Des parents appréhendent l’éventuelle fermeture de la classe des Petits pas

Des parents, comme Sandie Hamel, exhortent le Centre de services scolaire des Bois-Francs (CSSBF) à ne pas aller de l’avant avec la fermeture envisagée de la classe des Petits pas de l’école Sainte-Marguerite-Bourgeoys de Victoriaville. Ils invitent plutôt le CSSBF à privilégier d’autres options.

Depuis une vingtaine d’années, la classe des Petits pas accueille, à même l’école primaire de la rue de Versailles, une clientèle d’enfants ayant une déficience intellectuelle de moyenne à sévère. Des enfants dont l’âge s’échelonne du niveau de la maternelle jusqu’à la sixième année.

La classe compte présentement huit élèves, mais quatre d’entre eux feraient leur rentrée au secondaire à l’automne. Il ne resterait plus que quatre enfants dans la classe des Petits pas. Ce nombre ne justifierait plus le maintien de la classe.

« La raison qu’on nous donne, c’est qu’il n’y aurait plus d’enfants qui correspondraient à la classe selon leur évaluation des besoins pour les élèves handicapés et en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (ÉHDAA) pour les trois prochaines années », confie Sandie Hamel, la maman de Justin, 7 ans, ayant une trisomie 21. Le jeune garçon fréquente depuis trois ans la classe des Petits pas, seule classe du genre intégrée dans une école régulière sur tout le Centre de services scolaire des Bois-Francs pour le parcours de la maternelle à la sixième année.

La solution envisagée par le CSSBF ne plaît pas du tout aux parents. On envisagerait le déplacement des enfants vers l’école spécialisée La Myriade. « On nous dit que ce n’est pas une fermeture, mais un déplacement de classe.  Cependant, ils nous confirment que ce ne serait pas leur priorité de conserver dans la même classe les élèves. Ils prévoient les éparpiller un peu partout dans l’école La Myriade. Pour moi, un déplacement, c’est quand on prend un groupe et qu’on le transfère en bloc d’une école à l’autre, explique Sandie Hamel. Disperser, pour moi, ce n’est plus un déplacement de services, c’est une fermeture de ce service-là pour en arriver à un nouveau service qui ne répond pas aux besoins de nos enfants. »

Parce qu’avant d’intégrer la classe des Petits pas, note Mme Hamel, les enfants ont été évalués. Et l’évaluation faisait en sorte de les diriger vers la classe spécialisée à l’intérieur de l’école régulière Sainte-Marguerite-Bourgeoys.

Des solutions

Informés de la situation le 25 octobre par la directrice de l’école, les parents ont proposé des solutions au CSSBF. L’une d’elles suggère de déplacer des élèves de la Myriade vers la classe des Petits pas pour venir combler le groupe.

« On pourrait aussi élargir la clientèle qu’on peut accueillir dans la classe, croit Sandie Hamel, car ces enfants sont compatibles avec d’autres types de clientèle. Ce sont des enfants qui ont une facilité de contact avec les autres, ils sont faciles d’approche. Bien sûr, ce ne sont pas tous les enfants qui sont compatibles avec cette classe, mais il y a d’autres clientèles qui pourraient très bien y être jumelées. »

Le CSSBF aurait laissé entendre, selon la maman de Justin, que le déplacement vers la Myriade serait la seule solution envisagée. « Mais quand on leur demande de nous envoyer des élèves de la Myriade, ils nous répondent que ce n’est pas possible, qu’aucun des enfants ne correspond aux élèves de la classe des Petits pas. Ils soutiennent que le transfert n’est pas possible. C’est très questionnant pour nous les parents, fait valoir Sandie Hamel. S’il n’y a aucune compatibilité entre nos enfants et ceux de La Myriade, c’est inquiétant de vouloir envoyer les nôtres à La Myriade. Si le chemin peut se faire dans un sens, il peut se faire dans l’autre. »

La mère de famille reconnaît que sur les quelque 240 élèves de la Myriade, plusieurs ne pourraient fréquenter la classe des Petits pas en raison de leur condition. « Mais dans les deux à trois classes potentielles dans lesquelles ils prévoient envoyer nos enfants, ce serait bien peut-être de refaire une évaluation de ces élèves.  S’ils pensent y envoyer nos enfants, je crois aussi que certains enfants pourraient très bien intégrer la classe des Petits pas, permettant ainsi d’éviter sa fermeture. Ont-ils pensé à faire un sondage auprès des parents de ces enfants? Je suis certaine que des parents apprécieraient de se faire proposer une classe comme ça dans une école régulière », soutient Sandie Hamel.

Des bienfaits

La Victoriavilloise témoigne des bienfaits de la classe des Petits pas qui fonctionne bien avec une expertise incroyable, note-t-elle. « Si on se bat tant, c’est qu’on sait que ça en vaut la peine pour nos enfants, c’est la meilleure option pour eux. »

Tout le monde en ressort gagnant, en fait, estime Mme Hamel. « Les élèves de la classe des Petits pas, c’est comme des petites vedettes pour les élèves du parcours régulier, ils connaissent leurs noms. Pour les enfants du régulier, c’est une richesse immense. En côtoyant la différence tous les jours, ça leur permet une plus grande ouverture d’esprit, d’être plus tolérants  et plus bienveillants envers les autres, exprime-t-elle. Il ne faut pas oublier que ce sont les futurs citoyens de demain. Que souhaite-t-on pour notre société? L’école ce n’est pas seulement s’instruire, c’est aussi l’éducation. Côtoyer la différence, cela ne s’apprend pas dans les livres, ça se vit au quotidien. »

Fermer la classe des Petits pas équivaudrait, selon elle, à une importante régression. « Je crois fermement qu’aller de l’avant avec la fermeture de la classe représenterait un grand pas derrière en matière d’inclusion.  Ce ne sont pas seulement nos enfants qui seraient perdants, mais aussi l’ensemble des élèves.

Sans compter d’autres répercussions probables », souligne Mme Hamel en évoquant l’avenir incertain pour les deux classes intégrées à l’école secondaire Le tandem et le partenariat avec les étudiants en éducation spécialisée du Cégep de Victoriaville qui ont l’occasion de visiter et de recevoir les élèves de la classe des Petits pas.

La mère de famille soulève aussi la possibilité de classes primaires-secondaires, ce qui permettrait d’aller chercher une clientèle plus âgée et de former un plus grand groupe. « Dans la vie, il n’y a pas de problèmes, que des solutions, observe-t-elle. Il suffit d’un peu de volonté. J’ai confiance qu’ils comprennent et qu’ils réfléchissent à des solutions pour éviter la fermeture. On est en 2023, l’inclusion a véritablement sa place dans la société. »

Pas encore de décision

Au CSSBF, on ne se défile pas. Oui, la fermeture de la classe des Petits pas est dans les cartons, mais la porte n’est pas encore tout à fait fermée. « On est en consultation actuellement et elle n’est pas terminée. On est aussi en analyse de situation », indique, d’emblée, la directrice générale adjointe, Marylène Plante.

Chose certaine, on ne peut maintenir une classe à trois ou quatre élèves, comme on le prévoit en septembre pour la classe des Petits pas. « Présentement, dans nos prévisions de clientèle,  il n’y a pas d’élèves qui correspondraient au profil de cette classe, à son offre de services. Voilà pourquoi nous en sommes à analyser ce qu’on doit faire exactement, ce n’est pas terminé. La décision n’est pas prise », assure-t-elle.

Le sujet figurera à l’ordre du jour de la prochaine séance du conseil d’administration, le mardi 17 janvier. Mais il n’est pas encore certain, selon la directrice générale adjointe, qu’une décision définitive soit prise à ce moment.

« On a une opération préscolaire en cours, comme tous les ans, signale Marylène Plante. On reçoit les inscriptions de nouveaux élèves de maternelle. On attend de voir s’il y a des élèves qui auront besoin de l’offre de services de cette classe des Petits pas. Donc, on laisse la chance au processus d’inscription de suivre son cours. » 

Advenant une fermeture, le CSSBF trouvera une nouvelle classe aux quelques élèves. « En fonction de leurs besoins et de leurs capacités, on va trouver la meilleure classe pour eux », souligne la directrice générale adjointe.

Et la probabilité est forte pour que ce soit à la Myriade. « C’est notre école spécialisée qui nous offre une flexibilité dans le choix des classes, selon les besoins et les capacités des élèves. C’est ce qu’on entrevoit si jamais il y a une fermeture.  Mais encore une fois, la décision n’est pas prise », rappelle-t-elle.

Cependant, la direction du CSSBF tenait à informer à l’avance les parents de la situation. Elle dit comprendre la réaction des parents et reconnaît les bienfaits d’une classe spécialisée dans une école régulière. « On ne dément aucunement les bienfaits de ce groupe. Ça n’a rien à voir avec ça, exprime-t-elle. La décision découle du nombre d’élèves qui ont le besoin spécifique de cette offre de services. En même temps, s’il y avait des profils d’élèves correspondant à cette classe, ils y seraient déjà, on les aurait déjà classés à cet endroit. On ne trouvera pas des élèves pour mettre dans une classe. On trouve une classe qui convient aux élèves. »

Quant à la suggestion de transférer des élèves de la Myriade dans la classe des Petits pas, elle n’apparaît pas appropriée, expose Marylène Plante. « On nous demande de trouver des élèves pour garder une classe ouverte. Mais les élèves actuellement desservis à la Myriade s’y trouvent parce que c’est ce qui correspond à leurs besoins à la suite d’une évaluation », fait-elle valoir, tout en précisant que les évaluations se font chaque année pour tous les élèves se trouvant en classe spécialisée. « Il y a des rencontres de plan d’intervention deux fois l’an. Il y a une équipe de spécialistes autour de l’élève qui, chaque année, procède à une réévaluation. Est-ce qu’on est toujours à la bonne place? À la Myriade, il arrive souvent que des élèves changent de classe. On y va selon leurs besoins et on tient compte de leur évolution », atteste la directrice générale adjointe.

La clientèle éprouvant des besoins augmente et nécessite des ressources, fait remarquer Marylène Plante. « On ne peut garder une enseignante pour trois ou quatre élèves alors que d’autres enfants sont en besoin. Et ce sont des spécialistes, ces profs. On ne peut pas garder une classe ouverte pour quatre élèves. Et avec la classe des Petits pas, la description des services offerts ne correspond pas aux besoins des élèves actuellement », constate-t-elle, rappelant que la porte n’est pas encore fermée.  « On ne sait pas, d’ici quelques semaines… Pour le moment, on met un voyant rouge sur cette classe. On l’a à l’œil et on veut voir l’évolution », conclut-elle.