Stationnement illégal : la Cour rejette tous les arguments du défendeur

VICTORIAVILLE. Dans son jugement rendu en juin, la Cour municipale de Victoriaville a rejeté les arguments soulevés par Yves Gagnon qui contestait un constat d’infraction reçu en début pour un stationnement illégal sur la rue Tourigny en face du bar Chez Bidou où il procédait au déchargement d’équipements de musique.

En défense, le musicien, membre de Honky Tonk Boys depuis une vingtaine d’années, a expliqué qu’il devait décharger des caisses de son de plus de 100 livres, qu’il ne pouvait pas stationner son véhicule à proximité, que le stationnement d’en face ne se trouvait pas assez près et que, de toute façon, il y avait peu ou pas d’espaces disponibles à ce moment.

Le défendeur a aussi plaidé l’existence d’un abus à son endroit, le fait également qu’une tolérance s’exerce envers d’autres contrevenants et qu’il devait, par ailleurs, être acquitté puisque son véhicule n’était pas stationné ou immobilisé au sens de la règlementation, mais plutôt en arrêt.

La poursuite, elle, a qualifié de non pertinents les conflits potentiels entre le défendeur et la Ville tout comme une possible tolérance à l’égard de la commission d’une telle infraction par d’autres personnes.

Le procureur de la Ville a plaidé l’existence d’alternatives, a soutenu qu’un arrêt et un stationnement constituent deux termes distincts et que les critères de nécessité et d’impossibilité n’ont pas été remplis.

Analyse du dossier

En matière de stationnement, a fait valoir la juge, l’infraction reprochée est considérée «comme une infraction de responsabilité absolue». «La poursuite, précise-t-elle, n’a pas à prouver l’intention, l’existence d’une intention coupable. Il n’est pas possible pour la défenderesse de se disculper en démontrant qu’elle n’a commis aucune faute, qu’elle était de bonne foi ou même qu’elle a agi avec diligence dans les circonstances.»

Toutefois, les tribunaux reconnaissent la possibilité d’une défense de nécessité ou d’impossibilité de se conformer à la loi. «Il incombe au défendeur d’établir une telle défense», note la juge.

Ce que le défendeur n’a pas réussi à faire dans l’esprit de la Cour.

«Dans le présent dossier, il semble y avoir eu beaucoup de frustration à l’égard du constat d’infraction émis pour une situation jugée abusive par le représentant de la partie défenderesse. De plus, le défendeur a tenté de soulever de possibles conflits sous-jacents avec les représentants de la Municipalité», note la juge qui a toutefois conclu que la preuve ne révélait aucun abus dans l’exercice de la discrétion du préposé au stationnement. «D’ailleurs, le préposé est apparu crédible et son témoignage n’amène pas le Tribunal à conclure qu’il y aurait eu abus», dit-elle dans son jugement.

La Cour rejette aussi la prétention du défendeur à l’effet que la Ville puisse exercer une tolérance à l’égard d’autres livreurs. «Il ne suffit pas de déposer des photos sur lesquelles des véhicules sont immobilisés et semblent y effectuer une livraison… L’existence d’une preuve doit être démontrée. Le seul témoignage du défendeur est nettement insuffisant», tranche la juge, tout en ajoutant que, même si une preuve de tolérance avait été faite, «il reste que la tolérance n’est pas une défense, ni une génératrice de droits».

Concernant l’impossibilité de se stationner ailleurs, la Cour explique que la défense doit démontrer que la situation était insurmontable. «Il aurait fallu que le défendeur n’ait pas le choix d’agir comme il l’a fait, qu’il n’y avait pas d’autres façons d’agir autrement. Ici, le défendeur savait qu’il ne pouvait stationner son véhicule dans la rue. Il ne s’agit pas d’une situation insurmontable et inévitable. Il ne peut donc bénéficier de cette défense», estime la juge.

Quant à la défense de nécessité, celle-ci se base sur des critères établis par la Cour suprême du Canada, souligne la présidente du Tribunal. «Le défendeur qui veut excuser sa responsabilité pénale doit démontrer qu’il n’avait pas d’autres choix que d’enfreindre la loi, que les circonstances sont telles que la contravention à la loi soit nécessaire pour éviter un péril immédiat et éminent», explique-t-elle.

Mais dans la présente affaire, la juge précise que le défendeur disposait d’autres alternatives pour stationner son véhicule. «Certes, il était plus commode de stationner devant l’immeuble pour le déchargement, mais il aurait pu le faire ailleurs. Il ne faut pas confondre inconvénient ou une difficulté avec nécessité et/ou une impossibilité», commente-t-elle.

Le juge se penche, enfin, sur la question de l’arrêt et du stationnement, le défendeur soutenant qu’il a effectué un arrêt et non un stationnement.

La juge, s’appuyant sur la règlementation municipale, définit l’arrêt comme l’immobilisation complète du véhicule, alors que le règlement, note-t-elle, ne comporte aucune définition du mot stationnement. C’est pourquoi elle se réfère à la définition qu’en donne Le Petit Robert qui définit le terme comme le fait de stationner, de garer sa voiture au stationnement.

La Cour municipale se base aussi sur une décision de 2003 du juge Jean-Guy Boilard de la Cour supérieure et qui statue sur les distinctions entre les termes arrêt (immobilisation) et stationnement.

L’immobilisation, fait-il valoir, résulte habituellement de la nécessité, sa durée peut varier, peu importe la cause. Elle est temporaire et elle est habituellement brève.

Il définit le stationnement comme étant le résultat d’une décision librement prise par le conducteur, peu importe ses motifs. Sa durée sera variable et le stationnement se fait selon une procédure décrite. Et il est permis aux endroits et aux moments déterminés par la signalisation.

Conclusion

La juge, en analysant notamment le contexte, l’ensemble des circonstances et en considérant les éléments auxquels réfère le juge Boilard, conclut que le véhicule du défendeur était stationné et contrevenait à la signalisation.

«Le Tribunal conclut que la signalisation était adéquate, conforme selon la preuve soumise, souligne la juge. Même s’il est évident qu’il existe des panneaux affichant les arrêts interdits, ici, le reproche est d’avoir stationné le véhicule dans un endroit interdit par des panneaux de signalisation. Le véhicule était stationné et non arrêté, et les panneaux étaient adéquats. Pour tous ces motifs, je déclare le défendeur coupable.»