Distillerie Euclide : plus qu’un gin, une idéologie!

Deux ans après avoir remporté l’appel de projets Entreprendre Maintenant lancé par la Corporation de développement économique de Victoriaville et sa région (CDEVR), Distillerie Euclide vient officiellement de voir le jour dans un local du parc industriel de la rue Archibald-Campbell et s’apprête à ouvrir ses portes au public.

La distillerie, dotée d’une capacité de production de plus de 100 000 bouteilles annuellement, prévoit en produire de 20 000 à 30 000 la première année, doubler la production la deuxième année et la tripler ensuite.

« On espère approcher les 100 000 bouteilles d’ici les trois ou quatre premières années », a fait savoir l’un des entrepreneurs.

Parce que Distillerie Euclide, c’est l’histoire de Sébastien Roy, Ken Bouffard et Mathieu Provencher, trois amis, trois voisins, deux voisins immédiats et un autre d’en face. Autour d’un feu, l’idée du projet a germé en 2019. Dans la foulée de la popularité grandissante des spiritueux québécois, les trois comparses ont réalisé qu’il y avait un marché dans la région. « On s’est rendu compte qu’une grande zone du territoire n’était pas exploitée. Victo se trouvait au centre d’un territoire vide de distillerie », a indiqué Sébastien Roy. 

Les trois amis se sont inscrits à l’appel de projets de la CDEVR pour voir où tout cela pourrait les mener. « À partir de là, on a commencé à dessiner un projet à l’image de Victoriaville, la région étant déjà largement teintée de l’économie circulaire, de réduction du gaspillage, de l’importance de prendre soin de l’environnement. Et ultimement, c’est l’impact que nous recherchons. D’où notre volonté de présenter un projet s’inscrivant dans ces valeurs-là », a souligné M. Roy.

Les entrepreneurs apprennent tout juste avant la pandémie, le 11 mars 2020, que leur projet est retenu. Ils touchent ainsi, non seulement une somme de 10 000 $, mais ils peuvent compter sur trois ans d’accompagnement avec un spécialiste en montage financier, sur de la formation avec des entreprises de la région pour les réseaux sociaux, sur du coaching d’affaires, sur le développement d’une image de marque. « Mais surtout, ça nous a donné l’étincelle, le coup de pied au derrière pour mener à terme le projet », a précisé Sébastien Roy.

La réalisation du projet a nécessité un montage financier à la hauteur de 750 000 $, montant que l’entreprise ne devrait pas utiliser en entier puisqu’en raison de la pandémie, elle a prévu le coup en évaluant à la hausse le coût des travaux.

Des défis

Les trois entrepreneurs ont dû relever de nombreux défis pour en arriver à lancer leur distillerie.

Tout d’abord, l’année 2020 en fut une de frustration, a relaté Sébastien Roy en exposant les difficultés à dénicher un local devant répondre aux normes et se situer dans un parc industriel.

Début 2021, l’emplacement trouvé, le montage financier a été fignolé avec la CDEVR. « En septembre 2021, a raconté M. Roy, on commençait l’aménagement du local. En décembre, on a pu présenter notre premier produit à la SAQ pour analyse et approbation, produit qu’on a fait développer au cours de l’été par un centre de recherche en agroalimentaire à La Pocatière, un partenaire très important. »

L’année 2022 marque l’obtention des permis requis et l’approbation à la SAQ (Société des alcools du Québec). Mais l’entreprise doit aussi faire face à des problèmes d’approvisionnement, pandémie oblige. L’alambic, la machine de distillation, n’arrivera qu’au mois de mai, obligeant les trois entrepreneurs à faire distiller au centre de recherche à La Pocatière. De plus, ils apprennent, en janvier, que les 22 000 bouteilles commandées en Italie ne seront finalement pas disponibles. « Il a fallu changer de partenaire, de grandeur de bouteille, de faire réapprouver le contenant à la SAQ, donc d’autres délais se sont ajoutés », a fait savoir Sébastien Roy.

D’où vient Euclide?

Distillerie Euclide emprunte un triangle comme logo et illustre la position géographique des trois voisins. « Le triangle, c’est nous trois, c’est trois faces, trois pointes, mais c’est aussi les 3 R (réduction, recyclage, réutilisation), l’illustration de l’économie circulaire », a expliqué M. Roy.

Le nom Euclide vient de ce mathématicien grec qui a accouché d’un ouvrage appelé Les éléments. « On trouvait intéressant d’utiliser l’angle des mathématiques, car notre projet, c’est une équation, c’est l’addition de partenaires importants pour aller chercher des clients et compléter l’équation. »

Distillerie Euclide se veut une productrice de spiritueux responsables en considérant trois axes, à savoir une responsabilité environnementale, sociale et économique.

Environnementale parce qu’elle vise la réduction du gaspillage alimentaire. « Au centre de notre premier gin, on utilise un coproduit de la transformation de la canneberge, de la pulpe et du pépin résultant de la fabrication de jus de notre partenaire, la coopérative Citadelle. Une belle revalorisation d’un produit de la région », a fait valoir Sébastien Roy.

L’entreprise utilise aussi une étiquette de papier contenant un certain pourcentage de papier recyclé. Quant à la bouteille à fond mince et plat, elle présente le moins d’impact sur l’environnement, a-t-il soutenu.

Au niveau social, les trois entrepreneurs ont formé une coopérative de travailleurs, devenant ainsi la première distillerie à adopter ce modèle au Québec, une forme juridique et populaire auprès des microbrasseries, a-t-on dit. 

« La raison, c’est qu’on veut avoir un impact positif sur les gens, la communauté et l’environnement. On trouvait logique que ce soit une entreprise dont les employés en détiennent la destinée. On est à force égale dans ce projet. On voulait que les idées soient mises de l’avant, et non les aspects monétaires et le pouvoir liés à un actionnariat », a mentionné Sébastien Roy.

L’entreprise privilégie des maillages avec des entreprises de la région, utilisant dans son gin le zeste d’orange, des oranges achetées auprès d’une entreprise locale, Famille Lampron. Pour en obtenir le zeste, ces oranges sont confiées à L’Autre Fabrik, une entreprise de réinsertion. « L’entreprise nous remet le zeste, mais les oranges qu’on a payées, on leur laisse. Elles servent pour leurs collations, mais aussi elles prennent le chemin du restaurant populaire et de la Sécurité alimentaire. Donc, quand vous achetez un gin de la distillerie Euclide, vous aidez à donner de l’emploi à des gens et vous mettez des oranges dans des assiettes de gens en difficultés et dans celles de 200 enfants dans des écoles de la région », a observé M. Roy.

Distillerie Euclide travaille donc avec des entreprises de proximité, pratiquement toutes locales. « Le but, c’est le plus possible d’aller chercher des gens près de chez nous, qui créent de l’impact chez nous. Comme Cascades qui nous fournit les boîtes. Plutôt que de regarder pour un meilleur prix de boîte, on considère l’entreprise la plus près, ce qui évite du transport. On veut que les gens achètent une idéologie, non seulement un produit qui goûte bon. On veut que les gens s’identifient au produit », a énoncé M. Roy.

À venir

Il s’appelle Les Éléments no 1, le premier gin qu’on retrouvera, en mai ou juin, sur les tablettes de la SAQ qui a commandé, pour le moment, 2400 bouteilles.

Numéro un suggère que l’entreprise ne s’arrêtera pas là. « On a déjà acquis des barils ayant déjà servi pour du rhum, du porto, du bourbon et sirop d’érable. On fera vieillir notre gin dans ces barils pour produire, à tirage limité, 200 bouteilles à la fois, des produits un peu plus haut de gamme, plus cher. Des versions vieillies. Cinq déclinaisons du gin, dans ces barils différents, amèneront des saveurs différentes. Une façon aussi d’aller tâter le pouls de ce que les gens aiment. Le gin a beaucoup la cote actuellement, mais on croit que le goût des gens continuera de migrer vers des alcools bruns », a fait savoir l’entrepreneur.

Distillerie Euclide prépare aussi un important projet de développement avec le centre de La Pocatière pour aller chercher d’autres coproduits de transformation alimentaire dans la région. Ce projet d’étude est déjà signé et financé en partie, à suivre!

Pour le moment, la nouvelle distillerie s’ouvre au public dès vendredi de 10 h à 20 h et samedi de 10 h à 16 h.

Commentaires

Le maire de Victoriaville, Antoine Tardif, n’a pas caché sa fierté de voir l’aboutissement de ce projet. « Je ne pourrais pas être plus fier comme président de la CDEVR, comme maire de Victo, mais surtout comme grand amateur de gin, d’assister à cette belle annonce en compagnie de trois entrepreneurs tout à fait extraordinaires qui ont, non seulement mis sur pied un premier gin pour Victo et sa région, mais surtout un projet unique de circularité de développement durable tout à l’image de notre ville et de notre région », a-t-il exprimé tout en notant la chimie qui unit ces trois entrepreneurs ayant à cœur leur produit.

Le directeur général de la CDEVR, Frédérik Boisvert, trouve aussi intéressant ce produit qui intègre de la canneberge. « On récupère ce qui se passe dans la région. C’est un peu l’incarnation de ce qu’on veut pour la région. On veut une économie forte, des produits distinctifs et vous l’avez. Je vous souhaite la conquête de Victo, du Québec, surtout la conquête du Canada et, pourquoi pas, du monde!  Alors lancez et propagez-vous! », a-t-il conclu.