La bataille de Martin Houle a porté fruit

Derrière le groupe Parents pour toujours qu’il a fondé avec Marie-France Beaudry, le Victoriavillois Martin Houle n’a pas ménagé ses efforts ces dernières années dans cette lutte menée au bénéfice des parents d’enfants en situation de handicap. Son travail a été couronné de succès. Et on l’a même honoré de la médaille de l’Assemblée nationale.

L’homme se réjouit des retombées positives que procurent les gains obtenus à de nombreuses familles, mais toute cette besogne, il l’a d’abord abattue pour servir ses propres intérêts. Lui-même est le papa de Mélodie, 20 ans, son enfant en situation de handicap. Sa fille, qu’il a en garde partagée avec la mère, il souhaite la garder à la maison le plus longtemps possible. « Ce que nous voulions, au départ, c’est un salaire, une certaine rémunération, confie-t-il. Nous trouvions injuste notre situation comparativement à une personne gérant une résidence pour s’occuper des personnes handicapées adultes et qui touche, selon nos recherches, quelque 54 000 $. »

Fils d’un mineur d’Asbestos (aujourd’hui Val-des-Sources), Martin Houle a déménagé à Victoriaville il y a 18 ans. Du bénévolat, il en fait depuis 17 ans. Tout a commencé avec le centre de stimulation L’Envol qui a beaucoup fait pour sa fille, comme nous le verrons plus tard. Il n’a pas hésité à occuper un siège au conseil d’administration quand un poste s’est ouvert. Il a aussi fait partie du conseil d’établissement de l’ancienne école Massicotte, aujourd’hui La Myriade, et du CA de la maison de répit L’Ami-Temps. « J’ai beaucoup œuvré dans les syndicats, mais j’ai voulu me concentrer sur les personnes handicapées », précise-t-il.

Ainsi on ne s’étonnera pas de son engagement auprès de Marie-France Beaudry et qui a mené à la mise sur pied de Parents pour toujours. « Je l’ai d’abord vue sur Facebook. Elle tentait de mousser une pétition en faveur des personnes handicapées de 18 ans et plus qui ne disposaient d’aucune aide, sinon la solidarité sociale pour les personnes inaptes au travail, comme c’est le cas pour ma fille », souligne-t-il.

Fort d’un bon réseau de contacts et faisant partie de différents groupes, Martin Houle s’est mis au boulot pour faire lever cette pétition. Il a relevé le défi. « On a réussi à rejoindre tout près de 7000 personnes. On l’a déposée le 11 mai 2017. C’était alors la plus grande pétition électronique à avoir été déposée à l’Assemblée nationale. Nous en étions bien fiers », note-t-il, tout en rappelant qu’ils avaient été parrainés par le député François Paradis (devenu plus tard président de l’Assemblée nationale).

Élection de la CAQ

Martin Houle n’a que de bons mots pour le député d’Arthabaska, Eric Lefebvre, « un homme de cœur qui se trouve sur mon chemin depuis que je suis à Victoriaville ».

C’est sur les indications d’Eric Lefebvre qu’il a pu, un bon jour, bénéficier de l’aide d’une fondation pour l’achat de biens pour aider sa fille Mélodie. C’est encore lui qui l’appelle l’informant que le frigo d’un ami a brisé et qu’il lui offre sa viande plutôt que de la perdre. « Il savait que j’avais des besoins. Il a toujours été là pour moi », raconte Martin Houle. Aussi, après l’élection qui a porté la CAQ au pouvoir à l’automne 2018, Martin Houle contacte le député Lefebvre pour lui faire part du dossier, tout en lui confiant que les démarches avaient échoué avec les libéraux. « Eric m’a dit qu’il allait s’en occuper », relate-t-il.

La CAQ avait cependant déjà été sensibilisée aux revendications du groupe avant même l’élection. Au cours de l’été précédant l’élection, Martin Houle et un groupe de parents avaient accepté de se rendre dans le comté de Soulanges pour mousser la candidature de Marilyne Picard. « On m’avait dit qu’il y aurait peut-être quelque chose d’intéressant. Nous y avons rencontré François Legault et sa conjointe qui ont été émus en présence d’enfants lourdement handicapés. Il s’est montré très empathique et nous a assurés qu’il n’allait pas nous laisser tomber. Il m’inspirait confiance », exprime Martin Houle.

Après l’élection, Eric Lefebvre le rassure en soutenant que tout allait bien aller. Rapidement, une rencontre a eu lieu avec Lionel Carmant nommé ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et la députée Marilyne Picard. « On a échangé, discuté des besoins et précisé ce qu’on avait fait jusque-là. On a senti une volonté chez le ministre », se souvient le Victoriavillois d’adoption. Plus tard, une autre rencontre survient, à Montréal cette fois, à laquelle prennent part des représentants des ministères de la Famille, de la Santé et Services sociaux et du Revenu. D’autres rendez-vous suivront ensuite. « On discute toujours, ce n’est pas facile. On ne s’entend pas toujours, mais la volonté persiste », indique Martin Houle.

Lui et son groupe vivront des hauts et des bas. Un bon jour, on lui apprend que tout est réglé, qu’une annonce viendra un mois plus tard. Quelques jours après, on lui fait savoir qu’il s’agissait d’une erreur et que la personne en cause avait été congédiée. « Nous n’étions pas contents, admet Martin Houle. Mais je gardais confiance envers Eric Lefebvre qui m’assurait que le dossier aboutirait. »

Nouvelle déception quand, contrairement à ce qu’on leur avait laissé miroiter, rien ne se trouve dans le premier budget que dépose le gouvernement de la CAQ. « Nous étions très déçus, affirme M. Houle. J’ai accepté l’invitation de l’émission Deux hommes en or pour exposer mes revendications. Sitôt l’émission diffusée, Eric Lefebvre m’a appelé pour me féliciter pour mon travail qui allait permettre, selon lui, au dossier de faire son chemin. Il me disait que ça allait venir. Je lui faisais encore confiance. »

Arrive le jour où il est question du programme appelé « chèque emploi service » pour aider les gens souhaitant des services à la maison. « On vous envoie un chèque pour accomplir des heures de travail avec une personne. Ça peut être dans votre famille, chez un voisin ou ailleurs. Je vois dans leur visage que c’est intéressant. Mais, avec moi, ce n’est jamais assez. Je continue à dire qu’on va devoir travailler fort et mettre de la pression », signale-t-il. Toutefois, on l’invite à calmer ses ardeurs, à cesser les pressions parce que le projet est à la veille d’aboutir. L’annonce officielle viendra par communiqué de presse le 23 juin 2020. Un programme de 100 M $ sur 5 ans, à raison de 20 M $ par année pour une entrée en vigueur le 1er juillet 2020. « Être associé à un tel projet de 100 M $, je capote. J’en ai encore des frissons. C’est le plus bel accomplissement de ma vie », exprime-t-il.

Avec ce programme, celui qui travaille chez Armature Bois-Francs avait droit, pour prendre soin de sa fille, à 20,5 heures rémunérées à 19,98 $ l’heure, incluant la prime COVID. Une fois celle-ci enlevée, la rémunération est ramenée à 18,50 $ l’heure. Il a appris, fin mai, qu’une indexation annuelle de 2,83% était accordée, de sorte que le salaire passe à 19,02 $ l’heure. Martin Houle en profite une semaine sur deux, tout comme la maman de Mélodie.

L’allocation, confie-t-il, enlève un certain poids. « Avec un salaire, ça ne devient plus un poids parental, c’est mon travail. Quand j’ai fini de travailler, je redeviens un papa et on s’amuse. Maintenant, dans ma vie, je suis en mesure de séparer le moment où je m’occupe d’elle et le moment où je suis papa. Cela m’a enlevé une tonne de pression sur les épaules », observe-t-il.

L’aide gouvernementale permet une plus grande marge de manœuvre, comme l’achat de vêtements neufs pour sa fille ou encore certaines sorties. « Ça me permet un resto ou un cinéma de temps à autre. Je passe de quelqu’un de très pauvre à quelqu’un capable d’avoir un rythme de vie qui fait du sens », fait-il remarquer.

Certains estiment insuffisante l’aide allouée. « Je me suis dit que c’est un début. On va travailler à bonifier la mesure en favorisant un accès plus large ou à améliorer le montant. Ça nous donne au moins de l’argent et du temps dont on a besoin pour avoir au moins une vie normale. Il s’agit de très bons avantages », note Martin Houle qui a reçu, pour le boulot accompli, un grand nombre de messages de gratitude.

« On m’a maintes fois écrit, M. Houle, vous avez sauvé ma famille. Mais j’ai aussi sauvé la mienne », affirme-t-il. Maintenant il a vraiment le choix. Il n’a pas à décider s’il doit ou non placer sa fille. « Là j’ai le choix, c’est parfait. Mon choix, c’est de la garder le plus longtemps possible, j’ai les outils pour le faire. Le fait de pouvoir garder ma fille, c’est le plus beau cadeau que le monde peut me faire », assure-t-il.

La médaille

Cette médaille, qu’il a reçue dans le salon du président de l’Assemblée, François Paradis, celui-là même qui a soutenu le groupe au tout début, a rappelé à Martin Houle que son père, mineur et syndicaliste, avait aussi foulé le plancher du parlement pour négocier à l’époque du premier ministre Robert Bourassa. « Je me disais que mon père est venu au même endroit pour travailler pour les autres. J’ai réalisé que j’ai un peu suivi ses traces », illustre-t-il.

Sa médaille, Martin Houle la partage avec bien des gens, particulièrement avec Marguerite Bourgeois et les intervenants de L’Envol. On lui avait dit à la naissance de sa fille qu’en raison de son état, ce serait une enfant couchée qui regarderait le plafond. « Je leur dois une bonne partie du bien-être et du développement de mon enfant. Aujourd’hui, elle est capable de faire certaines phrases, elle marche, elle mange par elle-même, parfois avec un peu d’aide », confie-t-il.

Bref, il doit une fière chandelle à L’Envol. « S’ils n’avaient pas été là pour me montrer que dans la vie, ça peut fonctionner même si ça va mal, je pense que je n’aurais pas eu l’énergie pour faire ça », croit-il. Avec ce qu’il a vécu, Martin Houle a réalisé « qu’en s’associant aux bonnes personnes, on peut vivre de très belles choses ». « Ça m’a donné confiance. Aujourd’hui, malgré un certain cynisme, quand j’entends un politicien dire quelque chose, j’ai davantage confiance. J’en vois des élus qui sont là pour les bonnes raisons, comme Eric et Marilyne. Ça m’a donné confiance en la machine. Avec les bonnes personnes aux bonnes places, on peut réussir », conclut-il.