Mission accomplie pour Stéphane Boisvert

Il l’a relevé cet important défi. Stéphane Boisvert, cet enseignant de Victoriaville, amputé du pied droit et des orteils du pied gauche après s’être perdu hors-piste pendant une semaine à l’hiver 2017 en Colombie-Britannique, a franchi les 650 km du Sentier international des Appalaches entre Matapédia et Gaspé en Gaspésie.

Âgé de 41 ans, l’enseignant d’éducation physique de première et deuxième secondaire à l’école Le boisé, souhaitait franchir la distance en 41 jours. Finalement, il a retranché deux journées. Le Victoriavillois aura mis 39 jours pour parcourir ces centaines de kilomètres dans les montagnes gaspésiennes.

Avec son chien Cali, une femelle d’un peu moins de deux ans, il a entrepris son périple le 26 juin pour le terminer le 19 août.

S’il n’a jamais songé à abandonner, le premier jour l’a cependant forcé à s’ajuster. « Un départ raide, confie-t-il en entrevue avec La Nouvelle Union. La première journée a été très éprouvante en raison notamment de la chaleur, du poids de l’équipement et du dénivelé du sentier. Ça a été ardu. »

Stéphane Boisvert n’a pas pensé à laisser tomber, mais il a songé à s’accorder déjà un jour de congé. Le lendemain, toutefois, après le déjeuner, l’énergie était au rendez-vous. « J’ai continué et finalement, ça a vraiment été une petite journée, de quoi me procurer une énergie et recharger mes batteries », dit-il.

Le randonneur a pris conscience qu’il lui fallait s’adapter, s’accorder des journées de congé, lui qui, en moyenne, marchait une quinzaine de kilomètres par jour.

Vu sa condition, il devait gérer l’environnement. « Pour moi, l’enjeu majeur, c’était l’humidité et l’eau pour mon pied gauche, ma prothèse d’avant-pied. Il y avait des traverses à gué. On devait passer dans de hautes fougères avec la bruine du matin et l’eau qui demeure dans les fougères. Ça a été beaucoup la gestion de tout ça », explique-t-il.

Après l’épuisante traverser de la réserve faunique de Matane, sept jours consécutifs avec de bons dénivelés pour terminer avec un dénivelé négatif de 1300 m sur 14 km, Stéphane Boisvert a privilégié un repos bien mérité. « Ça a était intense, mais ça s’est bien passé. J’ai décidé de prendre une pause de six jour pour soigner mes petits bobos et donner un répit à Cali qui en avait besoin elle aussi puisqu’elle traînait sa bouffe. »

Pour dormir, l’enseignant avait tout prévu et réservé sa place dans les abris, les refuges et les plateformes disponibles tout au long du parcours.

Stéphane Boisvert a évité les grandes précipitations. Il se trouvait à l’abri lorsque tombaient les fortes pluies.

Mais, au final, le Victoriavillois a profité de conditions météorologiques clémentes, à peine trois jours de pluie lorsqu’il se déplaçait sur le sentier. « Côté température, c’était parfait. Il faisait souvent en moyenne 22 et 25 degrés. La nuit, c’était plus frais. J’ai eu froid deux nuits dans la réserve faunique de Matane. Sinon, ça dormait super bien. On a vraiment été béni du côté température », note-t-il, bien que l’humidité ait apporté sa lourdeur dans les derniers jours. « C’était plus lourd et pesant, un bon défi », signale-t-il. 

Beautés de la nature

Sa randonnée lui a permis de découvrir des coins de paradis. Le mont Albert et les Chic-Chocs figurent parmi ses coups de cœur. « Les Chic-Chocs c’est majestueux, c’est beau, mais le mont Albert sort de l’ordinaire au niveau du terrain et du paysage », mentionne-t-il.

Et que dire du Gîte du Mont-Albert!  « C’est vraiment beau et on y mange vraiment bien. Gros souper à l’arrivée, et le lendemain, on a profité du brunch à volonté. On se gâte. La serveuse nous a confié qu’elle reconnaissait les randonneurs qui prennent toujours deux ou trois assiettes. Ça nous prend des calories. J’avais deux assiettes et puis ma troisième, c’était mon assiette de gourmandise, mon bonus », raconte Stéphane Boisvert.

Le randonneur a pu apercevoir la faune lors de sa longue marche gaspésienne. « J’ai vu des orignaux, des porcs-épics, des lièvres et beaucoup de perdrix. Je n’ai pas aperçu d’ours. J’aurais aimé voir des caribous, mais ce n’est pas arrivé. Une fille avec qui j’ai randonné en a vu », relate-t-il.

Durant son périple justement, le Victoriavillois a croisé des randonneurs sur son chemin, mais pas autant qu’il le pensait, une douzaine ou une quinzaine, peut-être, dont le tiers a abandonné en cours de route pour diverses raisons.

Stéphane Boisvert a eu l’occasion de faire un bout de chemin avec Marianne dans la réserve faunique de Matane, mais aussi avec Adèle, une randonneuse de France revenue l’aider pour le parc de la Gaspésie. Il les appelle ses sherpas. « Elles m’ont permis de m’alléger côté poids. Elles ont pris sur leurs épaules un peu de mon équipement », souligne-t-il, tout en précisant « les beaux contacts humains » qui se créent sur le sentier.

Des membres de la famille de Stéphane l’ont aussi accompagné pour certains tronçons, passant ainsi une partie ou toute une journée avec lui.

Tout est possible

Stéphane Boisvert dit retenir de son aventure qu’il lui reste plein de belles choses à accomplir dans la vie. « Bien souvent les barrières, on se les impose soi-même.

Souvent tout est possible, réalisable, faisable, parfois il ne faut qu’ajuster le plan, exprime-t-il. Moi ce que j’ai fait, c’était faisable, c’était juste plus long, plus lent. »

Conscient qu’il imposait en quelque sorte un rythme aux randonneurs qui l’accompagnait un certain temps, en même, se dit-il, cela leur permettait « de ralentir, d’apprécier d’être plus contemplatifs et non dans la performance. Ça m’a permis justement d’en profiter. Auparavant, j’étais davantage dans la performance. Maintenant je suis beaucoup dans la contemplation. Et j’y vais à mon rythme. »

Le marcheur revient de la Gaspésie enchanté, très satisfait et fier. « Au-delà des attentes, au niveau des paysages, du sentier et des gens rencontrés, commente-t-il. 

Stéphane Boisvert a particulièrement apprécié le partage vécu dans plusieurs abris. « On y trouve un petit cahier, souvent, et cela permet de laisser une trace. C’est cool, mais à certains endroits, il n’y en avait pas. C’est comme s’il manque quelque chose. On y prend goût à laisser une trace et à lire les impressions des autres, les commentaires des gens. C’est une belle partie du sentier. Cela devient comme une petite routine », souligne-t-il, ravi d’avoir pu traverser la Gaspésie de cette façon. « C’est vraiment un beau coin de pays. Un gros plus, chapeau aux bénévoles du sentier qui travaillent fort à l’aménager, à l’améliorer pour l’expérience du randonneur. S’il y a toujours place à amélioration, en général, c’est véritablement un beau sentier au niveau du parcours, du dénivelé, des paysages différents et leurs variétés », précise-t-il, tout en saluant la Sépaq (Société des établissements de plein air du Québec) pour son ouverture et sa réglementation permettant la présence des chiens d’assistance.

Documenter l’expérience

Oui, Stéphane Boisvert se dit satisfait d’avoir relevé ce défi pour lui, mais aussi pour promouvoir l’activité physique, la nature et mettre en lumière les quatre organismes qu’il appuie et qu’il a à cœur, à savoir Psy’chien, le Centre de prévention suicide Arthabaska-Érable, Rando-Québec et le Réseau autonomie santé.

À cet effet, la campagne GoFundMe, au moment de l’entrevue, avait permis d’amasser tout près de 2150 $ sans compter les dons qui ont pu être faits directement auprès des organismes.

Le randonneur indique qu’il continuera à recueillir des dons jusqu’au début d’octobre. Il documentera aussi avec photos et commentaires sur sa page Facebook, chacune de ses 39 journées passées sur le Sentier international des Appalaches.

Stéphane Boisvert  peut dire mission accomplie!  « Tant mieux si j’ai pu avoir inspiré des gens ou mes élèves à faire fi des limites, à ne pas s’arrêter aux obstacles. On est capable, parfois il faut juste faire le premier pas, un peu comme en randonnée, un pied devant l’autre et on avance », conclut-il.