L’enfant qui avait un monstre dans la tête

Voici l’histoire d’un petit garçon de 6 ans, Gianni, qui s’est retrouvé avec une méchante saloperie dans le crâne, une tumeur au cerveau pratiquement de la grosseur d’une balle de softball. Mais c’est beaucoup l’histoire de Cynthia Mariani, cette maman de trois enfants qui remue ciel et terre pour sauver son fils et prendre soin de sa famille.

Il y a aussi dans cette histoire, la maladie, la pandémie qui a tout chamboulé, l’incompréhension des proches, le sentiment de ne pas être cru et le besoin d’aide non comblé. « Durant toute la période précédant le diagnostic, avant qu’on décèle la tumeur, nous nous sommes sentis trahis, abandonnés. Nous ne nous sommes pas sentis entendus et nous avons subi des jugements incroyables », exprime Cynthia Mariani, dont la vie s’est arrêtée à l’été 2020.

À ce moment, le petit Gianni, que ses proches surnomment affectueusement Gi-Gi, avait 4 ans. Il a commencé à aller moins bien, à présenter des affections neurologiques, comme la perte de réflexe. « Un matin, à son réveil, il n’était comme plus là. Et c’était assez fréquent », se souvient la maman.

Pourtant, les médecins consultés laissent entendre que l’enfant semble en parfaite santé, qu’il a peut-être besoin seulement d’un peu d’espace.

Ce qui entraînera la mise en vente de la résidence montréalaise et le déménagement à Victoriaville après de nombreuses recherches et visites de maisons.

La famille se rapproche ainsi du père de Cynthia, propriétaire d’une ferme, et de sa mère qui habite à proximité avec son entreprise à Warwick.

Cynthia a toujours pu compter sur sa mère qui, d’ailleurs, lui a prêté sa roulotte et un véhicule. « J’ai une mère extraordinaire qui ferait n’importe quoi. Tout ce qu’elle peut faire, elle va le faire. Le maximum d’aide qu’elle apporte, c’est émotif, c’est de donner tout l’amour du monde à mes enfants sans jugement. »

Cynthia Mariani dit avoir compris en janvier 2021 que son garçon avait quelque chose à la tête. « Mon fils est tombé malade au moment où ça n’allait pas bien dans les hôpitaux. La COVID prenait beaucoup de place et faisait ombrage aux enfants malades », observe-t-elle.

Ainsi, avec les restrictions sanitaires, les nombreux rendez-vous reportés, l’examen IRM (imagerie par résonance magnétique) a tardé. Il s’est écoulé 17 mois entre les premiers symptômes et l’examen.

Finalement, en novembre 2021, l’examen, effectué à l’Hôpital de Montréal pour enfants, révèle la présence de l’immense tumeur au cerveau. « Les médecins ne s’attendaient pas à ça. On n’est pas sorti de l’hôpital. L’opération a été pratiquée et la tumeur a été retirée », relate la maman de Gianni qui ne souhaite pas s’attarder sur le fait que le diagnostic a tardé. « Ce qui est important, c’est maintenant, confie-t-elle. J’ai un enfant qui ne souffre plus d’une masse importante dans sa tête. J’ai un enfant capable de vivre un bonheur sans avoir mal. Avant le retrait de la tumeur, la pression exercée lorsqu’il ressentait des émotions de bonheur le faisait souffrir. »

Contrairement à ce qu’ont pu penser certains, l’enfant n’était pas tannant, ni énervé ou agité. Sa condition expliquait son comportement.

Malgré l’intervention chirurgicale, le jeune garçon éprouve certains troubles. « Il a perdu ses aptitudes  du côté gauche et présente des tremblements qui fluctuent », fait remarquer Cynthia qui ne cesse de se démener depuis la sortie de l’hôpital.

Jusqu’en février, c’était une visite par semaine à Montréal pour des soins.

Heureusement, Gianni a pu obtenir un rendez-vous à Victoriaville au centre de réadaptation. Or, malgré ses difficultés respiratoires, l’enfant doit porter le masque, mesures COVID obligent. Il en vient à se refermer, à ne plus vouloir collaborer. Mutisme complet. « Il s’est mis à refuser les soins et à moins bien aller. Je le voyais malheureux, souligne la maman. Ce n’était plus le petit bonheur que je connaissais. »

Suivant la recommandation de deux médecins, Cynthia et sa petite famille se dirigent vers la Floride. Aucunement pour des vacances, comme certains ont pu croire, mais pour que l’enfant malade puisse profiter d’une piscine sachant que cela lui ferait le plus grand bien.

Ils y ont séjourné sept semaines, les cinq premières passées en cavale d’un hôtel à l’autre ne pouvant louer plus de trois jours à la fois. La maman passe des nuits à élaborer des plans A et B et à tenter de trouver le prochain lieu pouvant convenir jusqu’à ce qu’elle se décide de raconter la situation familiale à un tenancier qui accepte de leur louer pour deux semaines, à coût réduit, un emplacement près de la piscine de l’établissement.

La mère de famille a pris conscience que de purs inconnus, des gens croisés dans la vie, apportent une aide précieuse, contrairement à des proches et même des membres de la famille.

Il y a aussi cet homme, signale Cynthia, qui lui revend à très bon prix de nombreux « lego » qui amusent et occupent grandement son fils aîné.

Besoin d’aide?

Quand on lui demande ce qu’elle aimerait comme aide, Cynthia Mariani hésite. Elle n’ose pas demander de l’aide par peur de l’échec, de la déception trop souvent au rendez-vous. « Je ne sais pas ce que je cherche. Je ne recherche rien, en fait. Mais j’ai réalisé à quel point il est difficile d’avoir de l’aide. Et j’ai constaté que, lorsque tu priorises vraiment à t’en sortir, tu t’éloignes des gens, tu deviens vite isolée et il devient difficile d’expliquer pourquoi tu te retrouves dans un ravin », exprime-t-elle.

De l’aide, elle en a cherché. « J’ai tenté de trouver une femme de ménage, mais j’ai cessé, car il m’est difficile de gérer l’échec. Partout où l’on cogne, c’est saturé. Il m’a fallu une semaine pour trouver quelqu’un pour les joints de la roulotte », précise-t-elle.

Au fil de la conversation, elle glisse qu’il lui faudrait quelqu’un pour peinturer le revêtement extérieur en bois de la maison.

Les démarches n’en finissent plus pour Cynthia qui a mis deux mois à trouver un prof privé pour que son fils puisse s’adonner à la gymnastique.

Elle a aussi contacté un groupe de tennis pour permettre à Gianni de vivre et de faire des choses pour se réhabiliter. Le conseiller municipal James Casey a répondu rapidement.

La maison a été équipée de matériel pour aider le bambin. « J’ai compris que mon fils a besoin d’un environnement de réadaptation, pas seulement de soins de temps à autre. Si on ne le fait pas, on constate les résultats, comme les tremblements », dit-elle.

Elle en déploie beaucoup d’énergie la maman à s’occuper de son fils malade, mais aussi de ses deux autres enfants, à gérer les rendez-vous, à multiplier les appels téléphoniques. Du temps plein. « Notre situation, c’est une série de sacrifices, de choix basés sur nos enfants », mentionne-t-elle.

Cynthia l’avoue. Elle est vraiment fatiguée, à terre, et peine parfois à garder la tête hors de l’eau. Mais jamais elle ne baissera les bras. « Peu importe que je sois à terre, je continuerai de remuer mer et monde pour mes enfants. Il n’y a pas de fin à ça », assure-t-elle, tout en signifiant ne pas avoir d’attente.

« J’aurais eu besoin que les gens autour de nous se mobilisent, qu’on m’appelle pour savoir, par exemple, si je souhaitais aller au restaurant, ou pour qu’on vienne à la maison », expose-t-elle.

L’aide qu’elle imagine n’est pas monétaire parce que pour ses enfants, dit-elle, elle inventerait tout l’argent du monde. Elle n’a pas hésité d’ailleurs à réhypothéquer la maison pour le séjour en Floride. « Dans mon for intérieur, je me dis qu’on devrait peut-être la vendre. Mais je ne le ferai pas. C’est la première fois qu’on se sent chez nous. Je sais que je n’ai pas à la vendre parce que le système, trop rigide, devrait nous aider. Les gens autour de nous devraient comprendre que j’ai un petit garçon qui avait un monstre dans la tête, que la science ne comprend pas comment il a pu survivre. La seule réponse que j’ai, et je n’en aurai jamais la preuve, c’est une série de sacrifices qui fait qu’il est encore là aujourd’hui, en mesure de parler et de marcher. Il ne mérite pas de séquelles inutiles », soutient la maman qui mise le tout pour le tout. « Je ne commencerai pas à me plaindre que je doive dépenser beaucoup d’argent pour sauver mon fils. Une vie n’a pas de prix. »

Son enfant a besoin d’un neurologue, d’un pédiatre, d’un médecin de famille. Les parents veulent savoir, avoir des réponses sur cette lésion découverte lors d’une IRM en janvier. « Ça ne fait aucun sens de ne pas être appuyé plus que ça, estime Cynthia Mariani. Intérieurement, je continue de crier que mon fils mérite que ça s’arrête, que sa vie devienne simple. Il mérite vraiment que sa vie continue d’aller dans le bon sens, de pouvoir juste être un petit garçon heureux qui joue avec d’autres enfants sans avoir la tête qui explose. »

En se confiant publiquement, la Victoriavilloise souhaite sensibiliser en quelque sorte les gens à l’écoute des autres. Elle a récemment commencé, avec des publications sur Facebook (Cici Lil-Footprints), à parler de son fils et de son histoire. Et des gens ont aussi lancé une campagne de financement Gofundme (Brain tumor warrior).