La mobilité durable au cœur des échanges à Victoriaville

Le Centre des congrès de l’Hôtel le Victorin de Victoriaville est le théâtre, aujourd’hui, mercredi, du Forum interrégional sur la mobilité durable organisé, dans le cadre du projet Climat de changement, par les conseils régionaux de l’environnement des régions Mauricie, Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Estrie et Montérégie.

« Je suis heureux de voir autant de gens intéressés à la mobilité durable », a dit, d’entrée de jeu, le président du Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec et maire de Baie-du-Febvre, Claude Lefebvre.

« Il existe toutes sortes de solutions en mobilité durable, il y a tellement de choses. Il faut être capable de se faire une tête, voir ce qu’on est en mesure d’instaurer et qui saura rallier les gens, car ce qu’on veut, c’est que les gens embarquent et qu’ils en viennent à laisser leur auto à la maison ou, à la limite, de n’en posséder qu’une seule », a-t-il souligné.

Prenant ensuite la parole, le maire Antoine Tardif s’est dit fier d’accueillir les participants à Victoriaville, « le berceau du développement durable avec l’ambition de passer éventuellement du berceau au lit king ». « Mais pour y arriver, a-t-il noté, des journées comme celle d’aujourd’hui vont nous permettre d’avancer, d’avoir un impact plus important sur notre environnement et la mobilité des gens. »

Le premier magistrat a insisté sur cet « enjeu crucial » que représente la mobilité durable. « Au Québec, plus de 40% des gaz à effet de serre proviennent des transports. C’est un enjeu sur lequel on doit se pencher et Victoriaville souhaite être un leader et un modèle inspirants », a-t-il confié, citant en exemple le réseau cyclable de la ville totalisant plus de 100 km, dont 75 km déneigés en saison hivernale.

« Promouvoir les saines habitudes de vie et le transport actif constitue une valeur présente de plus en plus », a-t-il soutenu, tout en ajoutant que la Ville était à la veille de lancer deux nouvelles applications de transport qui « vont complètement révolutionner le transport à Victoriaville ».

Conférences et panels

L’organisation du forum a invité des spécialistes en la matière pour traiter notamment des défis, des enjeux et des perspectives en matière de mobilité durable.

Docteur en génie des transports, Jérôme Laviolette a notamment évoqué le concept de la dépendance à l’auto, mais aussi de cette culture où l’on considère l’automobile comme un « symbole de réussite, de performance et de plaisir ».

Une telle culture, a-t-il signalé, rend difficiles les changements de comportements. « On constate même une opposition parfois viscérale vis-à-vis les mesures visant à restreindre l’utilisation de l’automobile », a-t-il dit, tout en précisant que tout le système est pensé pour l’auto.

Ainsi, au Québec, les dépenses annuelles liées à l’automobile atteignent, selon lui, 33 milliards de dollars.

L’automobile générant diverses conséquences négatives, notamment sur l’environnement, l’idée d’investir dans la mobilité durable peut permettre de réduire ces conséquences, a-t-il suggéré.

Les tendances actuelles ont de quoi susciter des inquiétudes, a évoqué le docteur, en indiquant l’augmentation, depuis 20 ans, du nombre des véhicules.

La population des véhicules augmente plus rapidement que la hausse de la population. Il se vend des véhicules toujours plus gros, plus lourds et plus chers.

Et il constate, depuis la pandémie, un recul important du transport collectif. « On ne va pas dans la bonne direction », a-t-il fait remarquer.

Jérôme Laviolette a soulevé également de nombreux enjeux, comme la résistance aux changements, au développement des réseaux cyclables, à des réaménagements de rues et la poursuite du développement autoroutier.

Le docteur affilié à la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal a, de plus, observé qu’en région, il n’existe que peu de contraintes à l’automobile, comme l’absence de congestion. Il y aurait lieu, selon lui, d’ajouter certaines contraintes pour amener les gens à adopter de nouveaux modes de transport.

Il a exposé également le potentiel de marche et de vélo dans certains milieux, comme Victoriaville où 60% des gens se trouvent à une distance de moins de 5 km de leur travail.

À la période de questions, l’impact de la publicité automobile, évaluée à 500 M $ au Québec, a été soulevé. Aucun État, à sa connaissance, n’a interdit la publicité, mais la France a posé certaines balises, a-t-il fait savoir.

Le principe d’une taxe pouvant garnir, par exemple, un fonds destiné à la promotion de la mobilité durable, n’aurait pas non plus été adopté ailleurs.

À la question « On commence par où? », Jérôme Laviolette a soutenu que « pour y arriver, il fallait agir sur tous les fronts pour changer le paradigme en faveur de la mobilité durable », à commencer par l’aménagement du territoire. « L’étalement urbain ne peut plus continuer. Et si on continue d’investir dans le développement routier, on ne pourra jamais inverser la tendance », a-t-il fait valoir.

Une guerre à l’auto solo

Après l’exposé d’Alexandre Demers du Conseil régional de l’environnement de l’Estrie qui a fait part du projet Embarque Estrie, un outil Web de la mobilité durable, Catherine Morency, titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes, s’est amenée au micro.

« On sait ce qu’il faut faire, et il faut le faire », a-t-elle exprimé, tout en manifestant son inquiétude en lien avec ce qui se passe un niveau provincial. « Il faut que les messages d’en haut, du gouvernement, soient cohérents avec les cibles. Les bons choix doivent être soutenus et valorisés », a-t-elle souligné.

La chercheuse n’hésite pas à parler d’une « guerre à l’auto solo », déplorant que l’on continue à encourager un système qui ne fonctionne pas. L’automobile est un objet qui s’individualise, a-t-elle observé. « Il faut cesser le système qui priorise l’auto. Mais s’il n’y a pas de contrainte, on ne s’aide pas. Pour bien agir, on doit comprendre les besoins de mobilité », a-t-elle énoncé.

Catherine Morency a, par la suite, pris part à un panel aux côtés d’André Lavoie, directeur général de Roulons vert et de Pier-Olivier Morissette, coordonnateur de la division des transports et responsable de la mise en œuvre du Plan de mobilité durable à la Ville de Victoriaville.

M. Morissette a notamment évoqué la sensibilisation du conseil municipal aux enjeux de développement durable et de mobilité durable. « À un moment, des décisions doivent se prendre, et parfois cela nécessite des décisions plus courageuses », a-t-il confié.

Il a d’ailleurs évoqué la mise en place de Taxibus il y a 20 ans. « Une merveilleuse idée qu’on est en train de remettre au goût du jour avec les nouvelles applications », a-t-il dit.

En 2019, avant la pandémie, Taxibus enregistrait 255 000 déplacements annuels.

Présentement, depuis trois semaines, la nouvelle application est en rodage. « La demande est là. On enregistre de 900 à 1000 déplacements quotidiens », a précisé Pier-Olivier Morissette.

On observe également, selon lui, une augmentation du taux de jumelage se situant au-delà de quatre par véhicule.

Par ailleurs, les villes ont aussi, selon lui, un rôle à jouer au niveau des aménagements physiques. Victo s’est doté, a-t-il noté, de deux outils : un plan directeur pour le réseau cyclable et un autre pour le réseau piétonnier. « Cela permet d’établir les tracés, ce qu’on veut faire, et de les prioriser par la suite dans un horizon de cinq ans. Tout est planifié. Ça permet de faire un lien entre la planification venant d’en haut et les opérations sur le terrain », a expliqué M. Morissette, signalant au passage l’engagement du conseil, pour les cinq prochaines années, à consacrer un minimum d’un million de dollars dans le transport actif.

En après-midi

Après la pause du dîner, le forum reprenait avec les conférences de Florence Paulhiac, professeure au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal et de la directrice générale adjointe de MobilityData, Elizabeth Poirier-Defoy.

La gestion de la demande en mobilité durable, mais aussi des données relatives au déplacement, voilà les thèmes abordés.

Pour conclure le forum,  l’enregistrement d’un épisode du Balado de Fred Savard, cofondateur des Zapartistes et de La Soirée est encore jeune, au sujet de la dépendance à la voiture et de l’urgence climatique. « Quel avenir pour nos transports collectifs?

Fred Savard aura comme invité, à 15 h, le docteur Jérôme Laviolette et Geneviève Dick, conseillère en développement des communautés à la MRC la Haute-Côte-Nord.