Pierre Bruneau cède l’antenne

« Il vaut mieux partir en demande plutôt qu’on te demande de partir », souligne le Victoriavillois d’origine Pierre Bruneau qui tirera sa révérence le 16 juin après une carrière d’une cinquantaine d’années, dont 46 ans à titre de chef d’antenne à TVA.

Le journaliste d’expérience a vécu beaucoup d’émotions lorsqu’il a annoncé sa retraite. « Je suis renversé, surpris, par tous les éloges », confie-t-il en entrevue téléphonique.

À 69 ans, presque 70, Pierre Bruneau songeait à la retraite depuis quelques années, mais un concours de circonstances, comme la tenue d’élections, la retardait.

Et puis la pandémie en se pointant a carrément retardé ses plans, dit-il.  « En même temps, je me sentais utile, il y avait cette connexion bien installée avec le public. C’est un moment important pour rassurer les gens. C’est un peu comme ça que j’ai pris mon rôle aussi », mentionne-t-il.

Pierre Bruneau, un homme passionné par son métier, juge que son départ arrive au bon moment. « J’ai pris la bonne décision. Je ne voudrais pas non plus effectuer mon travail par habitude. Je l’ai toujours fait par et avec passion, assure-t-il. On ne veut pas que la passion décline. Si cela survient, les téléspectateurs décrochent. Ils ont entre les mains, la zappette, l’arme de destruction massive. En une fraction de seconde, ils t’éliminent de l’écran, et ça risque d’être pour longtemps. »

De Victo jusqu’au sommet

Enfant, Pierre Bruneau habitait sur la rue Gaudet à Victoriaville. Son intérêt pour l’information ne date pas d’hier. « À l’âge de 12 ans, en regardant les nouvelles au canal 10 (TVA ou Télé-Métropole à l’époque), j’ai dit à ma mère : un jour, c’est moi qui serai assis à la place du lecteur de nouvelles, Roger Gosselin. Et c’est moi, en effet, qui l’a remplacé à l’âge de 23 ans », rappelle-t-il.

À deux maisons de chez lui résidait André Fortin, le chef du Crédit social sur la scène fédérale, ce qui fait qu’il a vu débarquer des militaires dans sa rue à l’époque de la Crise d’octobre en 1970.

Dans un Québec en pleine ébullition, l’étudiant Pierre Bruneau est témoin de bien des événements, le Front commun, les manifestations. « Tout cela m’a donné le goût de vouloir rapporter ces nouvelles », note-t-il.

Son premier micro, ce sera celui de la radio CFDA à Victoriaville. « Au Cégep, j’ai remporté un concours qui m’a donné le droit de faire des chroniques à la radio. Par la suite, on m’a embauché pour la période estivale », souligne-t-il, avant de se retrouver à l’antenne de CJTR à Trois-Rivières pour peu de temps, toutefois.  

Il n’aura fallu que quelques mois avant que ne lui parvienne une offre de CKAC à Montréal. « J’ai eu à faire des choix. J’ai toujours été sollicité. Dans ma vie, je n’ai jamais sollicité un emploi. C’est une chance incroyable », raconte-t-il.

En entreprenant sa carrière en 1972, Pierre Bruneau ignorait où tout cela allait le mener. « Mais je suis drôlement content du chemin parcouru. Mon seul regret, c’est que tout a passé trop vite », signale-t-il en riant.

Dans le rétroviseur

Questionné sur toutes ces années, le chef d’antenne de TVA se dit fier « d’avoir travaillé fort, d’avoir contribué à bâtir un solide service d’information ». « On est devenu la référence, on gagne toutes les soirées électorales, les bulletins de nouvelles. Il y a une satisfaction, car nos équipes se sont renouvelées avec des gens dynamiques. Je suis un passionné, fait-il valoir, et ma passion je la transmets à mes collègues de travail, j’essaie de les mettre de l’avant tout le temps. C’est un peu mon rôle. Je suis très heureux de ce qu’on a fait. Très heureux aussi de quitter au moment où on est à la même place. Il y a là une satisfaction incroyable. »

Pierre Bruneau aura occupé le siège de chef d’antenne pendant 46 ans à TVA. Oui, la concurrence a bien tenté de le recruter. « Radio-Canada m’a sollicité à deux occasions. Deux ponts d’or m’ont été offerts, une fois en 1990 après la crise autochtone et la seconde en 2001 après les événements du 11 septembre », précise-t-il.

Mais Pierre Bruneau est un gars de famille, au bonheur tranquille pour qui le mot fidélité compte toujours. « Pour moi, c’était important. On m’a fait confiance ici, on a investi en moi, je m’y suis développé. Il y a comme une redevance, mais aussi le plaisir, j’ai toujours été bien traité. Honnêtement, je suis bien ici (à TVA). J’ai non seulement la confiance du public, mais aussi celle de mes patrons, une confiance que j’ai toujours eue. J’ai toujours senti l’appui et l’encouragement de la direction. »

Ce qu’il retient également de ses 50 dernières années, c’est d’avoir pu accompagner les Québécois à suivre l’évolution de l’histoire avec tous les événements marquants survenus depuis l’élection de René Lévesque, de la crise d’Oka à la tuerie de Polytechnique, en passant par les inondations au Saguenay, la crise du verglas et les attentats du 11 septembre, mais aussi ceux contre le pape et à l’endroit de Ronald Reagan. « C’est d’avoir accompagné les gens, d’avoir été avec eux. Quand j’ouvre mon livre, c’est un peu l’histoire du Québec des 50 dernières années. C’est quand même incroyable. Je suis vraiment très fier », exprime-t-il. 

L’amour du public

Avec les années, le public lui a voué une fidélité et un amour indéfectible, comme le démontrent les 23 trophées Artis reçus, sans compter les multiples honneurs qu’on lui a décernés, notamment l’Ordre national du Québec, l’Ordre du Canada et le titre de Chevalier de l’Ordre de la Pléiade.

Tout cet amour, l’homme de télévision peine à l’expliquer quand on lui pose la question. « J’ai toujours dit aux gens, dans ce métier-là, il faut toujours être soi. J’ai toujours été moi-même. Ce que tu vois à l’écran, c’est ce que je suis dans la vie. Et foncièrement, j’aime le monde », fait-il remarquer.

Et il en fait la démonstration en allant vers les gens, en échangeant avec eux et en prenant des photos lorsqu’il participe, par exemple, à des activités de la Fondation Charles-Bruneau ou de TVA.

À l’automne, on reverra Pierre Bruneau à l’animation du Face à face et de la soirée électorale provinciale. Entre les deux, il compte bien faire le tour du Québec, aller à la rencontre des gens, un genre de petite tournée d’adieu dans les régions pour aller saluer les téléspectateurs et les équipes sur le terrain.

S’il n’exclut pas totalement des animations ponctuelles par la suite, Pierre Bruneau se fait toutefois hésitant. Après 50 ans de visibilité, Pierre Bruneau entend privilégier l’ombre. « J’ai besoin d’un peu d’ombre, laisse-t-il tomber. J’ai le goût de partir avec ma blonde, de faire des choses qu’on a trop reportées. Je suis très optimiste, mais à la fois réaliste, j’aurai 70 ans cet été. Il m’en reste moins devant qu’il y en a derrière. On se donne le temps, la latitude, pour pouvoir réaliser ces choses. »

Même si ces derniers temps il en a eu moins l’occasion, Pierre Bruneau apprécie chaque visite dans sa ville natale. « Je viens à Victoriaville environ deux fois par année. Un de mes frères y habite toujours, tout comme une sœur de ma conjointe Ginette. J’aime toujours ça revenir, mais ça a tellement changé depuis 1972… »

La retraite télévisuelle de Pierre Bruneau lui permettra également de poursuivre son engagement au sein de la Fondation Charles-Bruneau qui demeure prioritaire pour lui, la mission d’une vie, comme il le dit. « J’ai pris un engagement lors du décès de Charles. Il m’avait demandé de continuer pour lui. Ce n’est pas Charles que je garde vivant, mais plutôt son message d’espoir », formule-t-il, tout en relevant qu’encore aujourd’hui, le même message se fait toujours entendre. « Les jeunes veulent guérir, ils veulent qu’on trouve des solutions. On voulait avec la Fondation que tous les enfants aient les meilleurs soins et traitements. Maintenant, nous en sommes dans le second volet, celui de la recherche pour permettre, non plus simplement d’avoir de meilleurs traitements, mais de guérir », observe-t-il.

Avec les années, de grandes avancées ont été réalisées. Mais bien du travail reste à faire, constate Pierre Bruneau. « Les cancers pédiatriques, en 2022, demeurent encore la première cause de maladie mortelle. Rien ne tue plus les enfants que le cancer. Chaque jour, au Québec, une famille apprend le cancer d’un enfant. Et chaque semaine, on en perd encore un. Nous sommes toujours très pertinents dans notre mission », conclut-il.