Sujet «tabou» que l’insalubrité morbide

VICTORIAVILLE. Jean-François Bussières n’est pas surpris que cette triste histoire de Marjolaine Bilodeau trouvée morte dans sa maison insalubre en juillet 2013 et rapportée dans La Nouvelle Union n’ait pas suscité de commentaires. Comme le suicide, dit-il, le sujet est tabou. «Parce que quand cela survient, cela touche la fibre humaine et chacun se sent un peu responsable.»

Directeur des programmes famille, santé publique et santé mentale au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) d’Arthabaska-et-de-l’Érable, Jean-François Bussières refuse de commenter le cas particulier de Marjolaine Bilodeau.

Il accepte toutefois de parler d’insalubrité morbide, de l’entente intervenue en juin 2013 entre la Ville de Victoriaville et les autorités de la santé et des services sociaux, des gestes que l’une et les autres peuvent poser auprès de gens en détresse.

Depuis la signature de l’entente, les gens du CSSS ont été appelés à intervenir à une douzaine de reprises pour des cas d’insalubrité morbide. Souvent, ce sont les gens de la sécurité publique qui font appel aux intervenants sociaux, explique M. Bussières, leur demandant de les accompagner là où ils ont dépisté des risques liés à l’insalubrité.

«Notre rôle n’est pas de défoncer la porte!», précise M. Bussières.

L’adoption du protocole d’entente en matière d’insalubrité morbide ne refait pas le monde, ajoute-t-il. Mais, croit-il, il positionne mieux les différents acteurs dans leurs rôles respectifs, induit une nouvelle manière de travailler et «contamine» positivement les pratiques d’intervention.

À plusieurs reprises, il soutient que dans des cas de ce genre, il faut «se compromettre ensemble».

Jean-François Bussières répond en quelque sorte à François Bilodeau, frère de Marjolaine, qui, dans l’article paru la fin de semaine dernière, se demandait à quelle porte il fallait frapper afin d’éviter la survenue d’un autre drame.

Deux portes ouvertes

Deux portes sont accessibles. Il y a celle de la municipalité à qui on peut signaler un problème d’«encombrement», d’odeur, de présence suspecte de plusieurs animaux, d’apparence d’abandon, de délabrement, etc. Le représentant du CSSS rappelle d’ailleurs que l’insalubrité n’est pas toujours et nécessairement liée à un trouble de santé mentale, comme on pourrait le supposer.

L’autre porte, c’est celle du CLSC. Prenant la journaliste comme sujet, M. Bussières illustre un cas. «Il peut s’agir de la belle-sœur qui appelle le CLSC parce qu’elle se soucie de l’état mental de Mme Ruel. La gentille belle-soeur accepte de se compromettre parce qu’elle veut le bien de Mme Ruel… et accepte aussi que l’intervenant social dise à Mme Ruel que c’est elle qui a communiqué avec le CLSC. L’intervenant social demandera à Mme Ruel si elle a besoin d’aide, si elle accepte une rencontre.»

Jean-François Bussières poursuit en disant qu’il se peut fort bien que Mme Ruel s’indigne que sa belle-sœur ait appelé le CLSC et qu’elle refuse de rencontrer l’intervenant.

«Il faut user de tact et de doigté dans ce genre d’intervention si délicate et mettre la personne suffisamment en confiance pour la sensibiliser aux risques que peut lui faire courir, par exemple, le trop grand encombrement de sa maison. Il nous est arrivé d’aider des personnes à faire le ménage.»

Répondant aussi, d’une certaine façon, à Christiane, qui avait demandé de l’aide pour son amie Marjolaine dont elle pressentait la détresse et s’était fait parler de «libre arbitre» (http://www.lanouvelle.net/Opinion/Tribune-libre/2014-07-29/article-3816313/Libre-arbitre%3F/1), Jean-François Bussières affirme que les pratiques d’intervention ont changé.

«Est-ce que lorsqu’on appelle au CLSC, on obtient toujours une réponse adéquate? Des milliers d’interventions ont lieu. Sont-elles toujours appropriées?, demande lui-même M. Bussières. La réponse c’est non, admet-il, parce qu’on travaille avec des humains et des perceptions.»

Il dit toutefois qu’il vaut toujours la peine de «se compromettre ensemble» et aller le plus loin possible dans le respect des personnes et le cadre des lois afin d’éviter, par exemple, que l’insalubrité d’un logis provoque incendie ou décès.

Il spécifie aussi que le CSSS répond à des demandes d’intervention pour d’autres municipalités de son territoire de desserte, Victoriaville n’étant pas la seule ville à se confronter à des cas d’insalubrité.