Johanne Therrien, celle qui contribue à la concrétisation de rêves

Figure bien connue des entrepreneurs, Johanne Therrien de la Corporation de développement économique de Victoriaville et sa région (CDEVR) les a accompagnés pendant plus de trois décennies dans leur démarrage et leurs projets d’entreprise. Après 34 ans de loyaux services, Johanne a quitté son travail qu’elle a tant aimé pour profiter d’une retraite bien méritée.

Elle a franchi la porte de son bureau à la CDEVR pour une dernière fois le jeudi 15 décembre presque 34 ans jour pour jour après le début de sa carrière.

Parce que tout a commencé pour elle le 12 décembre 1988. « J’ai été embauchée à l’époque pour un groupe de soutien aux initiatives jeunesse qui s’appelait  DÉJÀ pour développement entrepreneurship jeunesse Arthabaska. Alain Laveault en était le coordonnateur, se souvient Johanne Therrien. J’ai remplacé un congé de maternité pour six mois. Nous étions une petite équipe de trois personnes et on travaillait avec les jeunes âgés de 18 à 35 ans, tous secteurs confondus. »

Trois années plus tard vient la fusion, en 1991, avec la Corporation de développement économique des Bois-Francs. « On est alors devenu le SAJE, le service d’aide aux jeunes entrepreneurs », rappelle-t-elle.

Au fil des années, Johanne Therrien a toujours supporté, accompagné les entrepreneurs, que ce soit dans le démarrage de leur entreprise, dans un projet d’expansion ou de relève. Le travail comprenait notamment l’élaboration des plans d’affaires, des prévisions budgétaires. « J’en ai vu des analyses d’états financiers », observe-t-elle.

Bien sûr, Johanne Therrien aurait pu relever d’autres défis professionnels. Elle en a reçu des offres avec les années. « Mais j’aimais trop ce que je faisais. Mon travail a toujours été très valorisant et motivant, jamais routinier, car il n’y a pas deux projets pareils. On travaille toujours avec des gens qui sont très enthousiastes, dynamiques et passionnés », exprime-t-elle.

Cette valorisation, Johanne la trouvait, non seulement auprès des promoteurs, mais aussi avec sa gang, l’équipe qui l’entourait et par le conseil d’administration.

« Les entrepreneurs ont toujours été très reconnaissants. Ils me disaient : tu m’aides tellement, c’est grâce à toi… Non, c’est plutôt grâce à eux qui ont fait preuve d’audace et de courage », souligne-t-elle.

Son travail, Johanne Therrien l’a toujours accompli sans compter les heures. « Je suis très passionnée, c’est sûr que je prenais ça beaucoup à cœur », note-t-elle.

Quand un projet nécessitait des ajustements, par exemple, quand venait le temps d’aborder des questions délicates, Johanne demandait aux promoteurs l’autorisation de les « challenger ». « Je leur disais : est-ce que tu me permets? Ils avaient toujours une ouverture. »

Depuis 1998, Johanne Therrien s’est affairée au secteur manufacturier pour accompagner surtout les petites et moyennes entreprises (PME) de 1 à 25 ou 30 employés. 

Comme la Corporation gère des programmes d’aide financière, des suivis s’effectuent pendant au mois cinq ans, le temps de la durée des prêts, explique-t-elle. « Mais bien souvent quand tu crées un lien avec un client que tu as accompagné dans le démarrage, il revient vraiment souvent vers toi pour d’autres projets. S’ils veulent, par exemple, automatiser des équipements ou faire une acquisition de bâtiment, ils reviennent te voir pour planifier la démarche », confie-t-elle.

Durant sa carrière, Johanne Therrien en a côtoyé des hommes et des femmes qui se lançaient en affaires. Ils se comptent par centaines. « On a financé environ 500 projets, car au début, on n’avait pas de programmes de financement. Ceux-ci ont fait leur apparition vers 1998. On en finance une trentaine par année. Mais on accompagne aussi des gens qui n’ont pas de financement. Parfois aussi on va les rencontrer deux fois et ce n’est pas concluant, fait-elle remarquer. Et parfois ce n’est pas concluant à tel moment, mais ils reviennent deux ans plus tard et ils sont mieux préparés. Car la faisabilité du projet doit être considérée. »

La réussite d’un projet, estime Johanne Therrien, requiert une bonne préparation. « Comme je leur dis toujours, quand on fait des prévisions financières, mieux tu planifies, meilleures sont tes chances de réussir. Il a été démontré que de prendre le temps de planifier et de se faire accompagner augmente les chances de succès. Je disais toujours, quand j’allais rencontrer des étudiants en entrepreneuriat, tu es mieux d’apprendre à nager avant de plonger sans quoi tu risques de te noyer », image-t-elle.

En entrevue, Johanne insiste plus d’une fois sur l’équipe autour d’elle. « C’est toute une équipe, on ramait tous dans la même direction. » Et le travail a porté fruit. « On enregistre un excellent taux de réussite. La gestion des prêts, ce qu’on fait, c’est du capital de risques et on a une perte d’environ 6%. Cela veut dire que 6% des entreprises financées ont perdu. C’est très peu », constate-t-elle.

Si la réussite est au rendez-vous, il y a aussi des histoires tristes, comme le suicide d’un promoteur qui l’avait contacté un mois avant avec un beau projet. « C’est ce que j’ai trouvé le plus difficile. »

On espère que quand ça part, ça se fait sur de bonnes bases. Car y en a pour qui ça n’a pas fonctionné pour différentes raisons.

De belles réussites

Son travail, Johanne Therrien l’a toujours accompli comme si c’était sa propre entreprise. « Un peu trop des fois, dit-elle. Mais tu ne peux faire ce travail, si tu ne prends pas ça à cœur, si tu ne te mets pas dans la peau du promoteur. »

L’accompagnatrice a toujours voué une grande admiration pour les entrepreneurs exposés à de bien grands défis. « Il y a plein de facteurs incontournables qui leur arrivent : parfois la faillite d’un client et la pandémie que personne n’a vue venir. Et présentement le manque de main-d’œuvre. C’est tout un défi de trouver des travailleurs et de les retenir tellement ils sont sollicités. Ils travaillent fort les entrepreneurs, et ça les gens ne le voient pas. Tous les défis qu’ils ont à surmonter… Je leur lève mon chapeau, vous êtes mes héros », fait-elle valoir.

Fierté

Quand on lui demande ce qui fait sa fierté, la réponse de Johanne ne tarde pas.

« C’est d’avoir eu la chance d’accompagner tous ces entrepreneurs au cours des années et de les voir réussir. Les exemples sont nombreux, comme ces cibles de chasse faites à Victo et que je vois en magasin. Elles vont se vendre partout au pays. Je me dis ce gars-là est parti de zéro. Ma satisfaction, c’est de les voir travailler, c’est leur réussite, leur évolution, comme les gars de Vosker. Des femmes aussi qui oeuvrent dans le secteur manufacturier, des Sophie Lemieux d’Excellence Composite ou encore Cidjy St-Pierre de Madyson Métal, deux femmes qui réussissent dans un domaine traditionnellement masculin, ça m’épate! »

Des coups de cœur, Johanne Therrien en a tellement qu’elle ne peut se limiter à quelques-uns. « Pour moi, l’important n’est pas le nombre d’emplois créés dans une entreprise, que ce soit 2 ou 25, ce qui me rend fière, c’est la réussite de ces entrepreneurs, qui se réalisent, qui s’accomplissent, qui réalisent leur rêve en fait », confie-t-elle.

Plusieurs de ces entrepreneurs, hommes et femmes, que Johanne a soutenus lui ont témoigné de leur appréciation lors d’une petite fête de départ au début de novembre.

Cidjy St-Pierre de Madyson Métal en faisait partie. « Johanne, c’est une femme de cœur, une femme chaleureuse, extraordinaire qui a cru à beaucoup de personnes. Une personne tellement dévouée pour son travail », souligne-t-elle, ajoutant ne jamais s’être sentie « comme un numéro » avec elle. Même que le lien demeure. « Aujourd’hui, on s’appelle encore. On a conservé ce lien, ce sentiment d’appartenance. Elle dit souvent qu’elle travaille avec une équipe, mais elle en est le pilier. C’est elle qui a cru à nos idées à la base. Elle possède ce sixième sens, cette capacité de voir le potentiel en nous, même s’il nous arrive de douter. Elle mérite bien un article dans La Nouvelle Union », termine-t-elle.

Une retraite active

Elle le reconnaît. La décision a été très difficile à prendre. C’est pourquoi elle l’avait annoncée il y a trois ans. « Il est certain que ça va me manquer. J’ai créé des liens avec ces gens », mentionne Johanne, tout en saluant celle qui prend son poste Judy Manningham. « Elle m’accompagne depuis quelques mois pour le transfert des dossiers. Elle est extrêmement compétente, elle possède de très belles valeurs qui me rejoignent beaucoup. Une jeune femme de 29 ans, très humaine. Une belle relève! » 

Comme si c’était hier, affirme Johanne constatant que les 34 ans ont passé bien vite. « On a une super belle collaboration dans la région, avec la MRC, avec tous les intervenants. Les gens vraiment travaillent ensemble. Il s’agit, je crois, de l’une de nos grandes forces avec nos noyaux d’entrepreneurs incroyables, de véritables passionnés », assure Johanne Therrien qui compte bien prendre une pause avant de reprendre le collier, notamment, dans le bénévolat. « Je vais continuer à voir des gens. Moi, je suis une personne active, je vais continuer à bouger », conclut-elle.

Sa retraite, elle l’a entamée de belle façon avec un voyage en famille au Costa Rica.