La résidence Ferland devient un immeuble pour personnes autonomes

Faute de moyens financiers, la résidence Ferland de Danville cessera d’offrir des soins à ses résidents pour devenir un simple service de logement.

Vingt-cinq personnes habitent les lieux et au moins 13 d’entre elles devront être relocalisées. Ken Cardinal, gestionnaire propriétaire de l’entreprise, ne pouvait plus continuer à offrir davantage de services. « C’est dû à l’inflation. Nos coûts d’exploitation ont explosé. La nourriture a plus que doublé. La main-d’œuvre qui était à 15 $ l’heure est rendue à 24-25 $ l’heure. Et avec la pénurie de main-d’œuvre, tout le monde vend sa salade pour avoir des employés. Les coûts d’exploitation augmentent, mais le revenu des résidents n’augmente pas. Environ le tiers de notre clientèle n’a pas 70 ans et tombe dans une catégorie plus difficile. Ils ont besoin d’aide et de soins, mais ils n’ont pas les crédits d’impôt ou les revenus pour avoir les services. »

M. Cardinal indique que le loyer de base ne peut pas augmenter de plus de 5% par année et que même s’il augmentait le prix des services, ce ne serait pas viable. « Quand on connait les revenus de nos résidents, on sait qu’ils ne peuvent pas donner plus. On a essayé de trouver des subventions, mais on n’a pas été capables d’aller chercher des revenus assez importants pour donner les soins. »

L’aide au bain, la toilette partielle, la distribution et la gestion de médicaments, l’entretien ménager et la préparation des repas sont quelques exemples de ce que les résidents devront désormais assumer eux-mêmes, par l’embauche de ressources externes. « On va devenir des logements locatifs. On va louer des chambres. On a parlé avec différents entrepreneurs pour qu’ils offrent [indépendamment] des services d’alimentation et d’entretien ménager », précise M. Cardinal.

Quand il a acheté l’entreprise il y a deux ans, il était loin de s’imaginer en arriver là. « C’est une résidence qu’on croyait pouvoir sauver. On l’a reprise en main, on l’a remplie et exploitée. Mais on a commencé à avoir de la misère à avoir du personnel, puis à arriver financièrement à cause de l’inflation. Notre intention est de continuer d’opérer à long terme, notre domicile est même sur place. Il faut séparer le cœur et la tête présentement à cause de l’aspect financier, mais c’est une vraie passion qu’on a pour les gens, ça fait des années qu’on s’occupe de personnes âgées et de gens qui ont besoin d’aide. De ne pas pouvoir travailler dans notre passion, je trouve ça difficile. »

Se reloger 

Victoriaville, Sherbrooke et Warwick ont levé la main pour accueillir des résidents, soutient M. Cardinal. « Les premières démarches de notre travailleur social étaient pour trouver des logements dans la région, mais il n’y a pas beaucoup d’endroits où des soins sont offerts. C’est ça l’enjeu. On a aussi une ressource intermédiaire et une autre résidence pour personnes âgées à Sherbrooke et Asbestos. On a gardé des chambres disponibles pour pouvoir accueillir le plus de gens possible. On a essayé d’offrir une autre option aux familles si elles ne trouvaient rien dans leur secteur », dit Ken Cardinal. « À partir du 1er août, on n’a plus le droit d’offrir des services. Naturellement, si on est mal pris et que nos usagers n’ont pas pu être relocalisés, ça va nous faire plaisir d’aider la transition. C’est quand même notre monde, on veut en prendre soin jusqu’à leur départ et c’est certain qu’on va s’en occuper », ajoute-t-il.

M. Cardinal ajoute que pour certains employés, la nouvelle vocation de l’établissement correspond à une grande perte. « Il y en a une, à l’entretien ménager, qui est là depuis plus de 20 ans. Dire au revoir à son emploi de 20 ans, c’est quelque chose. »

Il ajoute avoir échangé sur sa réalité avec des propriétaires d’autres résidences dans la région qui partagent sa réalité. « On aime ce qu’on fait, mais ça coûte trop cher pour le faire avec les moyens des usagers. Dans notre secteur, il y en a plusieurs qui ont fermé. Il va falloir qu’on se fasse entendre, parce que le problème est là, ça fait peur. Je ne sais pas quelle est la solution, rendu là. Mais il faut se demander ce qu’on peut faire. »

« Pas une première »

Le député de Richmond, André Bachand, rappelle que la transformation de cette RPA n’est pas une première en région. « On a eu aussi la résidence Saint-Philippe à Windsor [qui a fermé ses portes]. Ce sont des RPA qui avaient besoin d’amour. C’était annoncé, on savait que la résidence Ferland avait des problèmes de rentabilité », mentionne-t-il, ajoutant que le CIUSSS suit la situation « de très près ».

« On sait qu’il y a une modernisation à faire, c’est pourquoi on met beaucoup d’argent dans les Maisons des aînés et dans la reconversion des CHSLD privés », poursuit-il, assurant que « les gens sont pris en charge, ce n’est pas une fermeture sauvage ». Selon lui, il est avantageux financièrement pour des propriétaires d’offrir des logements sans service. « Ce qui arrive, et je ne parle pas de la résidence Ferland, mais c’est que des RPA décident de changer de vocation, car c’est plus payant d’offrir des logements que [d’opérer] une résidence pour personnes âgées. C’est moins de responsabilités. Ce n’est pas nouveau. C’est pourquoi il faut continuer comme gouvernement pour travailler à offrir plus de places à nos personnes âgées », analyse-t-il ne pouvant pas « empêcher la conversion de RPA ».

La Tribune