Un géant technologique en train de naître à Victo?

En février, alors qu’ils faisaient état d’un investissement majeur de 35 M $, Yan Gagnon, Jimmy et Danny Angers, les jeunes dirigeants de Spypoint de Victoriaville, soutenaient que ce n’était qu’un début, qu’une première phase d’un important plan d’investissement. Et ils ont tenu parole.

À peine quelques mois plus tard, ils ont réalisé la deuxième phase de leur plan stratégique. Avec l’intention bien avouée de connecter le monde, le trio a formé un groupe de cinq entreprises sous le giron du Groupe Techno-X (GTX). La compagnie a le vent dans les voiles, tellement qu’elle a dû procéder à l’acquisition de capital humain au sein de l’une de ses filiales.

GTX donne notamment dans l’intelligence artificielle et l’Internet des objets, appliquant cette haute technologie dans les marchés des caméras de chasse et de sécurité et de la connectivité cellulaire. «Ce qui fait que ces dernières années, on enregistre une croissance exponentielle, ce qui fait la différence, c’est la connectivité cellulaire», fait valoir Danny Angers, vice-président exécutif, développement des affaires.

«Auparavant, le chasseur récupérait, dans le bois, la carte SD de la caméra pour regarder des photos de chevreuils. Maintenant, avec le cellulaire, quand passe un chevreuil et qu’une branche bouge, la caméra le détecte et la personne reçoit l’information directement sur son cellulaire en temps réel», précise M. Angers.

Au fil du temps, les dirigeants de Spypoint ont constaté que les clients utilisaient la caméra non seulement pour la chasse, mais aussi comme caméra de sécurité pour surveiller différents lieux, qu’il s’agisse d’une cabane à sucre, d’une résidence ou d’un chantier de construction. Le secteur des caméras de sécurité a donné naissance à la compagnie Vosker. «Spypoint, avec les caméras de chasse, existe depuis 17 ans et enregistre une très forte croissance et génère un chiffre d’affaires de dizaines de millions de dollars. Et Vosker, parti de rien il y a deux ans, devrait dépasser Spypoint d’ici deux ans», observe Danny Angers.

GTX enregistre une telle demande pour les caméras de chasse et de sécurité qu’elle peine à fournir. «Et ce qui explique aussi notre forte croissance, c’est que les caméras vendues l’an dernier se connectent cette année», note-t-il

Connecter le monde

Selon ses administrateurs, GTX poursuit sa pleine croissance parce qu’elle ne cesse d’innover, qu’elle propose de bons produits. «Mais ce qui fait la différence, réitère Danny Angers, ce n’est pas tant la caméra, c’est le fait qu’elle soit cellulaire. C’est la connectivité. Nous connaissons de belles grosses croissances, mais il existe de nombreux marchés qui ne sont pas connectés.» Le jeune homme d’affaires cite, notamment, les pelles mécaniques, les bateaux, motoneiges ou encore, dans les municipalités, les bornes-fontaines.

GTX peut les connecter par l’Internet des objets. «Nous avons développé une plateforme permettant de connecter n’importe quoi», fait-il remarquer. Une des raisons qui fait aussi le succès de l’entreprise, fait valoir M. Angers, c’est qu’en raison de la pandémie, «il n’y a jamais eu dans l’histoire de l’humanité jusqu’ici un moment où les gens souhaitent autant consulter leurs trucs à distance et sortir le moins possible». Les trois jeunes dirigeants voient grand, souhaitant créer un géant technologique québécois pour «connecter le monde et faire des acquisitions» et anticipant un chiffre d’affaires dans les milliards de dollars. «On a donc créé un grand groupe GTX qui chapeaute nos compagnies. Avec les années, on a pu conclure des ententes dans 145 pays, des ententes avec des fournisseurs, les grands joueurs que sont Bell, Rogers, Telus et AT&T», confie Danny Angers.

En haut de la pyramide, GTX partage ses services de ressources humaines, de communications et de comptabilité avec ses entités Spypoint, Vosker, IOT (l’Internet des objets) et Zéniox. Les dirigeants de GTX ne doutent aucunement que le développement de l’entreprise repose sur les employés, notamment ceux qu’on désigne comme les «titans technologiques». «Ce sont les employés qui font avancer le groupe», témoigne Danny Angers.

Et puisque l’innovation constitue une clé importante du succès, GTX s’est doté de son propre laboratoire baptisé Krakenlab, nom inspiré d’un monstre mythique aux nombreux tentacules. «Nos titans, nos employés de techno, se reconnaissent là-dedans. Kraken développe toute la technologie», explique-t-il. La forte croissance, malgré tout, a fait en sorte que l’entreprise a frappé un mur en lien avec un aspect : le service à la clientèle. «Nous n’étions pas prêts. On reçoit des dizaines de milliers d’appels et de courriels par jour», fait valoir le jeune entrepreneur.

Ce qui a mené à la création de l’entité Zéniox, histoire de fournir à la demande et bien répondre à la clientèle. Or, les dirigeants étaient bien conscients qu’il n’y aurait jamais assez d’humains pour répondre. D’où un mixte avec l’intelligence artificielle, qui fait réduire le nombre d’embauches.

Mais GTX a quand même dû augmenter son personnel. Après un essai plus ou moins heureux avec un service d’impartition de Longueuil, GTX a convenu de lancer son propre centre de service à la clientèle, Zéniox. «Comme ils ont 1000 employés et qu’ils allaient, avec la COVID, en mettre à pied, on leur a fait une offre pour acheter du capital humain. On a ajouté à Zéniox 90 personnes, des gens travaillants que nous formons. Ils seront nos employés avec tous les avantages sociaux et les hausses salariales», signale-t-il. Cette première acquisition de capital humain porte à 345 le nombre total d’employés de GTX.

Prochaines étapes

Avec le vent dans les voiles, GTX évalue les possibilités quant à l’acquisition d’entreprises. «En ce sens, on regarde pour trouver du financement. On lève la main pour que nous aide le gouvernement du Québec. Nous voulons être le prochain Bombardier, la grande entreprise qui créera des dizaines de milliers d’emplois», plaide Danny Angers.

«On sait comment faire. On a la recette qu’on peut appliquer 1000 fois. On a tellement de trucs connectés aux États-Unis qu’on pourrait identifier un chevreuil sur un terrain. Sur un chantier de construction, on peut dire si un travailleur ne porte pas son casque. Les applications sont multiples. Chaque endroit où on récolte des données, on tombe sur des mines d’or. Plus on en collecte, plus on est en mesure de fournir des services. Le nerf de la guerre, c’est la connexion continuelle de données», explique Danny Angers. GTX récolte déjà plus d’un milliard de points de données par année, ce qui se compare, précise-t-il, à un géant technologique américain. Les acquisitions prévues permettront l’accumulation de données. «D’ici cinq ans, on passera à 500 milliards de points de données par année. Plus on en récolte, plus on rend l’intelligence artificielle capable de réaliser une réalité futuriste digne de la science-fiction», affirme le jeune dirigeant. «L’humanité va passer en mode ultra connecté. D’ici 5 à 10 ans, on pense avoir assez d’yeux aux États-Unis pour sentir le battement d’ailes d’un papillon en Floride et être en mesure de dire qu’une tornade est en train de se former à Seattle», image-t-il.

Pour continuer d’avancer, «pour se battre à armes égales», dit Danny Angers, GTX sollicite le gouvernement et autres partenaires, souhaite disposer de millions de dollars. «Ceux contre qui on se bat, en Chine, ont obtenu des millions de leur gouvernement. Le gouvernement chinois nous a même approchés pour nous acheter au complet. C’est dire qu’ils voient tout le potentiel de GTX. Mais on ne veut pas vendre. On sait qu’on tient de quoi de gros.»
Des investisseurs américains démontrent aussi beaucoup d’intérêt pour l’entreprise de Victoriaville. «Mais nous, on veut que ça reste Québécois, c’est une question de fierté, fait valoir Danny Angers. On est de Victoriaville et on se retrouve sur la scène mondiale. On a tout parti de rien. À ce jour, on s’est toujours servi de nos propres fonds pour avancer.» Un investissement entre 80 et 100 M $, avance-t-il, permettrait à GTX de doubler le chiffre d’affaires en 1 an, et de le multiplier par 10 en 5 ans et en arriver à franchir le milliard.

«On a besoin que les gens écoutent notre histoire. On cherche les bons partenaires, ceux qui ont une vision à long terme», indique Danny Angers. GTX a cogné aux portes, comme à celle du député Eric Lefebvre. Au moment de l’entrevue, les dirigeants espéraient une rencontre avec le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon.

Pour GTX, il n’y a aucun risque. «S’ils investissent, ils ne perdront rien. On fait déjà de l’argent. Si on regarde les investissements à long terme, ça va se payer 10 fois. Nous, avec notre propre argent, on a décidé d’investir 7 millions cette année et encore 7 millions l’an prochain. On travaille pour une acquisition aux États-Unis en plus des discussions que nous avons pour une autre au Québec. Sans compter qu’on a identifié 180 cibles potentielles à acquérir d’ici cinq ans. On investit, mais à un moment, pour se battre (contre les autres), il faut de l’aide et, de préférence, on souhaite des investisseurs québécois», conclut-il.