Marie-Claude Girard et Martin Brûlé investis d’une mission de revalorisation

Un couple de Victoriaville, Marie-Claude Girard et Martin Brûlé, s’est investi dans une mission de revalorisation, celle de donner une deuxième vie à des manteaux en recyclant la fourrure et le cuir pour en confectionner des mitaines. Et ça fonctionne merveilleusement bien. Leur produit trouve preneurs un peu partout dans le monde.

Dire que tout a commencé en début de pandémie, en mars 2020, alors que le premier ministre François Legault invitait les Québécois à se réinventer. Marie-Claude Girard, une travailleuse autonome dans la distribution, se voyait alors au chômage temporaire pour un minimum de six semaines. Enfin du temps devant elle pour concrétiser son idée de fabriquer une paire de mitaines en fourrure recyclée et combler ainsi un besoin bien personnel, celui d’arrêter de geler des mains.

Elle sait bien, pour en avoir porté pendant une quinzaine d’années, que des mitaines en fourrure recyclée allient confort et chaleur. « Je n’avais plus les mitaines que j’aimais et qui avaient fait leur temps. L’arrêt de travail en pandémie m’y a fait repenser. J’ai commencé à vouloir m’en faire une pour moi. Mais ça s’est multiplié », raconte-t-elle.

Le processus pour en arriver à un produit satisfaisant a nécessité un certain temps. « Chaque soir on cousait et on allait marcher avec nos mitaines. On analysait les points à améliorer.  Chaque soir une marche et une amélioration. Le jeu de l’essai-erreur. On y est parvenu », souligne Marie-Claude.

Le couple fabrique, en fait, deux mitaines en une. À l’intérieur, une paire en laine, en feutre ou en polar avec un élastique intégré. Elle s’enlève pour être lavée et séchée. Et par-dessus, une mitaine confectionnée avec la fourrure recyclée.

« Tous nos patrons ont été développés pour assurer la meilleure ergonomie pour le pouce. Et il faut que l’élastique soit placé à la bonne place. Quand une mitaine est bien tenue au bon endroit, au poignet, il n’y a pas de perte de chaleur et la main réchauffe l’air dans la mitaine », explique Marie-Claude Girard.

« La conception fait en sorte de fournir aussi une bonne maniabilité à la main », précise Martin Brûlé.

Les premières mitaines confectionnées, Marie-Claude les a baptisées du nom de sa grand-mère Anette puisqu’elle avait utilisé la fourrure de son manteau. Cette façon de faire se poursuit d’ailleurs. « On nomme les mitaines du nom du propriétaire qui a fait don de la fourrure. Et chaque acheteur reçoit le certificat d’authenticité de sa fourrure. Elles ont toutes leur description, le temps de confection, la grandeur. La personne aura toujours le pedigree de sa mitaine », indique Martin.

Marie-Claude a donc commencé avec les « Anette », ces mitaines qu’elle a données à des membres de sa famille. « Ça a commencé par une et ça s’est multiplié », note-t-elle.

Le couple constate, à un moment, qu’ils en sont à 85 paires. L’idée de les vendre a germé. D’où l’idée d’une boutique en ligne à visiter à Artabaska.com. Marie-Claude a trouvé le nom : Art’abaska. Nom qui fait, non seulement référence à la région, mais aussi à l’art. Parce qu’ils sont, en fait, des créateurs. Chaque mitaine est unique, comme une œuvre d’art. Il n’y en a pas deux pareils. Chacune nécessite entre 8 et 25 heures de travail.

En pleine pandémie, le 1er décembre 2020, Martin et Marie-Claude ont placé les 85 paires de mitaines sur leur boutique en ligne. « On les presque toutes vendues en trois semaines pratiquement », signale Martin. 

L’affiliation de la boutique à Etsy lui assure une visibilité mondiale. « On a expédié nos mitaines en Suède, aux États-Unis, en Finlande, entre autres », mentionne Marie-Claude.

« On n’en revient pas, renchérit Martin. La semaine passée, on en a acheminé à Labrador City, à Fort McMurray, au Connecticut et à Fermont. On en envoie aussi beaucoup en Abitibi. »

Le couple victoriavillois apprécie particulièrement se déplacer, dans la mesure du possible, pour aller livrer ses créations aux acheteurs et voir la réaction sur leur visage. « Ça n’a pas de prix », assure Marie-Claude.

Même chose pour tous ces dons de fourrures qu’ils reçoivent presque quotidiennement de familles heureuses de savoir qu’un beau manteau allait avoir une deuxième vie. Marie-Claude Girard et Martin Brûlé aiment bien se rendre sur place pour les récupérer et ainsi rencontrer les familles. « On aime bien aller à leur rencontre. Ça fait partie de la création de jaser avec les gens et de connaître leur histoire, exprime Martin. Il y a vraiment un sentiment quand les gens nous le donnent. Ils nous transmettent quelque chose. On ressort alors le cœur rempli d’amour pour le manteau. »

« Et on en fait de belles créations, énonce Marie-Claude. Lorsqu’on a terminé les mitaines, on leur propose de se les procurer avant la mise en marché sur le Web, s’ils le veulent. »

« Ils sont souvent bien contents que la fierté de leur maman ou de leur grand-maman puisse se transmettre et qu’une personne ait un doux confort avec les mitaines pendant des années encore », confie Martin.

Tout à la maison

Tout se passe au domicile familial, la préparation du manteau, le taillage et autres procédés. Une partie du travail s’effectue au sous-sol, mais la cuisine, avec une belle vue sur l’extérieur, fait aussi office de mini-usine avec les différentes machines en place.  Il y a des machines à coudre, une machine à assembler la fourrure, deux machines à broder à 6 et à 10 aiguilles.

Deux véritables passionnés dans cet art de la récupération. « On aime ça. Ça fait 22 ans qu’on est ensemble. On est des passionnés. On tripe », lance Marie-Claude. « Notre mission, c’est la récupération, c’est de faire renaître la fourrure et la fierté », ajoute le conjoint. 

Le couple a toujours continué à perfectionner son art, à suivre notamment des formations avec des fourreurs de Montréal, entre autres, pour maîtriser les techniques de coupe, de couture, de teinte et de remodelage de la fourrure recyclée.

Outre la confection de mitaines, les Victoriavillois produisent aussi des semelles de suède et de fourrure. « Quand la fourrure n’est pas assez forte pour soutenir une mitaine, on coud une épaisseur de fourrure sur une semelle de feutre. Confort total », assure Martin Brûlé.

Dans une moindre mesure, ils font aussi des coussins. Bref, ils s’arrangent pour qu’il y ait le moins de perte possible.

À l’aube d’une troisième année, la satisfaction se lit sur le visage de Marie-Claude et de Martin. Les 300 paires de la collection de l’an dernier ont presque toutes été vendues. Quelle fierté aussi pour eux d’avoir créé pour la collection 2023 pas moins de 515 paires de mitaines. Des mitaines qui attirent les regards et suscitent des commentaires positifs. « On en a beaucoup dans la boutique en ligne. Les gens choisissent selon leur personnalité, selon leur style. On le voit, quand les gens enfilent leurs mitaines, ils sont contents et fiers », conclut Marie-Claude Girard.