John junior Brisson, l’exemple vivant d’une intégration réussie en emploi

VICTORIAVILLE. John Junior Brisson, un jeune homme âgé de 26 ans aux prises avec une limitation, n’a pas vécu un parcours en emploi de tout repos. Un chemin tortueux même, pourrait-on dire, jusqu’à ce que s’ouvrent, pour lui, il y a un an et demi, les portes de l’entreprise victoriavilloise Dominion & Grimm, spécialisée dans les équipements d’érablières.

À l’occasion de la Semaine québécoise des personnes handicapées, et à l’invitation du Regroupement d’organismes de personnes handicapées du Centre-du-Québec, le www.lanouvelle.net a rencontré, mercredi matin, le jeune homme à son lieu de travail, aux côtés du directeur de l’usine, Robert Dupuis, et des intervenants des services d’aide à l’emploi, Josée Parenteau du SEMO (Service externe de main-d’œuvre), Caroline Pouliot de SPHERE-Québec et de Jocelyn Jutras d’Emploi-Québec.

«On souhaiterait avoir plus d’employeurs pour l’embauche de personnes avec des limitations, souligne Jocelyn Jutras. Mais nous voulons aussi convaincre d’autres jeunes de faire le choix de l’emploi parce qu’il s’agit de la meilleure façon pour une intégration professionnelle et sociale.»

Parcours difficile

Josée Parenteau accompagne John Junior depuis trois ou quatre ans. «Il a connu un parcours très difficile avec des emplois où ça ne fonctionnait pas. Et avec le temps, cela joue sur l’estime de soi», note-t-elle.

Quant à l’école, ce n’était véritablement pas une option pour lui. Junior reconnaît d’ailleurs qu’il n’y était pas très doué.

Josée l’a finalement convaincu de foncer, d’aller cogner aux portes des entreprises tout en donnant l’heure juste. Et Robert Dupuis, que Josée appelle Super Robert, a fait preuve d’ouverture.

«On lui a donné l’heure juste, on lui a mentionné ce qui était difficile avec Junior, comment intervenir avec lui, comment lui parler», explique Josée Parenteau.

Directeur à l’usine qui, à Victo, fabrique spécifiquement un appareil d’osmose ou séparateur, Robert Dupuis souligne que John Junior a frappé à sa porte au bon moment. «On avait besoin de quelqu’un pour accomplir différentes tâches. C’est lui qui s’est présenté, raconte-t-il, et il a obtenu le poste. Avec Josée, on a embarqué dans l’aventure.»

Profitant au départ d’une subvention, Robert Dupuis a donc donné la chance au coureur. Au début, il n’y avait pas d’engagement ferme. Si cela fonctionne, tant mieux, se disait-il.

Et il a remporté son pari. Il n’aura bénéficié d’un appui financier que pendant 22 semaines, alors que d’autres peuvent en profiter pendant un an. Et après quoi, il a embauché Junior comme un travailleur régulier, sans subvention.

Pas un acte de charité

John Junior fait partie de la famille, au même titre que les 14 ou 15 autres employés de Dominion & Grimm. «Si Junior ne faisait pas le travail, il ne serait pas ici. On ne le garde pas par charité, mentionne Robert Dupuis. Il travaille très bien. Il est considéré par toute l’équipe. Il est égal aux autres. Même chose vis-à-vis ses confrères. Personne, ici, ne porte de jugement envers les autres.»

John Junior est là pour rester, soutient le directeur. Junior s’affaire principalement à une scie à débitage, à ruban, débitant des pièces brutes pour pouvoir les manufacturer. «Il a gravi des échelons dans l’usine. La scie exige de la précision, fait remarquer M. Dupuis. Et, depuis qu’il y travaille, ça n’a jamais été aussi bien. C’est le genre de gars qui entretient très bien son équipement. Depuis qu’il s’en occupe, les coûts d’opération de la machine ont diminué.»

À l’automne, par ailleurs, on enverra même John Junior, avec d’autres, suivre un cours de conducteur de charriot élévateur. «Il est capable de s’en servir adéquatement et prudemment. Il doit seulement obtenir son certificat», indiqué le directeur.

Un jeune homme comblé

John Junior Brisson avoue avoir ressenti de l’insécurité en se présentant à l’usine la première fois avec son curriculum vitae en main. «Je cherchais un emploi depuis trop longtemps, se souvient-il. Et j’ai été très heureux quand j’ai appris qu’on me donnait une chance.»

Junior, un type davantage solitaire qui aime bien faire seul ses trucs, a découvert, avec son boulot, le travail d’équipe. «J’ai appris à connaître les employés. On est capable de s’entraider. Il n’y a pas eu de friction», affirme le jeune homme qui a, malgré tout, dû s’adapter, apprendre à mettre de l’eau dans son vin. Il a même réussi à découvrir la zone grise alors qu’auparavant, pour lui, tout était blanc ou noir.

Le jeune homme adore son travail. Il a pu économiser et emprunter pour s’acheter notamment un nouveau véhicule. Il habite un logement et fréquente une amie de cœur. Bref, il mène une vie normale.

Interrogé à savoir quel message il souhaite lancer aux personnes ayant des limitations, Junior, sans hésiter, les invite à foncer. «Si tu n’essaies pas, tu ne le sauras pas. Essayez, insiste-t-il. Faites-vous confiance, sinon vous demeurerez sur l’aide sociale. Et cela n’est pas une vie. Tu dois pousser dans la vie si tu veux quelque chose. J’ai poussé, je pousse encore, et j’ai franchi de grandes étapes. Si on ne se botte pas le derrière, on n’avance pas.»

Robert Dupuis abonde, dans des mots différents. «Aide-toi et le ciel t’aidera!»

Son de cloche similaire chez Josée Parenteau. «Quand on veut, on peut malgré toutes les difficultés», souligne-t-elle, rappelant la relation tendue entre elle et Junior, au départ. «Le début du parcours avec lui s’est fait en grinçant des dents. Mais tu as voulu le faire, Junior, et tu as beaucoup cheminé.»

Message aux employeurs

«Je ne suis pas Super Robert, comme le laisse entendre Josée, affirme Robert Dupuis. Je me suis dit que si j’avais un enfant avec une limitation, je serais heureux que quelqu’un s’en occupe.»

Le directeur d’usine invite les employeurs à l’imiter. «Je leur dis d’évaluer les tâches à faire et à tenter l’expérience. Ils en sortiront gagnants. Et ça devient valorisant d’aider quelqu’un dans un emploi. La richesse d’une personne, c’est de pouvoir travailler et atteindre son autonomie», fait-il valoir, convaincu, d’ailleurs, que tous les employeurs du parc industriel ont sûrement, au moins, une place à offrir à une personne présentant une limitation.