactions fléchiront.

Les investissements

Les intentions d’investissements observent une tendance à la hausse. Certains investissements d’ailleurs sont en cours.

L’économiste senior souligne les 176 M $ qui seront investis de 2022 à 2024 dans le réseau routier, sans compter la construction d’une nouvelle école à Drummondville (143 M $) en 2024 et à moyen terme l’agrandissement et le réaménagement de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, un projet estimé à 205 M $.

S’ajoute aussi notamment l’important projet de dédoublement de l’autoroute 55, projet de 199 M $ entre Bécancour et Sainte-Eulalie.

Les enjeux

L’économie du Centre-du-Québec, comme ailleurs, n’échappe pas aux enjeux actuels, la forte inflation, les taux directeurs et hypothécaires qui poursuivront leur remontée, la pandémie qui n’est pas encore chose du passé et les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement qui perdureront plus longtemps qu’anticipé.

À cela, le manque de main-d’œuvre constitue un autre frein à la croissance des entreprises. Toutes industries confondues, précise Mme Routhier, il y avait 7585 postes vacants au quatrième trimestre 2021, un sommet inégalé depuis 2025, selon Statistique Canada. Et la rareté de la main-d’œuvre touche un nombre de plus en plus grand de secteurs d’activité.

Un rapport de Manufacturier et Exportateurs du Québec révèle que les entreprises manufacturières, en raison du manque de main-d’œuvre, ont essuyé des pertes de 1,7 G $ entre 2019 et 2020 dans la région en raison des contrats qu’elles ont dû refuser.

Pour ces entreprises, la lutte à la pénurie de main-d’œuvre passe notamment par l’augmentation des seuils d’immigration, la capacité d’attirer plus de jeunes et l’accentuation du virage vers l’automatisation et la robotisation.