Les avocats de l’aide juridique réclament justice

Les quelque 400 avocats de l’aide juridique, qui exigent la parité salariale avec les procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), poursuivent leurs moyens de pression et exerceront des journées de grève rotative de lundi à jeudi dans différentes régions du Québec.

Les avocats, représentés par deux syndicats, la CSN et la Fédération des avocats de l’aide juridique du Québec (FAAJQ), ont voté pour la tenue de trois journées de grève. « En ce qui nous concerne, on a fixé une journée et demie. En Mauricie-Centre-du-Québec, nous serons en grève mercredi en avant-midi et toute la journée, jeudi. Nous manifesterons, mercredi, au palais de justice de Trois-Rivières avant de faire de même, jeudi, à Québec devant le palais de justice et l’Assemblée nationale », indique Me Jean-Riel Naud, avocat de l’aide juridique au bureau de Victoriaville.

Depuis des décennies, les avocats, dit-il, doivent chaque fois lutter pour obtenir la parité avec leurs vis-à-vis du ministère public. « Depuis les années 1980, nous avions la parité avec les procureurs de la poursuite. Mais une grève de leur part en 2011 a fait en sorte qu’ils ont obtenu un grand rattrapage. Depuis ce temps, déplore Me Naud, on doit toujours se battre, le gouvernement se fait tirer l’oreille. »

À la fin de la dernière convention collective, les avocats de l’aide juridique l’avaient cette parité.

De nouveau, cette fois-ci, les avocats de l’aide juridique réclament le même traitement que les procureurs de la Couronne qui ont obtenu 10% d’augmentation en 4 ans, à savoir 2,5% par année pour la période de 2020 à 2023.

Or, aux avocats de l’aide juridique, Québec propose une augmentation de 6%, soit 2% pour les trois premières années, alors que pour la quatrième, un comité aurait la tâche de déterminer la hausse.

Comme le gouvernement semble faire la sourde oreille, les avocats de l’aide juridique augmentent les moyens de pression. « Pour le moment, l’offre gouvernementale n’a pas bougé. Le gouvernement n’a pas mis beaucoup d’eau dans son vin depuis le début. Nous y allons graduellement avec l’augmentation des moyens de pression. On espère que le gouvernement fasse un bout de chemin de son côté », exprime Jean-Riel Naud, tout en soutenant que la parité est essentielle et qu’il en va de la crédibilité des tribunaux dans l’esprit des gens. « Comment pourrions-nous expliquer à notre société que les avocats portant les accusations méritent un salaire plus élevé que ceux qui défendent les droits et libertés des personnes vulnérables? Quel message cela envoie? Ça ne passe pas. On ne voit pas pourquoi les avocats qui accusent auraient un traitement différent, ce sont les mêmes causes, devant les mêmes juges, les mêmes cours de justice. On ne comprend pas pourquoi ceux qui accusent devraient être privilégiés par rapport à ceux qui défendent les citoyens », lance-t-il.

Les avocats de l’aide juridique estiment que leur travail demeure méconnu dans la population en général. « Les avocats de l’aide juridique ont pour mission de défendre les droits des personnes moins bien nanties, souvent vulnérables comme, entre autres, les enfants, les familles monoparentales et les personnes ayant des problématiques de santé mentale ou de toxicomanie. Ces personnes doivent faire confiance aux avocats qui les représentent et pour ce faire la parité doit être une priorité pour notre gouvernement », plaide Me Naud.

« Pour que la population maintienne sa confiance en notre système de justice, ajoute-t-il, celui-ci doit être équitable. »

La reconnaissance par le gouvernement de la parité entre l’aide juridique et le DPCP réparerait, selon Me Naud, l’image négative de ce système dans lequel les moyens de l’État semblent privilégiés par rapport à ceux des citoyens. « Cela démontrerait aussi que le gouvernement reconnaît que les valeurs, telles que la compassion, la bienveillance, la réhabilitation, l’inclusion et la lutte contre les inégalités sociales, sont des valeurs essentielles au bon fonctionnement d’une société et d’un système judiciaire », a fait valoir Jean-Riel Naud.

Ce dernier précise les nombreux aspects du travail des intervenants de l’aide juridique. Les avocats, note-t-il, sont les premiers impliqués dans les dossiers qualifiés de prioritaires par le gouvernement, à savoir les dossiers en droit de la jeunesse, en matière de violence conjugale ou sexuelle, de santé mentale et de rénoviction. « Si le gouvernement est sérieux dans sa volonté d’améliorer les choses dans ces domaines, il est incompréhensible qu’il refuse de reconnaître le travail des avocats de l’aide juridique à sa juste valeur », affirme Me Naud.

Ces avocats, fait-il remarquer, sont régulièrement nommés par les juges pour procéder aux contre-interrogatoires des victimes ou des enfants lorsque des accusés décident de se représenter seuls. « Ce travail est primordial, assure-t-il, puisqu’il permet de faciliter le passage des victimes et témoins vulnérables à la cour et ainsi augmenter leur confiance envers le système judiciaire. Nous représentons également plusieurs personnes qui autrement se représenteraient seules, faute de moyens. Nous veillons ainsi au respect de leurs droits en plus d’assurer l’efficacité des tribunaux, ce qui profite à toute la société en aidant à optimiser les délais judiciaires. »

Les avocats de l’aide juridique, fait valoir Me Naud, sont des professionnels passionnés par leur travail visant à assurer une juste représentation des individus devant les tribunaux. « Nous avons une oreille attentive et à l’écoute des besoins de nos clients, une clientèle vivant de grandes inégalités sociales, et sans jugement, jour après jour, nous nous assurons que les personnes soient représentées avec compétence et rigueur devant les tribunaux, peu importe leurs moyens financiers. Nous avons choisi ce travail, car nous croyons en une justice équitable pour tous et non seulement pour ceux qui en ont les moyens. Nous espérons que le gouvernement partagera également cette vision de la justice », conclut-il.