«On y perd nos repères»

VICTORIAVILLE. Le 1er avril 2015 disparaîtra le Centre de santé et de services sociaux d’Arthabaska-et-de-L’Érable (CSSSAE), une institution créée il y a tout juste dix ans, née de la fusion de cinq établissements. Le CSSSAE tel qu’on le connaît sera partie prenante du Centre intégré de santé et de services sociaux, un CISSS comme on le désignera. Ce CISSS regroupera, sous un seul conseil d’administration, les huit actuels CSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, les services dispensés par l’Agence régionale ainsi que les quatre établissements régionaux que sont Domrémy, Interval, les Centres jeunesse et le CRDI-TED. L’actuel budget de ces établissements s’élève à 1,2 milliard $ et 15 000 personnes y travaillent.

Ce portrait, Claude Charland, directeur général du CSSSAE, le trace à gros traits, s’appuyant sur les quelques lignes connues du projet de loi numéro 10 qu’a déposé le ministre Gaétan Barrette, le 25 septembre dernier.

Parce que, pour l’heure, 99% des questions que les directeurs généraux d’établissements posent sont sans réponse, dit-il. «Nous aurons à soumettre une longue série d’enjeux, tactiques et opérationnels.»

Travaillant dans le réseau depuis 1983, Claude Charland dit que cette réforme annoncée par le ministre est majeure, la plus importante qu’il ait été appelé à vivre. «On y perd nos repères… Ça frappe!», s’exclame-t-il, ajoutant que personne ne pouvait en prévoir l’ampleur, que le docteur Barrette a travaillé relativement seul… avec son équipe ministérielle, sans consulter les directeurs généraux. «Nous écoutera-t-il?», se demande le D.G. du CSSSAE.

Claude Charland parle de la réforme comme d’une méga transformation qui bouleverse toutes les perceptions et les paradigmes. Plus importante que la création des CSSS, forçant un premier cycle de fusions. «On avait eu le temps de voir venir; pas cette fois.» Il faut, dit-il, «penser autrement!». Impossible d’imaginer transposer les manières de faire dans le modèle futur; ce serait voué à l’échec, croit-il.

Se mobiliser

Il soutient que dès lundi, tous les directeurs généraux de la région sociosanitaire se rencontreront afin de se «mobiliser». «Pas pour s’opposer ou pour contrer le projet de loi, mais afin de proposer le meilleur pour nos usagers.»

M. Charland souligne qu’ici, en Mauricie et au Centre-du-Québec, le fait que les D.G. se rencontrent mensuellement constitue un atout appréciable. Ce qui serait unique au Québec, selon lui.

«La dynamique, ici, est positive», soutient encore M. Charland. C’est ce qui lui permet de penser que le ministre prêtera une oreille attentive aux propositions que la région lui soumettra.

«Condamnés à travailler ensemble, on a déjà les deux mains dans la transformation afin que la population d’Arthabaska et de L’Érable reçoive les services auxquels elle a droit. Il nous faut donner un sens à tout ça.» Il ajoute qu’il faudra s’assurer que la population d’ici conserver son hôpital territorial.

Claude Charland a quelques mots pour résumer sa première réaction. «De dire qu’on a accueilli la réforme avec joie…» Mais il tente de rester zen, tout en sachant qu’il sera le premier à perdre son emploi le 1er avril prochain, lui dont, ironiquement, le mandat de directeur général du CSSS venait tout juste d’être renouvelé. «C’est sûr qu’on n’accueille pas cette perspective de la même manière selon qu’on a 40 ou 55 ans. Je m’organise pour me sentir confortable. La nouvelle structure aura besoin de ressources, de gens d’expérience», confie-t-il.

Avec le projet de loi 10, le ministre se donne les coudées franches, reconnaît encore Claude Charland. «On n’a pas encore la commande budgétaire, on ne sait pas comment il réalisera les économies annuelles de 220 millions $. Ce qu’on a comme commande, c’est d’assurer l’efficacité, la fluidité, la performance des services.»

Du sens à donner

Le small is beautiful sera encore possible, croit Claude Charland malgré la création d’une méga structure de gestion. «À l’urgence, par exemple, où travaille une équipe relativement petite, on donne du sens à ce qu’on fait en offrant du service aux clients.»

Mardi soir, le D.G. du CSSSAE convoquait les cadres, les membres d’exécutifs de comités, de corporations et des quatre Fondations pour parler du projet de loi 10. «S’assurer qu’on comprend tous la même affaire.» Parlant de fondations, le CSSS d’Arthabaska-et-de-L’Érable est le seul territoire où quatre organismes caritatifs soutiennent les missions de l’établissement. Il faudra, là aussi, inventer de nouveaux modes de fonctionnement.

Enfin, Claude Charland ne croit pas que la réforme stoppera le projet d’agrandissement de l’Hôtel-Dieu. «Le projet a obtenu reconnaissance. On avait convenu de la séquence des projets à réaliser dans la région, la construction du centre naissance à Drummondville passait avant le nôtre. Et puis, de toute façon, même si on obtenait le feu vert à ce moment-ci, les actuels travaux pour l’unité d’oncologie et la clinique pédiatrique nous empêcheraient de commencer l’agrandissement.»